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institutionnelle : une approche critique du contrôle de gestion

Encadré 1 : Méthode employée pour la revue de littérature sur la mobilisation de la SNI dans la discipline du contrôle de gestion.

2.3 L’évolution des systèmes de contrôle de gestion dans une organisation.

Un large ensemble de travaux s’intéresse à la façon sont les systèmes de contrôle de gestion mis en place dans le cadre d’un changement institutionnel (dans ce cas, un changement de règles) évoluent une fois introduits au sein d’une organisation. Burns et Scapens (2000) ont bâti un modèle de changement construit sur le vieil institutionnalisme économique (représenté par les économistes américains Thorstein Veblen et John Rogers Commons), la théorie de la structuration de Giddens (1984) et les travaux de Barley et Tolbert (1997). Ils conceptualisent l’évolution des systèmes de contrôle de gestion comme des changements de règles (comment les choses doivent être faites) et de routines (comment les choses sont faites). Les règles liées aux institutions et les routines rattachées au monde de l’action sont des éléments institutionnels structurant les pratiques (van der Steen, 2011). Leur cadre d’analyse est intéressant en ce qu’ils proposent une analyse des interactions entre institutions et actions au niveau intra- organisationnel. A partir d’une rupture, c’est-à-dire d’un changement du contexte

institutionnel qui induit l’introduction d’une nouvelle pratique, ce modèle permet d’analyser la structuration réciproque des institutions et des actions internes à l’organisation. Leurs travaux rejoignent le questionnement de Ahrens et Chapman (2007) sur l’équilibre entre agence et structure dans l’analyse des pratiques de contrôle de gestion. Leurs travaux se situent ainsi dans la lignée des approches ancrant les pratiques de contrôle de gestion dans un contexte institutionnel, dépassant les frontières de l’organisation et les problématiques techniques (Burns, Vaivio, 2001).

Le recours au cadre du vieil institutionnalisme est justifié par Burns (2000) par le fait que ce courant aborde les institutions comme une structure ou superstructure relativement malléable et non figée, qui fixent un cadre aux actions individuelles ou collectives à travers des organisations particulières qui seraient alors autant de « micro-institutions » avec leurs règles, leurs normes, leurs pratiques.

Leur modèle a inspiré de nombreux travaux s’intéressant à la façon dont les systèmes de contrôle de gestion sont développés et utilisés dans les organisations (Burns, 2000 ; Granlund, 2001 ; Kasperskaya, 2008 ; Lukka, 2007 ; Siti-Nabiha, Scapens, 2005 ; ter Bogt, van Helden, 2000 ; ter Bogt, 2008 ; van der Steen, 2011). Dans l’analyse des réformes de Nouveau Management Public de deux municipalités espagnoles, Kasperskaya (2008) compare le processus d’adoption et de mise en œuvre d’une

Balanced Scorecard. Elle montre notamment comment varient les réponses

organisationnelles en fonction des déclinaisons de cet outil dans les routines de l’organisation. Dans une entreprise asiatique du secteur de l’énergie, Siti-Nabiha et Scapens (2005) ont étudié le processus de changement de routines organisationnelles suite à l’introduction d’un nouveau système d’évaluation de la performance imposé par la maison mère sous contrôle de l’Etat. Ils décrivent le découplage produit, dans un premier temps, entre les indicateurs de performance utilisés dans l’évaluation et les activités opérationnelles, qui a entraîné une certaine stabilité, avant que le système ne génère des changements organisationnels.

La principale limite de l’approche proposée par Burns et Scapens est qu’elle ne permet pas de tenir compte « des liens entre les pratiques organisationnelles et le champ organisationnel, ou de la possible influence de facteurs sociétaux ou d’acteurs influents. » (Burns, Scapens, 2000, p. 4!5).

Par ailleurs, Modell (2009b) a mobilisé la notion de chemin de dépendance, empruntée à North, économiste historien institutionnaliste, pour désigner l’influence des structures institutionnalisées sur les choix présents et futurs. Dans son étude au sein de l’administration fiscale suédoise, Modell a montré comment l’introduction du management par les résultats dans les années 1990 a contraint la mise en œuvre de mesures ultérieures, de type management de la qualité totale. Par ailleurs, Modell (2005b) a montré que des pratiques de contrôle institutionnalisées peuvent évoluer avec l’action

d’entrepreneur institutionnel, mais dans les limites d’un format imposé par l’outil. Ainsi, les systèmes de contrôle de gestion, une fois institutionnalisés, structurent le développement ultérieur de l’organisation.

Nous retenons de ce dernier ensemble de travaux, centré sur la question de l’évolution des systèmes de contrôle de gestion dans une organisation sous l’effet d’un changement institutionnel survenu dans le champ organisationnel, qu’il constitue une première voie explorant les liens entre institutions, actions et systèmes de contrôle de gestion. Limités aux micro-processus de changement organisationnel, les résultats des travaux montrent le pouvoir structurant des systèmes de contrôle de gestion institutionnalisés. Ce pouvoir structurant peut créer un chemin de dépendance au sein de l’organisation, sélectionnant les alternatives envisageables.

