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La logique de marché dans le secteur public ougandais : le Nouveau Management Public à l’œuvre

urbaine ougandais

Carte 3 : Carte des groupes ethniques en Ouganda

3 La logique de marché dans le secteur public ougandais : le Nouveau Management Public à l’œuvre

Le Nouveau Management Public (NMP) comme nouveau paradigme de l’administration publique fut introduit en Ouganda par les organisations de Bretton Woods (Economic Commission for Africa, 2003). Ces réformes, dites de deuxième génération, ont été menées après les réformes visant à restaurer la stabilité macroéconomique (Lienert, 1998). La doctrine du NMP incite à passer du contrôle des procédures au contrôle des résultats. Une théorie de la performance s’impose : c’est la compétition avec le secteur privé, mais aussi au sein du secteur public, qui peut améliorer l’efficience de l’administration. Cette partie montre comment le secteur public ougandais, détruit par des années de troubles politiques majeurs (3.1) a été réformé à l’aune du NMP (3.2).

3.1 La déstabilisation du service public ougandais dans les années 1970 Le service public ougandais jouissait dans les années 1960 d’une bonne réputation, qualifié de « fort, fiable, relativement impartial et peu corrompu » et « considéré comme un des meilleurs en Afrique sub-saharienne »57 (Karugire, 1996 ; Olowu, 2001, p. 121).

L’administration ougandaise avait adopté les principes du service public britannique (Olowu, 2001, p. 121) : la gestion du service public est confiée à une « Public

Service Commission », organe censé être indépendant, apolitique et impartial ; les

fonctionnaires sont recrutés sur concours, la promotion se fait au mérite et à la performance évaluée annuellement ; les fonctionnaires doivent adhérer à des valeurs éthiques d’objectivité, de neutralité, d’intégrité et d’anonymat ; les conditions de travail sont attrayantes : logement subventionné, prise en charge de la santé, congés payés, emploi à vie et retraite. En 1962, l’administration ougandaise, peu nombreuse (22 560 agents) a un bon niveau de formation.

Au cours des années 1970, l’administration publique ougandaise va être déstabilisée. Olowu (2001) identifie trois facteurs de déclin de l’administration ougandaise. Premièrement, la politique d’africanisation de l’administration du premier Gouvernement Obote (1967-1971) a propulsé des jeunes mal formés et inexpérimentés à des postes à haute responsabilité. Deuxièmement, le service public est devenu politisé. L’administration est passée d’un système fondé sur la méritocratie à un système fondé sur l’appartenance ethnique, religieuse et régionale. Les valeurs d’autonomie et d’impartialité politique ont été détruites. A partir de 1964 par exemple, la Commission du service public était dirigée par des membres du parti au pouvoir. Enfin, la dictature d’Idi Amin Dada, à partir de 1971, a profondément impacté le service public. Les mauvais

choix économiques58 ont conduit à une érosion des salaires et une forte instabilité

politique et sociale. Olowu parle d’hémorragie et d’un état d’anarchie du service public, avec des administrations dirigées et terrorisées par des gangsters et des seigneurs de guerre. La terreur instaurée dans tout le pays a fait fuir les fonctionnaires les plus brillants, qui risquait l’incarcération, voire l’élimination physique. L’administration s’est petit à petit disloquée. La pratique du pillage est devenue institutionnalisée (Mugaju, 1996 ; Olowu, 2001). La propriété publique a été détournée, registres et traces écrites détruits.

« En 1985, le service public ougandais était caractérisé par l’anarchie, l’abus de pouvoir, l’indiscipline et l’effondrement des systèmes d’information. »59 (Mugaju,

1996, p. 14 cité dans Olowu, 2001).

Le paroxysme du chaos fut atteint pendant la guerre civile pour la prise de pouvoir. Les fonctionnaires n’allaient plus travailler car il n’y avait plus de gouvernement. Les institutions du service public étaient détruites.

