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De la centralisation à l'obligation de rendre compte

Paragraphe 2. La transition démocratique

B. La récupération des acquis démocratiques

Parler de la démocratie, l’instaurer ne suffit pas à asseoir les bases nécessaires, pour réussir et maîtriser ce procédé. Parce que cette notion ne leur est pas totalement étrangère au regard de leurs histoires, il est important de revenir à ces acquis, car nulle démocratie n’est possible sans l’existence d’une prise de décision du peuple à travers les élections (1). Dans la mesure la démocratie par le bas est privilégiée, il faudrait également penser la décentralisation comme l’un des critères évident de cette forme de gouvernance (2).

1. Les élections – l’institution du consensus

Après trente ans de parti unique en Afrique de l’ouest, l’introduction de la démocratie dans cette partie du continent a entraîné la possibilité pour ces États jeunes d’élaborer des stratégies de désignation de leurs responsables politiques à travers un suffrage libre. Durant cette période, « les régimes mono-partisans furent mis en place, au nom des impératifs de la construction nationale et du développement, mais également pour élaborer des stratégies d’accaparement des ressources internes ou des rentes liées à l’extraversion »95. Les

élections seraient ainsi devenues le moyen de légitimation du pouvoir entendu comme la voix du peuple.

Pour autant, leur forte médiatisation aurait pu renforcer l’idée que « les élections en Afrique seraient inévitablement dysfonctionnelles et que le continent ne serait en quelque sorte pas suffisamment mûr pour une telle procédure »96. Encore, le processus de démocratisation

étant trop hâtif et immature, celui-ci a souvent généré de la peur en raison principalement de l’existence de partis politiques enracinés dans des configurations ethniques

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J. F. BAYART, L’État en Afrique : la politique du ventre, Fayard, 1989, p. 31.

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contradictoires. Cette hypothèse se justifie par le fait que « les processus de démocratisation ne sont pas aboutis en Afrique »97.

Les élections libres restent néanmoins le moyen par excellence de valorisation de la démocratie, même si elle acquiert une dénotation particulière en Afrique à cause des différences culturelles. Aussi, la mauvaise assimilation des pratiques démocratiques serait leur plus grand défaut. Car malgré l’institutionnalisation des scrutins, la crainte de l’après- élection reste palpable. En effet, dans bien des cas, des partisans vaincus ont paralysé le système par des manifestations, plus ou moins violentes. En plus de dégrader les biens publics, ceux-ci ont souvent pris la population pour cible (pour ne pas avoir constitué un suffrage nécessaire à l’élection du candidat sortant) ou même aux partisans de l’opposition (parce qu’ils appartiennent au camp politique adverse). Tel a été le cas du Gabon, lors des élections présidentielles de 2016 opposant le candidat sortant Ali Bongo à son adversaire Jean Pin reste le plus récent. Mais, c’est le cas de la Côte d’Ivoire lors des élections présidentielles de 2011 qui avait le plus marqué, du fait de la guerre civile qui a suivi les suffrages. Il demeure aujourd’hui encore le plus sanglant des affrontements post électoraux des années 2000 en Afrique de l’Ouest.

En Afrique en général, on est partisan soit par appartenance ethnique ou régionale, et très rarement par conviction politique. Là se trouve la clé du mystère, car les élections se font sur une base irrationnelle exempte de toute objectivité. Malgré les différentes réalisations, souvent monnayées pour garantir une paix en Afrique, des pays comme la Sierra Leone, le Liberia, le Mali, la Guinée-Bissau, la Côte d’Ivoire, demeurent des États fragiles. C’est dans cette optique que l’orientation vers le consensus reste l’un des principes de la bonne gouvernance selon la vision du Programme des Nations Unies Développement (PNUD)98.

Le consensus dans cette logique de vulnérabilité politique et sociale reste le procédé de dialogue le plus plausible afin de garantir une paix durable dans les États d’Afrique. Cette méthode fut appliquée par ailleurs en Côte d’Ivoire en 2005, pour venir à bout de l’instabilité politique qui régnait dans cet État depuis le coup d’État constitué contre le président Henri Konan BEDIE en 1999. Ces consensus, dénommés « les accords de Linas Marcoussis » avaient apporté une plus-value à cette méthode, en vue notamment de

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A. BA, Télévision, Paraboles et Démocratie en Afrique noire, L’Harmattan, 1996, p. 25.

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A. FADEL, Concept et approches de la gouvernance du développement humain, Éditions Daressalam, Alger, p. 64.

44 permettre la représentativité de tous les bords politiques dans le gouvernement de cet État. L’enjeu était de faire naître un contre-pouvoir au président en exercice, en vue de réussir un certain équilibre entre les différents pouvoirs et d’harmoniser au mieux le jeu politique. Pour autant, cette façon d’organiser la politique n’a pas été prise en compte lors des élections présidentielles de mars 2011, où les partis opposés se sont livrés une guerre pendant 11 jours. Ce qui justifie encore une fois que les élections ne parviennent pas à assurer une vraie démocratie en Afrique.

Mais il serait judicieux de lui laisser une opportunité d’émancipation à travers d’autres méthodes d’évolution comme la décentralisation pour sa réussite à un plus petit échelon.

