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institutionnelle : une approche critique du contrôle de gestion

Section 1 Epistémologie de la recherche

2 La collecte des données

2.5 Les entretiens

Cette sous-partie présente les entretiens conduits dans les études de cas. Elle explicite le statut de cette méthode dans cette recherche (2.5.1). Elle présente ensuite la façon dont les entretiens ont été conduits (2.5.2) et explique le processus de sélection des personnes interrogées (2.5.3).

2.5.1 Le statut des entretiens

La conduite d’entretien permet d’accéder au comportement des individus et à leurs valeurs, et d’avoir ainsi un aperçu de leur culture (Silverman, 2010, p. 114). Les entretiens ne donnent accès ni aux faits, ni au vécu des acteurs, mais plutôt à une partie de leurs représentations, celles qu’au moment de l’entretien ils sont disposés à livrer. Ce mode de collecte de données est très classique dans les recherches sur les organisations. En accord avec le paradigme interprétatif choisi, les entretiens nous ont permis de comprendre ce que voulait dire la notion de contrôle de gestion dans chaque contexte organisationnel : le sens donné à la performance, la façon dont elle est évaluée, et les indicateurs qui comptent pour les individus et pour l’organisation, les représentations et les pratiques. Les propos recueillis auprès des personnes interrogées n’ont pas pour vocation à être pris pour des vérités, mais pour des discours délivrés à un moment donné par ces personnes, qui peuvent être interprétés de différentes façons : soit pour faire passer un message, soit pour donner une bonne image, soit pour répondre de bonne foi à la question posée, etc. Nous en avons surtout tiré une perception générale de l’esprit d’entreprise, du champ lexical utilisé, du niveau d’intériorisation des valeurs et idéologies véhiculées par les réformes managériales et outils associés et des éléments de compréhension de l’ordre social.

Ces entretiens étaient de type semi-structurés, car si l’objectif était d’explorer une série de questions, il était important de laisser l’opportunité à la personne interrogée d’aller dans des directions qui avaient du sens pour elle, ce qui permettait de questionner les catégories construites par le chercheur. C’est en procédant de cette manière que lors d’un entretien, la discussion s’est focalisée sur la question de la place de la logique commerciale dans l’organisation, qui ne faisait pas partie des sujets de questionnement initiaux, mais s’est révélée être une problématique centrale, que le chercheur n’aurait peut-être pas explorée. Ainsi, au fil des entretiens, le cadre a évolué pour s’adapter aux thèmes qui avaient du sens pour les acteurs de l’organisation, et plus généralement du champ. Pour le NWSC, ces thèmes étaient par exemple : la formule de calcul des incitations à la performance et le travail des travailleurs journaliers.

2.5.2 La conduite des entretiens

En Ouganda, le cadre d’entretien (voir annexe 1) a été bâti atour de la question de la mise en œuvre des contrats internes de performance, et plus particulièrement des mécanismes d’incitation à la performance, ce qui permettait d’aborder des questions très précises et susciter ainsi des échanges sur des situations concrètes. La question assez générale de la conduite du changement au cours de la réforme a également été un fil conducteur, pour amener les personnes à exprimer un jugement de valeur. Enfin, les entretiens nous ont permis de saisir plus largement les métiers et de l’organisation du travail.

Les entretiens ont été menés dès le début de notre phase d’immersion, et nous ont servi de « porte d’entrée » dans l’intimité de l’organisation. Outre les informations que nous pourrions en tirer, la conduire de ces entretiens a été un élément stratégique de notre cheminement dans l’organisation. Dans leur conduite, nous avons tenté de créer un climat de confiance, pour pouvoir développer au maximum nos interactions avec l’organisation. Nous avons par exemple usé de l’image de success stories pour nous placer dans la position d’un apprenant (« dites-moi comment vous faites pour arriver à de telles performances ? »), comptant sur la valorisation des personnes interrogées pour les amener à partager leur rôle et leurs pratiques. Cette stratégie a eu un succès mitigé, les agents n’étant pas tous ouverts à la communication au moment de l’entretien. Toutefois, chaque entretien a duré au moins une heure, et la grande majorité en a duré deux.

