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Les Area Performance Contracts (APC) et les Support Services Contracts (SSC) : un pas vers la responsabilisation des directeurs

logique de marché

Section 1 Le processus d’institutionnalisation de la logique de marché

2 La période 000 004 : l’introduction des contrats de performance pour gérer un conflit institutionnel

2.4 L’introduction des contrats de internes de performance : à recherche d’une conformité institutionnelle

2.4.2 Les Area Performance Contracts (APC) et les Support Services Contracts (SSC) : un pas vers la responsabilisation des directeurs

d’agence

D’août 1999 à août 2000, le programme SEREP (Service and Revenue Enhancement

Programme) bâti sur le même principe fut lancé en introduisant l’idée que le service est

avant tout destiné au client, et que « sans le client, il n’y a pas d’argent ». La priorité fut alors donnée à l’augmentation du chiffre d’affaires. Il fallait vendre plus, donc produire plus, augmenter le nombre de clients et les satisfaire. L’orientation client ainsi nouvellement introduite s’accompagna d’un slogan : « Le client est notre raison d’être »111

qui fut présenté comme la « vision » de l’entreprise publique, et fut affiché dans toutes les agences. Cette orientation client dans l’activité marquait une volonté de poursuivre la stratégie d’imitation du secteur marchand, pour gagner en légitimité. Pour aller plus loin dans la recherche de la conformité institutionnelle, des contrats internes de performance ont été mis en place avec l’appui d’experts internationaux. Signés entre le Siège et les agences opérationnelles, ils sont appelés, jusqu’en 2004, les Area Performance Contract (APC)112 (voir Figure 11). En outre, des Support Services Contracts (SSC) ont également

été signés pendant cette même période entre le siège du NWSC et quelques services supports113. Dès 2000, des objectifs de court terme avec des rémunérations ont été

introduits lors des cérémonies de remise de trophées.

110 Traduction libre de : «The secret of success was hard work, teamwork, competition, fair play

and transparency.«

111 Traduction libre de : « The client is the reason we exist. » 112 Area est le terme par lequel une agence est désignée.

113 Les services supports concernés par ces SSC étaient les suivants : Information Technology, Quality Management, Research and Development, Block Mapping, Water Production (Kampala Ggaba), Sewerage (Kampala Bugolobi) et Procurement & Stores.

Figure 11 : Contrats de performance dans le champ organisationnel en Ouganda

L’idée d’introduire des contrats internes de performance pour inciter les managers à s’investir plus dans leur travail est venue de discussions avec des conseillers de la Banque Mondiale et un expert dans la gestion des services publics d’eau de l’Institute of

Infrastructure and Hydraulic Engineering de Delft (Pays-Bas) (Muhairwe, 2009). Au début

des années 2000, le NWSC était caractérisé par une gestion centralisée où le Siège supervisait toutes les activités opérationnelles. Toutes les décisions et la supervision, notamment des activités d’exploitation et de maintenance se faisaient depuis Kampala par un ingénieur (voir annexe 5). Cette organisation du travail a été jugée inefficace car l’implication du Siège dans la gestion opérationnelle était perçue comme un goulet d’étranglement ralentissant les processus de décision. En vue de responsabiliser les managers des unités opérationnelles, et stimuler leur capacité d’innovation, le DG voulait leur donner plus d’autonomie, les impliquer dans la définition des niveaux de performance à atteindre, l’identification des domaines dans lesquels l’entreprise devait progresser et la conception de stratégies innovantes. Le DG demanda aux directeurs d’agence de rédiger des plans d’affaire dans lesquels ils devaient définir des objectifs SMART, réaliser une analyse SWOT de la situation de leur agence, et présenter des stratégies innovantes pour atteindre les objectifs fixés.

Ces contrats internes de performance incarnent la doctrine du Nouveau Management Public et la logique de marché, en attribuant un rôle prépondérant aux managers. S’appuyant sur la théorie économique de l’agence (Jensen, Meckling, 1976), l’opportunisme et l’asymétrie d’information sont dépassés par la mise en place d’incitations à la performance et la garantie de l’autonomie et des moyens, le tout associé

au contrôle. Ainsi, une nouvelle catégorie d’identité professionnelle se dessinait : celle des managers. Dans une organisation technique dominée dans les années 1980 et 1990 par les ingénieurs, le pouvoir était en train de glisser vers les manager, devenus, par la signature des contrats internes de performance, responsables de la performance.

Les premiers contrats internes de performance (APC) ont été signés en octobre 2000 pour une durée d’un an114. Ces contrats accordaient aux chefs d’agence plus d’autonomie

en matière de gestion financière et de gestion des ressources humaines. Les directeurs pouvaient décider du nombre d’embauches, bénéficier d’une liberté d’utilisation des fonds jusqu’au montant plafond défini contractuellement et réaliser des achats dans une limite fixée par avance.