2. La décentralisation

Dans le cadre de la recherche des méthodes de gestion efficace et transparente d’administration, les recherches exécutées par les institutions internationales ont permis de dégager l’hypothèse d’une gestion politico-administrative axée sur le développement d’un système de proximité entre l’État et ses administrés dans les États ayant adopté la politique d’ajustement structurelle.

Mesure adossée à une réelle volonté de réussir son évolution, la décentralisation s’est affirmée dans son principe. Même si dans de nombreux cas, c’est la déconcentration qui a été mise en œuvre. Depuis presque un siècle, elle s’est imposée autant dans l’aménagement territorial des pays développés que dans celui des pays en voie de développement, comme un nouveau modèle permettant l’amélioration de la gouvernance publique.

La décentralisation, est d’autant plus importante qu’elle est mentionnée dans la constitution des États tel que la France, où depuis le 28 mars 2003, l’article premier précise : « La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale […] Son organisation est décentralisée ». Il en va de même pour les États francophones d’Afrique de l’Ouest comme le BENIN, le Cameroun, la Côte d’Ivoire, qui le spécifie également dans leurs différentes constitutions ainsi que dans les différents guides relatifs à l’organisation territoriale.

Bien qu’il soit apparu depuis l’époque coloniale, le processus de décentralisation territoriale s’est imposé dans ces pays généralement marqués par le parti unique. Il a donc a évolué avec le temps, tant dans son organisation que dans son fonctionnement et s’est diversifié tout en poursuivant l’objectif essentiel du développement local. Aujourd’hui, plus qu’un simple procédé technique d’aménagement territorial, la décentralisation est entreprise

45 comme une initiative en faveur de la gouvernance publique et en vue de parfaire le dispositif de développement de ces pays en pleine croissance. Elle est par ailleurs porteuse de réelles capacités pouvant permettre de faire évoluer l’État en général.

En Côte d’Ivoire, la création des Communes depuis la colonisation, puis, à partir de 200199, des départements, des districts, des villes et des régions, visait à permettre aux populations locales de s’administrer et de rechercher les stratégies et les voies de développement qui correspondent au mieux à leurs préoccupations. En ce sens, la décentralisation comme méthode organisationnelle émane de l’État central, à qui il incombe de se focaliser sur les projets davantage politiques, et confier le développement des territoires à des entités adaptées que sont les régions, les départements, les communes. Dans son sens le plus abstrait, elle représente ainsi le désengagement de l’État au profit des collectivités locales pour un meilleur prolongement ou une meilleure efficacité de l’appareil. « C’est aussi une réforme institutionnelle qui vise à réduire l’implication de l’administration »100 centrale. Cependant, dans son application, elle apparaît souvent comme une véritable « fiction juridique », tant il est difficile de l’appréhender. L’une des choses ayant contribué à cette difficulté de compréhension est la déconcentration, appliquée pour suppléer à une dévolution concrète des pouvoirs. Ces difficultés sont bien souvent liées à l’histoire et à la culture. Malgré les retombées positives de son application dans les États démocratiques dont la France, la décentralisation a bien souvent eu du mal à « hisser les États d’Afrique du Sud Sahara au rang des pays réellement engagées sur la voie du développement »101. La raison est qu’en Afrique en général, le processus de décentralisation évolue sur un terrain déjà miné par les habitudes, d’où les difficultés à produire des résultats positifs et même à respecter les règles qui accompagnent cette volonté de décentralisation.

Mais cette méthode d’organisation territoriale qu’est la décentralisation s’avère plus que nécessaire. Pour ces États en quête d’autonomie financière, elle s’impose en tant que modèle en matière d’amélioration de la gouvernance publique. Car, « il n’y a rien, absolument rien, de plus important pour le développement de l’Afrique que la bonne

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Entamée avec une seule catégorie de collectivité territoriale, en l’occurrence les Communes, le cadre institutionnel de la décentralisation en Côte d’Ivoire est passé, à partir de 2001, à cinq (05) types d’entités décentralisées comprenant les régions, les départements, les districts, les villes et les communes, avant de revenir, par souci de simplification, à deux (02) désormais, à savoir les Régions et les Communes.

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A. CHEMLA-LAFAY et C. CHOL, 25 ans de réforme de la gestion publique dans les pays de l’OCDE,

convergence et systémique, Institut de la gestion et du développement économique, Paris, 2006, p. 9. 101A. DIALLO, La problématique de la gouvernance en République de Guinée et l'appui de la Banque mondiale, mémoire de Maîtrise, Université Sonfonia de Conakry, 2009, p. 25.

46 gouvernance, c’est-à-dire la mise à disposition des biens politiques, sociaux et économiques qu’un citoyen est en droit d’attendre de son État »102.

Faisant progressivement son chemin entre démocratie et bonne gouvernance, la décentralisation semble être une réponse aux diverses crises politiques et institutionnelles éclatées au sein de nombreux pays comme la Côte d’Ivoire, le Mali, la République Démocratique du Congo. Elle devrait être constituée d’actions ayant « redonné confiance à l’État en réconciliant les diverses parties en conflit103.

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