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urbaine ougandais

Section 1 La logique de marché et la mesure de la performance dans le secteur de l’eau urbaine

1 Le champ organisationnel de l’eau urbaine

1.2 La problématique du financement du secteur

Un obstacle majeur au développement des services publics d’eau urbaine depuis que la technologie est disponible (XVIIIème siècle) est le coût colossal de l’investissement de

départ, et du renouvellement des infrastructures (voir l’Encadré 6 ci-après). Le secteur de l’eau urbaine est l’industrie de réseau où l’intensité de l’immobilisation (le rapport entre l’actif immobilisé et les recettes annuelles) est la plus élevée. Dans le cas anglais, Banyard (2001) estime que ce ratio est de 12,2 pour le secteur de l’eau, contre 4,1 pour l’électricité, 2,8 pour les télécommunications, 2,1 pour le gaz et 0,4 pour la grande distribution. Selon la norme couramment admise, les investissements sont réalisés pour une période de 50 ans. En principe, le développement des infrastructures se base sur des planifications à moyen terme fondées sur des estimations du développement urbain, de la démographie, et de la disponibilité de la ressource en eau. Ceci en fait une industrie très coûteuse, et peu souple. Elle s’est cependant imposée comme le modèle dominant pour résoudre le problème de l’accès à l’eau et à l’assainissement des zones urbanisées, par sa simplicité sur le plan technologique et l’économie d’échelle par rapport aux systèmes décentralisés. Ce système centralisé permet également un meilleur contrôle des ressources en eau. Il s’est également imposé du fait de l’absence d’alternative convaincante.

La qualité du service dépendant fortement de la qualité des infrastructures, la gestion de ce patrimoine est un enjeu majeur. C’est en outre un enjeu de durabilité, du fait de leur longue durée de vie (50 ans minimum pour un réseau de qualité moyenne). Dans les

29 Ce cercle pourrait comprendre les associations de défense des consommateurs d’eau et de

protection de l’environnement, voire des associations plus politiques telles que les altermondialistes qui militent contre l’implication du secteur privé dans le secteur de l’eau. Nous les avons exclus pour avoir constaté le peu d’influence qu’elles ont sur les pratiques du secteur dans les pays qui font l’objet de cette thèse.

pays où les réseaux ne desservent pas la totalité des zones urbanisées, les services publics d’eau urbaine doivent répondre aujourd’hui à une demande en croissance exponentielle avec des ressources financières très limitées. L’assainissement est souvent le parent pauvre. De lourds investissements sont encore à réaliser pour l’évacuation des eaux usées et leur traitement. En outre, un service public de l’assainissement, en tant qu’organisation, est loin d’être une réalité dans beaucoup de pays. L’OCDE estime que les besoins d’investissement dans le secteur de l’eau urbaine représentera la moitié des besoins d’investissement dans l’ensemble des infrastructures d’ici 2030 (OECD, 2011a),.

Il existe trois sources de financement du secteur (voir l’Encadré 7 ci-après). Représentées par le modèle des 3T proposé par l’OCDE, ce sont : les taxes (modèle anglais de financement par les impôts locaux en fonction de l’habitat), les transferts (transfert de fonds publics sous forme de subvention par exemple) et le tarif (la facture d’eau) (OECD, 2011b) (voir la Figure 9 ci-après). Un service d’eau urbaine est considéré durable financièrement quand les recettes générées par la facture d’eau permettent de financer les coûts, coûts d’investissement et coûts d’exploitation. Les investissements routiniers, de type renouvellement des infrastructures, devraient être financés par la facture d’eau et l’emprunt, et les investissements exceptionnels de type construction d’une nouvelle station de traitement, par l’emprunt et les subventions. Dans les pays où l’accès au service est universel, et la demande stagnante, un équilibre financier est supportable pour les usagers. En France, par exemple, 90% des coûts sont pris en charge par les usagers. Dans les pays où l’accès doit encore être développé, et la population et l’Etat sont pauvres, la répartition des sources de financement diffère. Par exemple, en Egypte, les usagers ne contribueraient que pour 10% des coûts (OECD, 2011b).

Ces forts besoins financiers ont donné aux bailleurs de fonds internationaux un rôle majeur dans le financement du secteur et son développement. Les bailleurs de fonds qui apportent ces financements sous forme de subventions ou de prêts concessionnels sont pour les pays en développement des agences d’aide bilatérales telles que l’Agence Française de Développement, ou multilatérales telles que la Banque Mondiale et la Banque Européenne d’Investissement. Après une baisse dans les années 1990, la contribution des bailleurs de fonds internationaux dans le financement du secteur a augmenté depuis 2001. D’après l’OCDE (2011a), les engagements financiers du secteur représentaient, en 2007-2008, 7,4 milliards de USD. L’OCDE (2009) estime par ailleurs que la part de l’aide dédiée au secteur sur le montant total de l’aide est passée de 5% à 7% entre 2002 et 2006. L’Afrique et l’Asie ont reçu 87% de l’aide entre 2002 et 2007.