« Pour maintenir l’enthousiasme des employés » (Muhairwe, 2009, p. 91), les cérémonies de remise des trophées ont été maintenues, avec en outre un bonus financier de 25% du salaire mensuel brut en cas d’atteinte de 95% des objectifs pour tous les employés et la promotion des directeurs d’agence les plus performants. Des pénalités étaient également prévues : perte du bonus en cas de non atteinte de 85% des objectifs trois mois consécutifs. Ces pénalités ayant été très mal perçues par les directeurs d’agence, le Siège les a informés qu’elles ne seraient appliquées qu’en dernier recours, si les directeurs ne fournissaient pas d’explication convaincante à leurs échecs. Des évaluations trimestrielles ont été instaurées se concluant par les cérémonies de remise des trophées, avec récompense financière d’un montant identique à celui défini précédemment : 4 million d’Ushs distribués comme suit : 1,5 millions d’Ushs pour le gagnant toutes catégories, 1 million d’Ushs pour le second et 300 000 Ushs pour les gagnants de chacune des cinq catégories.

Rétrospectivement, le DG Muhairwe relate la mise en place de ces contrats comme un succès :

« Le succès des APC a permis aux agences de gagner en prestige au niveau local, ainsi qu’un sentiment de satisfaction pour le travail accompli, d’obtenir des incitations financières et, bien entendu, de bénéficier d’une meilleure satisfaction des clients, comme montré par les enquêtes clients consécutives. »115

(Muhairwe, 2009, p. 95)

Les employés et les managers interrogés ont associé ces APC à la construction en commun du sens de leur l’action et à une meilleure cohésion sociale, améliorant

114 Ces contrats ont été signés avec toutes les agences à l’exception de l’agence de Kampala,

sous contrat de management avec des entreprises privées jusqu’en 2004.

115 Traduction libre de : «The success of the APCs ensured that the Areas invariably gained local

prestige and a sense of achievement, monetary incentives and, of course, enhanced customer satisfaction, which was amplified by consecutive customer surveys.«

l’engagement au travail. Ceci est raconté dans le rapport d’évaluation des APC établi par un consultant pour le compte du NWSC :

« De façon presque unanime au sein des agences, départements et sections, l’impact le plus significatif des contrats APC/SSC a été le fait de se recentrer sur le travail dans l’entreprise. D’après de nombreux témoignages, il apparaît que les gens avaient l’habitude de venir travailler pour marquer leur présence et s’en allaient sans avoir conscience de leur rôle. Les salaires étaient garantis et le statut était établi. Mais les APC/SSC ont changé tout cela. Pour la première fois les gens donnent un sens à leur mission et ont des objectifs à accomplir. (...) Un autre bénéfice souvent cité des contrats APC/SSC était d’avoir encouragé le travail d’équipe. Les concepts d’équipe d’agence et la responsabilité collective ont fait tomber les barrières entre les fonctions dans les agences. Par exemple, dans les agences où les équipes sont fortes, tous les agents mettent la main à la pâte au moment du recouvrement des factures, quelque soit leur fonction établie. »116 (Group To Consult, 2001, p. 6)

Ce même rapport dénonce pourtant quelques incohérences dans leur mise en œuvre (autonomie et incitations limitées, fixation des objectifs incohérente, évaluation sans analyse, saturation de l’ingénieur supervisant les agences au niveau du Siège). En dépit de ces incohérences, les APC ont été pérennisés.

En revanche, les SSC ont été abandonnés au bout d’un an, conduisant à intégrer les services support aux agences. Selon le rapport d’évaluation, les services support ne générant pas de recettes, et dépendant totalement du Siège pour les achats, ont été négligés. Les SSC n’ont pas élaboré d’objectifs propres à leurs activités, ce qui a contribué à les marginaliser (Group To Consult, 2001). Par ailleurs, certains effets pervers ont été mis à jour. Par exemple, les objectifs spécifiques aux équipes en charge de la production d’eau potable à Kampala les auraient encouragé à produire toujours plus, initiant des actions nuisant au rendement du réseau de distribution. La mise en œuvre de ces contrats aurait également provoqué un conflit entre les équipes de production et le reste de l’agence sur la sincérité des chiffres de la performance fournis.

En outre, la performance n’a pas atteint le niveau attendu pour le contrat APC II, ce qui

116 Traduction libre de : « Almost unanimously across Areas, Departments and Sections the most

significant impact of the APC/SSC arrangements has been the new focus on the business of the corporation. From numerous accounts it appears that people used to come to work to put in a day’s presence and leave without consciousness of what their role was. Salaries were guaranteed and the status quo was established. But the APCs/SSCs changed all that. For the first time people have a keen sense of mission and targets to achieve. (…) Another widely cited benefit of the APC/SSC arrangement was the fostering of teamwork. The concept of area teams and collective responsibility has resulted broken boundaries between functions in the Areas. For example, in the Areas where the teams are strong every body chips in when its time for collections regardless of

aurait poussé le DG à rechercher des incitations supplémentaires (Muhairwe, 2009). C’est ainsi qu’il justifie, dans son livre, l’introduction de deux nouvelles techniques de management : le concept de « Stretch-out » (dépassement des limites) et celui de « One-

Minute management » (incitations individuelles).

2.4.3 Le programme «Stretch-out » : viser toujours plus haut avec les

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