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institutionnelle : une approche critique du contrôle de gestion

Encadré 1 : Méthode employée pour la revue de littérature sur la mobilisation de la SNI dans la discipline du contrôle de gestion.

2.1 L’adoption de nouveaux systèmes de contrôle de gestion et le découplage induit.

Deux auteurs américains, Ansari et Euske (1987) montrent dans une étude longitudinale sur le secteur militaire américain que les informations comptables étaient plus utilisées pour des raisons institutionnelles et socio-politiques que pour des raisons techniques. Leur étude a contribué à remettre en cause la vision purement technique des systèmes de contrôle de gestion. De nombreuses études empiriques ont suivi proposant d’interpréter dorénavant l’adoption de nouvelles pratiques de contrôle de gestion dans une organisation publique comme une réponse à des pressions institutionnelles venant de financeurs, d’associations professionnelles, de ministères, etc. (Barretta, Busco, 2011) (Abernethy, Chua, 1996 ; Brignall, Modell, 2000 ; Broadbent, Guthrie, 1992 ; Burns, Scapens, 2000 ; Collier, 2001 ; Covaleski, Dirsmith, 1988 ; Covaleski et al., 1993 ; Granlund, Lukka, 1998 ; Modell, 2001). L’enjeu se situe dans la légitimation de l’organisation (Brignall, Modell, 2000 ; Collier, 2001 ; Modell, 2001). L’engouement d’une organisation pour un système de contrôle de gestion pourrait être lié à une mode émergente dans le champ organisationnel, ce que proposent Covaleski et Dirsmith (1991). Ces travaux confirment que l’adoption d’un système de contrôle de gestion peut être dissociée de l’enjeu d’efficience (Abrahamson, 1991). Ces travaux sont donc en phase avec les premiers développements de la SNI, et considèrent les systèmes de contrôle de gestion comme des mythes rationnels.

Concernant le secteur public, les analyses institutionnelles ont d’abord mis en lumière une résistance au changement. Les réformes y produiraient plus de discours que de changement réel des pratiques (Greenwood et al., 2008). La thématique du découplage y

est centrale, et fait l’objet de l’attention des auteurs. Une des principales caractéristiques de l’action publique est de répondre à des demandes multiples et souvent conflictuelles. Cette caractéristique questionne particulièrement la mise en œuvre des systèmes d’évaluation de la performance, car la définition de la performance révèle la façon dont les organisations publiques arbitrent entre les différents conflits d’intérêt (Brignall, Modell, 2000 ; Chang, 2006 ; Modell, 2003, 2001 ; Siti-Nabiha, Scapens, 2005). Ainsi, un des constats les plus fréquemment observés est que pour résoudre ce problème de pressions institutionnelles contradictoires, les organisations publiques découplent les systèmes de contrôle utilisés à différents niveaux de l’organisation (Abernethy, Chua, 1996 ; Ansari, Euske, 1987 ; Covaleski, Dirsmith, 1983 ; Pettersen, 1995). Un découplage ou un couplage faible20 apparaît comme un moyen de maintenir l’équilibre dans un

environnement contradictoire.

Ce phénomène de découplage a pu, par exemple, être mis en évidence lorsqu’un contrôle purement financier est mis en place pour maîtriser l’utilisation des ressources de l’organisation publique (Ansari, Euske, 1987 ; Pettersen, 1995). Le découplage est cependant réduit sous l’effet des mesures coercitives imposées par les financeurs. Le niveau de découplage peut aussi évoluer dans le temps (Lapsley, 1994).

Le découplage peut également provenir de l’imposition par l’environnement institutionnel de la mesure de la performance. L’exemple du secteur de l’université étudié par Townley (1997) met en évidence les stratégies de résistance des universitaires face à l’introduction de l’évaluation de la performance. Par ailleurs, Siti-Nabiha et Scapens (2005) ont analysé la résistance au déploiement de systèmes de mesure de la performance imposés à une filiale par le siège du groupe. Cette résistance venait d’un conflit entre la logique financière portée par ces systèmes imposés de l’extérieur, et la logique interne à la filiale, centrée sur la question de la production. Après une phase de découplage, où l’introduction de la mesure de la performance n’a pas changé les pratiques, l’obligation de rendre des comptes au siège a fini par induire des changements organisationnels, réduisant ainsi le niveau de découplage. Cette étude montre aussi l’intérêt d’une analyse processuelle, car le niveau de découplage peut varier dans le temps.

Ces travaux ont été critiqués car ils auraient contribué à une vision caricaturale de la SNI réduite à la question de l’isomorphisme et du découplage (Modell, 2009b). Les études plus récentes qui questionnent la notion de découplage montreraient que celui-ci ne s’expliquerait pas simplement par un strict décrochage ou antagonisme entre le niveau symbolique (besoin de légitimation) et les pratiques organisationnelles. Dans leur étude sur les municipalités suédoises, Johansson et Siverbo (2009) ont, par exemple, mis en

20 Alors que dans le découplage, les pratiques sont dissociées des systèmes de contrôle de

évidence l’existence de facteurs de contexte pour expliquer le découplage constaté. Ils montrent que c’est un ensemble de facteurs issus de la rationalité économique, du contexte politique, des pressions des financeurs et des effets de modes qui ont influencé l’adoption et l’usage de pratiques d’évaluation de la performance. Par ailleurs, ce courant a également reconnu le rôle de l’agence. Ainsi, l’imposition de systèmes de mesure de la performance peut également servir les stratégies des acteurs organisationnels. Dans le secteur de la santé norvégien, Modell (2001), pour sa part, analyse les réponses managériales lors du remplacement d’indicateurs de performance financiers par des systèmes de mesure de la performance multi-dimensionnelle dans les hôpitaux. Il met en évidence une pro-activité de la part des managers des hôpitaux dans le développement de ces outils, dans une quête de légitimité mais aussi d’efficience interne. Ainsi, ces travaux mettent l’accent sur l’idée de réponse stratégique de l’agent en réaction à des pressions institutionnelles, idée développée dans les travaux sur l’entrepreneur institutionnel réalisés dans le cadre de la SNI.

Nous retenons de ce premier ensemble de travaux trois principaux résultats. Premièrement, les organisations tendent à adopter des systèmes de contrôle de gestion pour répondre à une demande institutionnelle. Deuxièmement, les acteurs de l’organisation peuvent développer des stratégies pour influer sur la conception et la mise en œuvre des systèmes de contrôle de gestion. Enfin, le niveau de découplage dépend de facteurs contextuels et notamment de la relation aux financeurs, et peut évoluer dans le temps.

2.2 Le contrôle de gestion, au cœur des conflits d’intérêts et des

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