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urbaine ougandais

Section 1 La logique de marché et la mesure de la performance dans le secteur de l’eau urbaine

3 Les outils du contrôle de gestion au cœur des tensions autour de la diffusion de la logique de marché

3.3 Les possibles tensions institutionnelles associées à la diffusion de ces outils

Si personne dans le secteur ne contexte la nécessité d’utiliser les indicateurs de performance, leur usage fait prendre conscience de la difficulté à définir la performance d’un service d’eau, et à comparer des services qui évoluent dans des contextes très différents. Si la mission d’un service public d’eau urbain est claire, mesurer sa performance n’est pas aisé, et relève de l’acte politique. La performance d’un service de ce type est multidimensionnelle. Sur le plan technique, un service performant maîtrise la technologie de pointe et optimise le fonctionnement des réseaux. Sur le plan financier, il

48 Des plateformes de benchmarking ont développées à l’échelle nationale par exemple aux Pays-

Bas (VEWIN), au Brésil (SNIS), au Canada (Canada National Water and Wastewater

Benchmarking Initiative), en Angleterre (OFWAT) et en Afrique du Sud (SAAWU).

49 A l’échelle internationale, deux plateformes de benchmarking ont été développées : l’International Benchmarking for Water and Sanitation Utilities IBNET financé par l’agence d’aide

bilatérale du Royaume-Uni, avec la Banque Mondiale, créé en 2005, et l’European Benchmarking

Co-operation créée par les pays d’Europe du Nord en 2004, financée par les associations

utilise les ressources de façon efficiente et a la confiance des investisseurs. Sur le plan économique, il optimise la gestion de ses actifs immobilisés, maîtrise son niveau d’endettement et génère des emplois. Sur le plan environnemental, il maîtrise l’impact de ses prélèvements d’eau et de ses rejets d’eaux usées dans le milieu naturel. Sur le plan social, il fixe un prix de l’eau abordable, livre de l’eau potable et offre des conditions de travail acceptables. Selon les priorités politiques, chacune de ces dimensions prend une place variable. Ces objectifs varient selon les dimensions de la performance prises en compte (technique, financière, économique, environnementale et sociale), la dimension temporelle dans laquelle s’inscrit l’action publique (court terme - 3 ans -, moyen terme - 15 ans - et long terme - 50 ans -), et l’étendue du périmètre d’action du service pris en compte pour évaluer la performance (depuis le niveau de l’organisation, jusqu’au niveau de la société dans son ensemble). Ainsi, l’évaluation de la performance d’un service d’eau peut aller de la mesure de l’efficience de la gestion de l’opérateur à 3 ans, jusqu’à la mesure de l’impact de l’action du service sur les ressources en eau sur 50 ans. L’impact de l’action d’un opérateur d’eau dépasse en effet largement ses frontières organisationnelles : santé publique, développement économique, développement urbain, qualité de l’environnement. Ces objectifs peuvent être classés selon qu’il servent plutôt la logique de marché (finance), de l’Etat (social, environnemental, économique), ou la science (technique). Définir la performance d’un service d’eau est un acte normatif.

Bien entendu, concilier simultanément tous ces objectifs est impossible dans les pays aux ressources financières limitées. Quelque soit le mode de gouvernance des services, la question centrale est de pouvoir concilier performance du service sur le plan économique et financier avec sa mission de service public. La question s’est d’abord posée autour de la participation du secteur privé, car par essence une organisation privée fonctionne sous un modèle d’accumulation des richesses, dont la compatibilité avec la conduite d’une mission de service public pose question et nécessite une gouvernance adaptée (Breuil, Nakhla, 2005). Gilbert s’interrogeait sur la possibilité de concilier des objectifs commerciaux avec des objectifs de réduction de la pauvreté dans la gestion du service public de l’eau potable de la ville de Bogota, pourtant géré par une organisation publique (Gilbert, 2007). Cette problématique résume bien la critique majeure à l’encontre des réformes de type PPP et de l’entreprisation dans le secteur de l’eau. La question des objectifs portés par les gestionnaires des services a fait l'objet de nombreux débats idéologiques, depuis la vague de privatisation des années 1990. Gilbert revisite le débat sur la pertinence de la privatisation qui s’est cristallisé sur des idées reçues concernant d’un côté la capacité intrinsèque qu’aurait le secteur public à défendre un intérêt général, ou a contrario son incapacité à être efficient. Ce débat renvoie à la question de la place de la logique de marché dans le secteur de l’eau urbaine. Ses pourfendeurs craignent qu’elle n’étouffe la logique de l’Etat et la logique de la profession. Ces craintes sont-elles

justifiées ?

Pour les promoteurs de la logique de marché, les réformes visent à introduire une orientation commerciale permettant de dégager suffisamment de fonds pour que les services puissent aussi atteindre des objectifs non commerciaux (Gomez-Ibanez, 2007, p. 3). Pour de nombreux auteurs, les opérateurs d’eau qui ont intégré la logique de marché et les outils de contrôle de gestion n’apportent pas de bien commun car les tarifs sont élevés et la pratique des coupures d’eau systématique réserve le service à la population solvable (McDonald, Ruiters, 2012). Une autre façon de voir cette problématique, est de caractériser sur le plan économique le service rendu par les opérateurs d’eau. En s’inspirant des travaux d’Ostrom, Barraqué propose de voir le service de l’eau urbaine comme un club, car le réseau offre la possibilité technique d’exclure un de ses membres, s’il ne paie pas pour le service (Barraqué, 2008). Barraqué note que pour des raisons de santé publique, tous les citadins devraient logiquement faire partie du club, mais dans les faits, l’accès au club reste réservé à une minorité dans de nombreux pays en développement. D’autres auteurs voient dans la régulation un moyen de développer l’accès à l’eau auprès des populations les plus démunies (Franceys, Gerlach, 2008). Cette orientation sociale, appelée « urban poor » dans le secteur, connaît un certain succès dans la pratique, permettant d’obtenir des financements auprès des bailleurs de fonds internationaux pour financer des extensions de réseaux ou des équipements. La dimension environnementale de l’activité, elle, est surtout vue à travers le développement de l’assainissement.

3.4 Le besoin de renouveler les cadres d’analyse des réformes de NMP

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