Le service public de l’eau urbaine s’est mis en place autour du développement d’une technologie qui permet d’amener de l’eau potable à domicile : le réseau d’eau potable. Cette technologie, qui s’est développée en Europe au XIXème siècle, consiste en général en un réseau de tuyaux de matériaux divers (généralement polymères de plastiques et fonte), et ouvrages de génie civil : réservoirs pour stocker et mettre sous pression, stations de traitement de l’eau pour rendre l’eau potable. On désigne par réseau l’ensemble de ces infrastructures qui permettent de fournir le service, qui est l’eau potable à domicile. Les réseaux sont enterrés pour les protéger de la circulation, des dégradations et du gel. Ce service de l’eau potable est associé au service de l’assainissement, qui repose également sur une technologie de réseau enterré, et est indissociable car la partie de l’eau distribuée qui est consommée est très faible, et le volume restant est une eau souillée qui après usage (toilettes, tâches domestique, etc.) doit être collectée et évacuée des zones urbanisées pour éviter des dégradations, débordements, et contamination nuisant à la santé humaine.

Ce que permet la technologie, c’est de puiser de l’eau dans le milieu naturel, de la traiter et d’amener de l’eau potable à domicile avec un débit et une pression permettant un usage accessible, et d’assainir la ville pour la santé publique, et de dépolluer l’eau avant d’arriver dans le milieu naturel. Les réseaux d’eau potable sont également utilisés pour assurer la défense incendie. Cette fonction a dans certains pays motivé le développement des infrastructures, comme à Montréal (Fougères, 2004). Le réseau d’assainissement des eaux usées sert aussi dans de nombreux cas à l’évacuation des eaux pluviales, qui sont les eaux de ruissellement des surfaces imperméabilisées en zone urbaine. On parlera dans la suite de réseau d’eau urbaine pour désigner l’ensemble des réseaux d’eau potable et d’assainissement posés en milieu urbain.

Cette technologie héritée de l’antiquité s’est sophistiquée au XIXème siècle, avec l’invention du moteur, de l’électricité, et des méthodes de filtration et de traitement de l’eau sous l’impulsion des travaux de Pasteur qui a donné naissance à l’hygiénisme. Sur le plan technologique, ce secteur n’a pas connu de rupture majeure depuis sa création, si ce n’est des sophistications avec l’informatique, l’automatisation et les nouvelles technologies de l’information qui ont permis de faciliter et d’optimiser les tâches d’exploitation et la facturation des services.

Le développement de ces réseaux s’est fait à des rythmes différents selon les pays, mais en général d’abord dans les villes, où la technologie prend tout son sens du fait de la densité de population. C’est en effet une gestion centralisée qui n’est rentable que dans des zones densément peuplées.

Depuis la création de cette industrie, la question de son financement a été cruciale, et a structuré la gouvernance de ces services. L’établissement des réseaux est très cher. Par exemple, Fougères (2004, p. 31) rapporte qu’en 1843, le rachat par la ville de Montréal du service public de l’eau au pouvoir colonial « représentait près de trois fois les revenus annuels de la ville ». Si les Etats étaient peu enclin à investir et ont de fait delégué aux communes cette charge, peu de communes avaient au XIXème siècles les ressources et l’expertise pour réaliser ces investissements. Différentes techniques de financement ont été mises en place pour les frais de premier établissement des réseaux. En France, ces frais ont été financés par les impôts et par des systèmes de mutualisation (Roche, 2001). Le financement de l’établissement des réseaux dans le milieu rural s’est fait sous forme de subventions financées par les paris dans les courses hippiques (Pezon, 1999). A Montréal et en Angleterre, ce sont les taxes foncières et l’obligation de raccordement aux réseaux qui ont financé les réseaux. Dans certains pays comme la France, le secteur privé a joué un rôle important dans l’effort d’investissement, en tant qu’investisseur et financeurs (par exemple le financement des réseaux de Paris et Milan (Crespi-Reghizzi, 2014)). En 1853, Napoléon III créa par décret impérial la Compagnie Générale des Eaux (devenue Vivendi, puis Veolia) pour la première concession au monde mise en place avec une ville (Lyon). En 1880, le Crédit Lyonnais créa la Société Lyonnaise des Eaux et de l’Eclairage (devenue Lyonnaise des Eaux puis Suez Environnement) pour prendre en charge la concession avec la ville de Bordeaux. C’est ainsi que le modèle de la concession s’est développé en France.

Encadré 7 : Quelques modèles de financement de réseaux d’eau urbaine au cours de l’histoire du secteur

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