Conclusion de la partie 2 de la section 2 :

La revue de littérature sur les questions et les résultats des travaux dans la discipline du contrôle de gestion mobilisant la SNI a permis d’identifier trois ensembles. Le premier ensemble porte sur l’adoption de nouveaux systèmes de contrôle de gestion et s’intéresse au découplage induit. Le second introduit les notions d’intérêt et de pouvoir pour expliquer l’adoption, la conception et la mise en œuvre des systèmes de contrôle de gestion. Le troisième et dernier ensemble s’intéresse à l’évolution des systèmes de contrôle de gestion une fois introduits dans les organisations. Il propose notamment une analyse des interactions entre micro-institutions et pratiques, dans une approche processuelle de l’organisation. Au fil du temps, les travaux empiriques ont évolué. Malgré l’introduction de nouveaux outils de contrôle de gestion, les études ont d’abord insisté sur la stabilité des pratiques résultant de l’adoption de pratiques cérémonielles. La question du changement a ensuite fait l’objet de plusieurs autres apports s’intéressant plus particulièrement au rôle des acteurs, et à leurs stratégies ainsi qu’aux processus d’interaction entre institutions, organisations et pratiques.

L’apparente rationalité des systèmes de contrôle de gestion a contribué à assurer leur diffusion et leur adoption comme vecteur de légitimation des organisations. Les recherches ont montré notamment que si les dispositifs de contrôle de gestion étaient dans un premier temps adoptés dans une quête de légitimité, il n’y avait pas forcément découplage et adoption cérémonielle. Il ressort des analyses que les systèmes de contrôle de gestion ont des effets structurants et finissent par engendrer des changements au niveau organisationnel. Ils ont un impact sur le management, mais aussi sur les pratiques et les perceptions (Morales, Sponem, 2009). Les acteurs disposent de plus ou moins de marges de manœuvre selon les contextes pour influer sur la mise en œuvre des outils du contrôle de gestion dans leur conception et utilisation. Ces travaux

ont contribué à la SNI en identifiant le type de réponse managériale aux pressions institutionnelles dans la conception et la mise en œuvre des systèmes de contrôle de gestion, en particulier dans le domaine de l’action publique où les institutions sont le plus souvent multiples et contradictoires. L’accent est mis sur l’importance de l’environnement socio-culturel pour analyser les pratiques. Ainsi, la mise en place d’un système de contrôle de gestion dans une organisation n’est ni neutre ni prédictible. Fruit d’interactions entre institutions, organisations et pratiques, un système de contrôle de gestion demande pour être compris, que soit tenu compte d’un cadre dépassant les frontières de l’organisation, Comment dès lors la question de son rôle dans les processus de changement institutionnel a-t-elle été abordée ?

Notons pour conclure qu’aucune étude empirique n’a porté sur le secteur public de l’eau, et que la grande majorité des travaux s’intéresse à un ensemble relativement homogène sur le plan institutionnel : le monde occidental, capitaliste et démocratique (voir Encadré 2 ci-après). Enfin, malgré son intérêt heuristique, le concept de logique institutionnelle a peu été mobilisé.

La SNI a particulièrement été utilisée par les institutionnalistes qui s’intéressent au secteur public mais aussi par les chercheurs qui s’intéressent aux systèmes de contrôle de gestion dans les organisations publiques. Pour le secteur public, l’approche néo- institutionnelle des systèmes de contrôle a d’autant plus de sens que la légitimité d’une organisation publique repose souvent sur la production d’informations sur sa performance pour des organisations tierces, et que des pressions institutionnelles incitent à l’adoption d’outils de contrôle de gestion (Modell, 2009b).

La plupart des recherches empiriques concernent des organisations publiques aux Etats- Unis, en Europe du Nord (Royaume-Uni, Suède, Norvège, Pays-Bas, France), et en Australie. Ceci est très probablement lié à la diffusion des pratiques de contrôle de gestion dans le cadre de la vague de réformes de Nouveau Management Public (Hood, 1995). Les études ont porté sur un nombre relativement restreint de secteurs publics (Modell, 2009b) : santé (Chang, 2006 ; Covaleski et al., 1993 ; Modell, 2001), universités (Covaleski, Dirsmith, 1988 ; Modell, 2003), municipalités / collectivités territoriales (Adofsson and Wikström, 2007; Johansson and Siverbo, 2009; Kasperskaya, 2008; Ter Bogt, 2008). Les études portant sur des pays émergents ou en développement sont peu nombreuses (Bangladesh, Malaysie, Chine) (Alam, 1997 ; Nor-Aziah, Scapens, 2007 ; O’Connor et al., 2004 ; Siti-Nabiha, Scapens, 2005).

Le thème principal de ces études empiriques est la mesure et la gestion de la performance de l’organisation publique, notamment depuis la publication de l’article de Brignall et Modell (2000) (Modell, 2009b). D’autres problématiques du contrôle de gestion ont été abordées, comme le contrôle budgétaire (Collier, 2001), la Balanced Scorecard (Kasperskaya, 2008 ; Modell, 2009a), la qualité (Adolfsson, Wikström, 2007).

Encadré 2 : Un bref panorama : principaux secteurs, pays et systèmes de contrôle de gestion ayant fait l’objet d’études empiriques mobilisant la SNI.

3 L’émergence de la question du rôle du contrôle de gestion

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