3.2 La réforme du service public de la fin des années 1980 : la logique de marché comme axe de ré-institutionnalisation du secteur public Après la réforme visant à stabiliser les indicateurs macroéconomiques, la réforme du secteur public a eu pour ambition de marquer une rupture avec le modèle bureaucratique centralisé hérité de l’ère coloniale.

« La vision alternative à l’administration héritée de l’époque coloniale était fondée sur des problématiques d’efficience, de représentation, de participation et d’information, et a cherché à créer un Etat propice aux marchés, libéralisé, décentralisé, orienté vers les clients, managérial et démocratique. »60 (Economic

Commission for Africa, 2003, p. vii)

Cette deuxième génération de réformes devait redéfinir le rôle de l’Etat pour donner plus de place au marché, à la compétition, au secteur privé et au monde associatif (Economic Commission for Africa, 2003). La réforme s’est concentrée sur la gestion des ressources humaines des fonctionnaires. Visant un service public plus performant, les fonctionnaires devaient être moins nombreux mais mieux payés, motivés et efficients. Ces mesures comprenaient une révision de la rémunération pour diminuer l’écart avec le secteur privé ; une réforme de la gestion des fonctionnaires pour récompenser le mérite et les initiatives ; une réévaluation des salaires dans les secteurs prioritaires ; et la formation du personnel

58 Une des mesures économiques les plus spectaculaires et contestées de Idi Amni Dada a été sa

politique anti-asiatique qui l’a conduit à expulser les indiens d’Ouganda en 1972, alors qu’ils jouaient un rôle clé dans l’économie du pays. Museveni a encouragé leur retour dans les années 1990 (Forrest, 1999).

59 Traduction libre de : « By 1985, the Ugandan civil service was characterized by lawless, the

abuse of power, indiscipline and the fatal collapse of accountability systems. »

60 Traduction libre de : « The alternative vision, based on issues of efficiency, representation,

participation and accountability, has sought to create a market-friendly, liberalized, lean, decentralized, customer-oriented, managerial and democratic State. »

pour améliorer les compétences. Cette réforme a conduit à la création de diverses agences étatiques, dont la Privatisation Unit, en charge de gérer la privatisation des nombreuses entreprises publiques possédées par l’Etat dans des secteurs productifs comme le transport et l’agriculture, mais aussi dans les secteurs de l’électricité, de l’eau et de l’assainissement. D’autre part, à partir de 1991, des priorités ont été fixées dans les dépenses publiques : les Priority Program Areas. Ces programmes étaient protégés des coupes budgétaires. Les dépenses pour l’éducation et la santé ont augmenté de 1990 à 1995.

La réforme du service public ougandais est jugée comme l’une des plus réussies en Afrique. La réforme de la rémunération des fonctionnaires est considérée comme une des clés du succès et elle a contribué réduire la corruption (Lienert, 1998). Les dépenses salariales ont augmenté, passant de 1% du PIB en 1987 à 3% du PIB en 1996, pendant que le nombre de fonctionnaires diminuait de 10%. La rémunération à la performance a été mise en place pour les cadres. Les effectifs ont été réduits grâce à un plus grand contrôle des recrutements et au licenciement de 50 000 soldats, et des travailleurs irréguliers ou fantômes. A la fin de 1993, les effectifs de la fonction publique avait été réduit à 170 000 agents (270 000 en 1987) (World Bank, 2001a). L’Ouganda est l’un des 4 pays africains à avoir investi dans le management par la performance, avec le Ghana, le Botswana et l’Afrique du Sud. Cette réforme a été rendue possible par l’engagement politique du pouvoir, et le soutien de l’aide internationale (Olowu, 2001).

Conclusion de la partie 3 de la section 2 :

Cette partie montre comment la logique de marché a pénétré dans le secteur public ougandais par le biais d’une réforme de Nouveau Management Public.

4 La logique de marché au cours de l’histoire du secteur de

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