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Le conflit institutionnel de la fin des années 1990 : une organisation publique dans un champ dominé par la logique de marché

logique de marché

Section 1 Le processus d’institutionnalisation de la logique de marché

2 La période 000 004 : l’introduction des contrats de performance pour gérer un conflit institutionnel

2.1 Le conflit institutionnel de la fin des années 1990 : une organisation publique dans un champ dominé par la logique de marché

A la fin des années 1990, la capacité du NWSC, en tant qu’organisation publique, à atteindre les critères de performance considérés comme légitimes a été remise en question dans le champ organisationnel. La Banque Mondiale en effet a théorisé un problème d’inefficience du NWSC. Elle a jugé la situation financière du NWSC inquiétante voire intenable, avec un niveau de recettes annuelles de 22 milliards de Shilling Ougandais (Ushs), des dépenses d’exploitation annuelles d’environ 26 milliards d’Ushs, des créances clients de 30 milliards d’Ushs et une dette de 63 milliards d’Ushs pesant pour près de 8 milliards d’Ushs dans le budget annuel. A partir de 2003, le NWSC aurait dû rembourser une annuité de 15 milliards d’Ushs aux bailleurs de fonds internationaux, somme qui représenterait plus de la moitié de ses recettes d’exploitation annuelles (chiffres de 1999) (Republic of Uganda, 2000).

La Banque Mondiale attribua ce problème à une mauvaise gestion de l’entreprise

publique, notamment sur le plan commercial.

« Le Projet n’a pas transformé le NWSC en un service d’eau viable sur le plan financier et ses investissements importants n’ont pas généré de recettes supplémentaires. A sa clôture, les coûts récurrents et de développement du NWSC étaient bien trop élevés, ses activités commerciales étaient très inefficientes, sa politique commerciale était inadaptée et a dissuadé les clients existants ainsi que les nouveaux et sa dette à long terme s’est accrue ; il est peu probable que le NWSC soit capable de financer correctement la maintenance des infrastructures construites dans le cadre de ce Projet. »87 (World Bank, 1998,

p. iiii)

Le NWSC était surendetté vis-à-vis des bailleurs de fonds. La Banque Mondiale estimait que les 100 millions de USD investis en dix ans dans les infrastructures avaient été gaspillés du fait d’une mauvaise gestion. Elle encourageait le Gouvernement à privatiser la gestion du service en passant un contrat de délégation de service voire de concession avec une entreprise privée88 (Muhairwe, 2009).

« Au vue des expériences menées dans des pays africains confrontés à des problèmes similaires, la participation du secteur privé dans la fourniture du service est probablement la seule option restante pour sauver le secteur. Tandis qu’un contrat de délégation de service public est de prime abord l’option minimale à envisager, il serait possible de développer rapidement un « contrat de concession » dans lequel la responsabilité de choisir et de financer de nouveaux projets serait transférée à un opérateur privé. (...) Le Gouvernement d’Ouganda a récemment accepté d’étudier ces options dans le cadre de la révision de sa politique de l’eau urbaine. »89 (World Bank, 1998, p. 9)

87 Traduction libre de : « The Project did not transform NWSC into a financially viable water utility

company and its large investment has not resulted in additional revenues. At closing, NWSC's recurrent and development costs were far too high, its commercial operations were highly inefficient, its commercial policy was inadequate and acted as a deterrent to both existing and new customers and its long term debt was mounting; NWSC is unlikely to be able to fund proper maintenance of facilities built by the Project. » (World Bank, 1998, p. iiii)

88 Depuis 1994, dans le cadre du programme Uganda Government Public Enterprise Reform and Divestiture, le gouvernement de Museveni avait vendu ou privatisé 122 entreprises publiques, dont

la compagnie nationale d’électricité, UMEME, à laquelle le NWSC se comparait. En 2010, il restait 36 entreprises publiques en Ouganda.

89 Traduction libre de : « Based on experience in African countries that had to address similar

problems, comprehensive private sector participation in the delivery of service is likely to be the only option left to salvage the sector. While a «lease contract« is prima facie the minimum option to be sought, it may be possible to rapidly develop a «concession arrangement« whereby the responsibility for selecting and financing new projects would be transferred to a private operator.

La privatisation du NWSC était par ailleurs prévue dans le cadre d’un vaste programme de cession des nombreuses entreprises publiques du pays (Republic of Uganda, 1993). Ainsi, la Banque Mondiale œuvrait pour la mise en application du modèle de performance qu’elle promouvait à l’époque : la solution aux problèmes d’inefficience dans le secteur de l’eau ne pouvait être trouvée que par la participation du secteur privé (voir chapitre 3). Cette relation de cause à effet était en cohérence avec la logique de marché. Un premier pas vers la privatisation avait été franchi avec la signature d’un contrat de management pour la gestion commerciale de l’agence de Kampala en 1997. D’après le DG, les efforts de réhabilitation des années 1990 n’avaient pas permis au NWSC de « percer le plafond de la performance »90 (propos rapportés par Franceys). Miser sur

Kampala avait du sens, car c’était déjà l’agence la plus importante. Elle générait à elle seule 68% des revenus d’exploitation. Pour rembourser le prêt très important auprès des bailleurs de fonds (plus de 60 millions de USD), le NWSC tentait de dégager plus de profit à Kampala. Or, les performances de l’agence de Kampala étaient faibles. L’indicateur d’eau non facturée91 à Kampala était estimé à 50-60% et le taux de recouvrement des

factures à 70% (entretien avec R. Franceys). Pour la direction, cette mauvaise performance était due en partie au comportement du personnel : réalisation de branchements illégaux, relevés délibérément erronés des compteurs, manque de coordination des activités d’exploitation, fainéantise (Onek, Kayaga, 1997). Dans le cadre de l’élaboration du plan d’entreprise de 1996, la participation du secteur privé fut envisagée comme solution efficace. Le modèle suivi par le NWSC était suggéré par la Banque Mondiale, qui formé à Washington les cadres de l’entreprises à la participation du secteur privé, et leur a fait rencontrer les gestionnaires du réseau de Malindi au Kenya, qui avaient signé un contrat de management avec une entreprise privée (entretien avec R. Franceys). Décidant que la situation nécessitait une action urgente et qu’il n’y avait pas le temps de lancer un appel d’offres international, l’entreprise allemande HP Gauff a été sollicitée pour soumettre une proposition pour un contrat de management (Jammal, Jones, 2006). Ainsi est née l’idée du projet KRIP : Kampala Revenue Improvement

Programme. Kampala était la seule des 9 villes à équilibrer ses dépenses et recettes

d’exploitation en 1997 (entretien avec R. Franceys). Un contrat de management92 a été

signé en 1997 pour la période 1998-2001. L’entreprise était incitée à améliorer les recettes d’exploitation ce qui impliquait d’améliorer la facturation, le recouvrement des factures et la récupération des arriérés de paiement.

supply policy. »

90 Traduction libre de : « break through the performance ceiling »

91 Taux d’eau non facturée : pourcentage d’eau ne générant pas de revenu du fait de pertes

techniques (fuites, entretien) et commerciales (vols, erreurs de comptage ou de facturation ou de recouvrement) (voir annexe 3).

92 Contrat par lequel le NWSC confie la direction d’une agence à une entreprise. Le personnel et

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