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La Responsabilisation des collectivités territoriales

Paragraphe 2. Les limites à l’autonomie des collectivités territoriales

B. Les dérives politiques

Pas plus que la centralisation, la décentralisation oblige à une État fort, capable de lutter contre l’illusion de la décentralisation en tant qu’ouverture sur un micro-État. En effet, « en abandonnant aux représentant locaux la gestion de conflits souvent dangereux pour le

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J. BAGUENARD, La décentralisation, PUF, 6ème

édition, 2002, p. 87.

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106 représentant central, en créant les apparences de liberté, à la limite d’autogestion locale, le système de représentation n’a rien à craindre. Le local reflétera impeccablement le système dans son ensemble. Il sera le reflet (micro) de la totalité »273. Mais il finira par être source d’inégalité sociale (1) ou pire à vouloir se substituer à l’État central (2).

1. Le renforcement des inégalités sociales

Tous les systèmes politiques, dans leur dynamique de structuration et de fonctionnement, sont soumis au mouvement centrifuge qui plaide pour la décentralisation. Cependant, chaque État, en tenant compte de son histoire, de sa culture, du choix de régime politique qu’il a initialement adopté, de ses possibilités et de ses contraintes, devrait essayer de trouver une meilleure approche entre la déconcentration et la décentralisation pour parvenir un certain équilibre de la vie politique de l’État unitaire. Car une décentralisation mal ficelée pourrait dans bien des cas engendrer de grandes disparités « régionales » quand la gestion des programmes de développement économique et social reste opaque. Tel est le cas de la Côte d’Ivoire ou une analyse discriminante du poids des ressources fiscales a souligné que la part des communes de la ville d’Abidjan et celles des chefs-lieux de Régions dans les ressources fiscales totales des entités décentralisées communales sont respectivement de 84,5 et 7,5%. L’intervention de l’État dans cette partie de la région est beaucoup plus soutenue que dans les autres régions. Ce qui alimente les inégalités, et creusant de plus en plus le faussée entre riches et pauvre.

La décentralisation dans ces conditions pourrait causer une certaine rupture sociale. Encore, le développement d’une partie du territoire constitue un potentiel risque « d’éclatement de toute dynamique insistant sur la diversité »274, et engendrer une menace à l’unité nationale.

2. Les atteintes à l’unité nationale

S’il parait excessif de penser une décentralisation trop audacieuse comme étant néfaste au principe d’unité territoriale des États, il faudrait se baser sur l’histoire pour constater que cette

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L. SFEZ, L'Enfer et le Paradis. Critique de la théologie politique, Édition de CNRS, 1982, p. 237.

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107 option n’est pas négligeable. Depuis les cas du Sénégal avec la Casamance, le Mali avec Azawad, et l’Espagne avec la Catalogne, les pays basques et la CORSE en FRANCE, les exemples sont nombreux et constituent des preuves que la décentralisation peut fragiliser les territoires. Au demeurant, « il n’est pas difficile de vérifier que la jurisprudence du Conseil constitutionnel aura su, à plusieurs reprises et chaque fois que nécessaire, déduire l’unité de l’indivisibilité et rétablir ainsi implicitement la formule révolutionnaire d’une république encore et toujours « une et indivisible »275.

