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L’état africain décentralisé, entre « l’exis et praxis »

Paragraphe 1. La légitimation du pouvoir

B. La perception actuelle de la légitimation du pouvoir

La ligne de démarcation entre la légitimité du pouvoir et la légalité est assez incertaine. En effet, un gouvernement peut se trouver en situation d’illégitimité parce qu’il n’a pas respecté les normes constitutionnelles en vigueur. Ce n’est pourtant pas le plus important puis que celui- ci doit bénéficier de l’assentiment de la population. En ce sens, le rôle des autorités ancestrales a cause de leur influence sur la population qu’ils dirigent. La perception actuelle de la légitimation du pouvoir tient donc d’une part à l’importance accordée aux chefs traditionnels (1) qui s’est transposée au niveau national (2).

1. L'importance des chefs traditionnels

Les chefs traditionnels étaient les garants de la société. Avec la modernité, « les chefs devenaient, lentement et graduellement, des vestiges d’un passé, des restes de motifs dominants que l’on percevait comme en train de disparaître entièrement du tissu de la vie sociale et

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Idem

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Le nationalisme anticolonialiste réfléchi est un produit de la culture occidentale dispensée libéralement dans les universités métropolitaines aux indigènes, instruits des notions de liberté, de hiérarchie fondée sur le mérite et l’instruction. Frustrée de leur position de subalternes ne correspondant pas à leur formation intellectuelle dans leurs propres pays, l’élite s’est posée comme la figure de proue pour l’indépendance et l’autonomie. Aussi, des leaders nationalistes, inspirés par des motivations politiques, exploitèrent-ils les effets néfastes du système colonial pour mobiliser les masses.

188 politique en Afrique »482.Il n’en fait aucun doute que la colonisation a détruit cet ordre politique et traductionnels pour imposer la sienne qu’ils qualifiaient de plus aboutie. La confrontation entre ces deux méthodes d’organisation a donné lieux à une certaine ambiguïté chez le peuple africain partagé entre le désir de retourner aux sources traditionnelles et le choix de la modernité inculquée par l’Europe. Étant sous protectorat français, même après la prétendue indépendance, la majorité des pays africains vont se tourner vers la modernité au grand damne de certaines nations plus panafricaniste La conférence de Brazzaville, pendant laquelle les États africains votaient pour l’intangibilité des frontières et pour une « décolonisation toponymique »483a scellé le sort de cette Afrique sous le regard narcissique des communautés financières internationales.

Bien que l’intérêt idéologique eût été de constituer « un ferment de cohésion nationale »484, cette décision a hélas eu pour conséquence le ténébristes soleil des indépendances qui environnent « l’Afrique toujours assujettie politiquement, économiquement, juridiquement et culturellement »485 ; Et qui avec son manque d’éclat a emporté avec lui tout espoir de liberté et de progrès à l’africaine.

Et cela fait plus de 60 ans que les États Africain sont en quête de cette émancipation tant promise avec le progrès à la clé. Il apparaît clairement que la démocratie et autres principes exportés ne peuvent réussir à guérir à lui seule cette Afrique marginalisée, naïve qui courbe l’échine. Il aurait fallu par ailleurs une dynamique interne qui sans aucun doute a été tardive à cause du « mépris des élites africaines de leurs cultures, surtout chez les francophones »486.

2. La transposition des règles de gestion villageoise au niveau national

Au niveau national, le respect du chef de l’État en Afrique tire son assise dans la culture sociale africaine dans le sens où, contredire le Chef équivaut à un manque d’éducation qui justifie inexorablement une sanction pour éviter tout précédent. Se crée alors une relation de

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E. ADRIAAN, B. VAN ROUEVEROY, Van NIEUWAAL, l’État en Afrique face à la chefferie, Éditions Karthala, 2000, p. 23.

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S-P. EKANZA, L’Afrique et le défi du développement – des indépendances à la mondialisation, L’Harmattan, 2014, p. 14.

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Idem.

485

J-R. E. EYENE MBA, Politique et indépendances Africaines, l’Harmattan, 2013, p. 5.

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189 dominant à dominer, préjudiciable à toute démocratie. En effet, il est courant que le dominé plie sous l’exercice d’un pouvoir sous l’effet de la menace d’une sanction crédible. Une position classique de la philosophie politique : l’obtention de la crédibilité devient dès lors l’élément essentiel des jeux de pouvoir avec le « volume » de la menace487. Bien souvent, la puissance publique se trouve investie du « monopole de la violence physique légitime »488n’exclut pas qu’elle puisse recourir à la violence « morale » : l’État a tout un arsenal de menaces, mais son ultime recours est toujours la « contrainte par corps. »489.

On garde en mémoire le tristement célèbre Idi Amin DADA, ancien président de l’Ouganda, qui se lança dans une chasse paranoïaque « contre tous ceux qui, selon lui, peuvent menacer le régime. Débutent alors des campagnes de persécutions contre les tribus rivales ou les partisans, ou supposés tels, de Milton Obote, et la chasse à l’intelligentsia du pays : anciens ministres et hauts fonctionnaires, juges, diplomates, professeurs d’université et enseignants, clergés catholique et anglican, banquiers et hommes d’affaires, journalistes, chefs tribaux, ainsi qu'un certain nombre d’étrangers, seront assassinés ou disparaîtront »490. Fort heureusement, le gouvernement de Yusuf Lule a tout mis en œuvre pour « éviter la vengeance et les règlements de comptes. Un retour de la violence conduirait les dirigeants, quelles que soient leurs vertus, à instaurer un régime de surveillance policière et à chercher à leur tour la sécurité auprès de leur ethnie d'origine. Chacun à leur manière, l'humaniste occidentalisé Milton OBOTE et le rustre sans scrupules Idi Amin DADA ont utilisé le procédé. C'est certainement parce que le président NYERERE a compris et voulu éviter ce mécanisme qu'il n'a pas insisté pour que son ami Obote arrive au pouvoir. Et c'est pour cette même raison que Yusuf Lule insiste pour que, au lendemain de la chute d'Idi Amin DADA, la loi soit scrupuleusement respectée et que personne ne se fasse justice soi-même »491.

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P. Bockes, Pouvoir, autorité et conventions obeisance, journal of world-systems research, n° 3, 2000, p. 925.

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M. WEBER, Economy and society: An outline of interpretive sociology, California Press n° 24, Berkley, 1978, p. 56.

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P. Bockes, op.cit., p. 931

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D. Ropa, Qui est Idi Amin Dada ?, Paris, Éditions L'Harmattan, 1995, p. 148.

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