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Le développement de la logique territoriale

Paragraphe 1. Le sous-développement comme moyen d’explication

B. La faiblesse des ressources au niveau local

En règle générale, les collectivités territoriales tirent leurs ressources à partir de trois types de recettes : des recettes fiscales : elles comprennent « les impôts fonciers, les patentes et les licences et d’autres impôts synthétiques qui sont collectés par l’État auprès des personnes physiques et morales exerçant sur le territoire communal et dont une proportion de 40 % est reversée aux communes ; des recettes propres : ce sont les recettes provenant des taxes dont le recouvrement est assuré par le trésorier municipal. Parmi ces taxes, il y a les taxes forfaitaires des petits commerçants et artisans, les taxes sur les taxis intercommunaux, les taxes communales d’équipement et aussi les taxes sur la publicité ; des recettes d’investissement : ce sont les recettes compensatrices des dépenses d’investissement. Elles sont constituées des

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J.F.MAY, J.P. GUENGANT, Les défis démographiques du Sahel, Études, n° 4206, juin 2014, p. 7.

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J.M. SEVERINO, O. RAY, La métamorphose africaine : défi pour le monde, Fondation Jean Jaurès, n° 77 du 18 janvier 2011, pp. 5-6.

155 prélèvements sur les fonds d’investissement »393. Mais tout cela est très théorique et il est important de vérifier sur le terrain comment la pauvreté au plan national peut d’une manière ou une autre influencer négativement la décentralisation des collectivités qui demeurent encore dépendantes des aides de l’État.

En réalité, la décentralisation administrative doit nécessairement être suivie de la décentralisation financière qui « vise à transférer des ressources (ressources fiscales propres et subventions de l’État) et à attribuer une autonomie de gestion de ces ressources (fixation du niveau des ressources et les décisions sur leur affectation) à des organisations de niveau inférieur à celui de l’État »394. Cependant que les États sont dans l’incapacité de fournir les ressources nécessaires à la décentralisation, ce qui peut gêner l’état d’avancement des réformes et des processus en cours. À partir du moment où les lois sur la décentralisation ont tendance à conférer aux communes des compétences importantes en matière d’éducation et de santé et dans les faits, elles se reviennent parfois incapables de relever de tel défis.

En effet, aussi bien dans « les pays développés (mais à une autre échelle), les communes ouest- africaines n’ont pas les moyens d’affronter seules un certain nombre de défis (…) il est parfaitement imaginable de favoriser la création de communautés de communes, proches les unes des autres pour porter un projet commun d’amélioration de la santé de base ou de l’éducation »395. Entre 2011 et 2013, Épargne Sans Frontière (ESF) avait entrepris une réflexion sur le thème « Décentralisation et financement des collectivités territoriales en Afrique subsaharienne ». Dans la suite du travail préliminaire que l’association avait engagé en 2010 par le biais d’un Groupe de travail et dont les résultats avaient été publiés dans le n°100 de septembre 2010 de Techniques Financières et Développement (TFD)396 l’on fait le constat, une fois de plus que les communes en Afrique de l’Ouest manquent cruellement de moyen pour faire face aux défis de la décentralisation. L’exemple ivoirien en la matière permet de constater que « les recettes de fonctionnement des communes de la ville d’Abidjan avaient baissé de plus de 2 milliards de francs CFA. Cette régression de leurs ressources n’a en revanche pas été suivie d’une diminution des dépenses, bien au contraire, elles ont augmenté de plus de 4

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Programme des Nations unies pour les établissements humains, Le profil urbain de la Côte d’Ivoire, Rapport de l’ONU, 2012, p. 11.

394 M-J. DEMANTE, I. TYMINSKY, Décentralisation et gouvernance locale en Afrique, IRAM (Institut de

Recherche et d’Application des méthodes de Développement), Paris, 2008, p. 4.

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N. LAUZON, L. BOSSARD, op.cit., p. 10.

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M. LECLERC-OLIVE et alii, Décentralisation et financement des collectivités locales en Afrique

156 milliards de francs CFA, ce qui entraîne les communes de la ville d’Abidjan dans un déficit de fonctionnement plus important encore que celui de 1998 (- 7 070 096 000 francs CFA), soit une capacité d’épargne négative de 20 % »397. Dans ces conditions, les compétences importantes en matière de développement économique et d’aménagement du territoire des communes sont le plus souvent inefficace.

À l’exception de l’Afrique du Sud où les ressources des collectivités locales sont relativement élevées, les montants globaux des ressources des collectivités africaines sont extrêmement faibles. En 2005, « il était estimé que le volume total des ressources annuelles des collectivités africaines s’élevait environ à 8.5 milliards d’euros, dont 7 milliards pour l’Afrique du Sud ; 1 milliard pour le Maroc et la Tunisie ; 500 millions pour les pays d’Afrique subsaharienne »398. En somme, la faiblesse des ressources des collectivités locales en Afrique subsaharienne est à l’origine de nombreux dysfonctionnements observés dans le processus de décentralisation. C’est le cas du Mali où le transfert des ressources financières correspondant aux compétences n’a pas été effectué faute de moyen. L’État reste donc encore compétent concernant le transfert de l’eau, l’éducation et de la santé depuis 2007. Au demeurant, le cas béninois appelle quelques observations : il se trouve que « le transfert des ressources de l’État vers les collectivités concernant l’exercice des compétences en matière d’enseignement primaire et en matière de santé et d’action sociale et culturelle est acquis sans qu’il se soit cependant concrétisé à l’heure actuelle (…) un mécanisme transitoire d’appui financier de l’État aux collectivités locales a été mis en place pour une durée de 3 ans. Par ailleurs, il est prévu que certaines sources d’imposition soient transmises aux communes, celles-ci pouvant les collecter en leur nom »399. Mais les modalités ne sont pas encore clairement définies. Pour conclure sur ce point, on pourrait très bien affirmer que le processus de décentralisation n’est pas uniquement freiné par le manque de moyens financier mais aussi par le manque de confiance des autorités centrales vis-à-vis des collectivités territoriales. En effet, lors de l’atelier régional de l’Afrique de l’Ouest sur la décentralisation en Afrique de l’Ouest, les raisons du scepticisme des populations s’expliquent « Le scepticisme des populations s’explique par beaucoup de promesses non tenues et trop peu d’actions concrètes susceptibles de changer leur vie. En outre, « les collectivités locales n’impliquent pas encore suffisamment les populations dans l’identification

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Programme des Nations unies pour les établissements humains, op. cit., p. 12.

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M-J. DEMANTE, I. TYMINSKY, op.cit., p. 6.

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157 de leurs priorités tant en services qu’en infrastructures »400. Le secteur privé est en général peu écouté et peu valorisé dans la gestion locale. Il joue pourtant un rôle fondamental dans le développement local et pourrait largement contribuer au bien-être commun. Mais pour se développer, ce secteur a besoin d’infrastructures que l’État (électricité, communications…) ou les collectivités locales (marchés, rues et quartiers praticables…) ne sont pas toujours en mesure de lui fournir »401.

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