En Ouganda, la construction de ce climat de confiance a été facilitée par trois éléments. Il y avait d’abord initialement un intérêt à accueillir le chercheur dans la structure, dans le cadre du développement d’un partenariat entre le NWSC et l’établissement de rattachement du chercheur. Un deuxième élément était l’identité du chercheur-ingénieur, venant d’Europe, espace géographique auquel s’identifiaient de nombreux jeunes ingénieurs qui y avaient fait leurs études. Ces derniers se projetaient dans le rôle de ce chercheur. Enfin, le climat de confiance s’est aussi accru avec l’intégration progressive du chercheur dans la vie quotidienne de l’organisation (cantine, événements sociaux, port de l’uniforme), et son assimilation à la culture de l’organisation. Certaines personnes interrogées ont cherché à instrumentaliser le chercheur, c’est-à-dire s’en servir pour relayer une revendication par exemple. Cette instrumentalisation a été traitée comme une donnée supplémentaire à laquelle donner sens.

Afin de vérifier la compréhension du message envoyé par la personne interrogée au cours de l’entretien, nous avons pris le maximum de notes pour reproduire au mieux le verbatim. Chaque jour, ce verbatim était enregistré dans un fichier, et envoyé par

messagerie électronique auprès de la personne interrogée, afin qu’elle puisse lire la façon dont le chercheur avait compris ses propos. La personne était invitée à apporter les modifications et commentaires nécessaires. 33% des personnes interrogées (essentiellement les cadres) ont retourné un verbatim corrigé. Les autres n’ont pas répondu.

2.5.3 La sélection des personnes interrogées

La plupart des entretiens a été conduit au cours des périodes d’immersion. Les personnes interrogées étaient les salariés de toutes fonctions et niveaux hiérarchiques (39 en Ouganda, 28 au Cambodge). Nous avons également interrogé des représentants des ministères de tutelle technique (ministère de l’Eau), des bailleurs de fonds (la coopération allemande en Ouganda, La Mairie de Paris, les coopérations françaises et allemande au Cambodge), des assistants techniques (RODECO en Ouganda, Safege au Cambodge) et la Secrétaire Nationale du syndicat (unique) en Ouganda.

La sélection des personnes à interroger dans l’organisation s’est fondée sur deux critères. Le premier était une contrainte de temps (pas plus de 4 entretiens par jour pendant une période donnée). Le deuxième était de couvrir tous les niveaux hiérarchiques, et toutes les activités, afin de saisir dans sa globalité la vie organisationnelle, et plus précisemment de comprendre comment un discours managérial, une idéologie est relayé en fonction des échelons. Couvrir toutes les activités de l’organisation permettait d’entrer en relation avec les différentes composantes de l’organisation, et de comprendre leurs relations. Les Encadré 3 et Tableau 9 présentent le profil des personnes intérrogées au NWSC, et les Encadré 4 et Tableau 10 au PPWSA. Nous estimons avoir interrogé suffisamment de personnes lorsque le contenu d’une série de nouveaux entretiens n’apportait rien de nouveau par rapport aux précédents .

Directorate of Water Development (Ministry of Water and Environment) : Le chef de l’unité de régulation du secteur (interrogé en 2010 et en 2011)

Le chef du service chargé des services publics d’eau et d’assainissement en zone urbaine

Agences de coopération bilatérale :

Chargé d’affaires qui suit le NWSC à l’Agence Française de Développement

Assistant technique :

Ingénieur RODECO, assistant technique du NWSC depuis 7 ans (interrogé en 2010 et en 2011)

Syndicat :

La secrétaire nationale du syndicat Uganda Public Employees Union (syndicat unique)

NWSC :

39 personnes interrogées au NWSC :

• 11 Top managers du siège du NWSC

12 Partenaires dont 8 de Kampala Water, et 4 de Entebbe

• 16 Personnels Détachés dont 12 de Kampala Water et 4 de Entebbe dont :

• 22% sont des femmes (représentatif du ratio dans l’entreprise) • 56% étaient employés au NWSC avant 2000

• 41% de formation d’ingénieur, 39% de formation dans la finance et le commerce, 20% de formation technique

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