Dans les pays riches en ressources naturelles, il existe des mouvements sécessionnistes très puissants qui vont jusqu’à réclamer une indépendance de leurs régions. Car même devant la permanence de l’État unitaire, « rien ne saurait interdire à telle ou telle parti de quitter l’ensemble national parce que justement, il est national par le jeu de l’autodétermination des populations locales »276. Dans les pays développés, cette question ne se pose presque plus, puisque leur constitution déclare que la nation est une et indivisible dans ses préambules. Cependant, étant donné que les pays pauvres nouvellement démocratiques ont des insuffisances dans certains aspect du développement, comme l’analphabétisme, il convient d’instruire les collectivités et aussi les populations, mais encore de définir des politiques à ce sujet, afin d’éviter toute controverse. L’ancrage de la décentralisation dans le contexte sociopolitique national dépendra sans nul doute de la capacité de tous les acteurs clés à intégrer au fur et à mesure les évolutions nécessaires pour changer le mode de fonctionnement du système politique et des administrations publiques afin de promouvoir des pouvoirs provinciaux et locaux au service et plus proches des populations locales. Il s’agira également de promouvoir la culture de rendre compte de la gestion des deniers publics et d’appliquer la sanction à tous les actes de malversations et de détournements. Le défi majeur est de rétablir la confiance des citoyens en la capacité des nouvelles institutions à imprimer une nouvelle démarche de développement, dans laquelle le citoyen est acteur et non sujet dans le développement de sa localité. Il s’agira aussi de cultiver et pérenniser l’attachement des citoyens aux valeurs républicaines qui sont entre autres, le respect de l’autorité de l’État et du bien public, la tolérance, la solidarité, et le civisme politique, indispensables au maintien de la cohésion sociale et de la paix. Il faut comprendre que la décentralisation n'est pas un état définitif et

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O. GOHIN et alii, op.cit., p. 15.

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108 statique. Au contraire, il s'agit d'un processus évolutif qui s'accompagne presque toujours de conflits entre les forces centrales et celles excentrées qu’il convient de résoudre en tenant compte des changements qui s’opèrent dans l’espace et dans le temps. Le processus de décentralisation étant extrêmement complexe et de longue haleine, les avantages escomptés s’obtiennent sur le long terme à travers une politique coordonnée et bien suivie en tirant les leçons de l’expérience. Pour ce faire, une répartition claire des responsabilités entre les différents niveaux de l’administration est opportune. Elle nécessite un transfert des responsabilités en bloc plutôt que partagées entre plusieurs niveaux.

La décentralisation amorcée dans les années 90 a permis de définir avec assiduité les responsabilités et les compétences de chacun des acteurs pour parvenir au développement des collectivités territoriales Avec le transfert de compétence, celle-ci acquiert une certaine aisance à gérer les affaires locales. Cependant, la recherche de l’effectivité des transferts exige une d’une part, une cohérence des actions et une certaine correspondance des ressources qui sont attribuées aux collectivités territoriales, afin d’éviter le péril de leurs missions. Mais les collectivités des États ouest africains sont pour la plupart complètement dépendantes des ressources qui leur sont attribuées par l’État ce qui peut s’avérer problématiques pour le financement des projets. Dans cette optique, en développant le système de péréquation, elles pourront s’entraider et rehausser le niveau des collectivités les plus faibles.

La recherche de l’effectivité exige d’autre part, une équitabilité et une neutralité des transferts pour garantir la transparence. En effet, la qualification du personnel et la bonne gestion des ressources développe les attitudes de bonne gouvernance telle que la lutte contre la corruption. Pour un affranchissement complet des collectivités territoriales, celles-ci disposent également d’une liberté et d’une autonomie qui leur sont concédées par les États. À chacune d’elles, l’on reconnaît une personnalité pour œuvrer seule pour le bien-être de la population. En dépit de l’égalité existant entre les collectivités, certaines peuvent être assujettis à d’autre dans le cadre notamment de la réalisation de projet. Les collectivités meneuses deviennent les chefs de file, avec une mission de coordination et d’exécution d’un projet qu’elle est parvenue à concrétiser chez elle. L’État aussi peut être amené à exercer un contrôle sur les collectivités, pour éviter les dérives politiques qui ont souvent été causé par la trop grande autonomie des régions. De la sorte, l’autonomie financière peut entraver l’unité nationale et produire des effets inverses à

109 ceux attendus, tel que les crises qui ont opposé les gouvernement Sénégalais à la Casamance, ou le gouvernent Espagnol à la Catalogne.

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Titre 2.

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