• Aucun résultat trouvé

De la centralisation à l'obligation de rendre compte

Paragraphe 2. La participation citoyenne

B. La participation citoyenne, moyen de valorisation de la vie politique

La valorisation de la vie politique est le défi lancé par la décentralisation aux États. Dès lors, les différents acteurs doivent se soumettre à l’intervention et à l’investissement des populations administrées (1) pour répondre aux idéaux d’amélioration et de moralisation de l’action publique (2).

1. L’investissement de la population

Avec la prise de conscience liée aux situations difficiles dans lesquelles évoluent nos sociétés, que ce soit pour des raisons écologiques (France) ou pour des raisons plus politiques (Afrique de l’ouest), l’idée de la reconstitution ou de la reconstruction de « l’éthique de la responsabilité individuelle »157est apparue.

S’il est aisé de connaître l’intérêt des habitants et leurs attentes quant à la question relative à l’usage de fonds engagés pour l’essor de leur région, il est également important de prendre

155

Rapport économique sur l’Afrique, Libérer le potentiel de développement de l’Afrique, Addis-Abeba, 2012, p. 15.

156

Mo Ibrahim est un soudanais, ayant fait fortune dans la télécommunication. Depuis 2006 ce philanthrope développe l’idée de récompenser les pays africains œuvrant instaurer une bonne gouvernance dans la gestion de leurs affaires. Il crée pour ce faire une fondation en vue d’évaluer les chiffres en se basant sur les indices de gouvernance les que : la sécurité et le droit dans les États, le respect des droit humain et la participation, le développement économique durable et le développement humain. Toutes les années, cette fondation publie les indices Mo Ibrahim, qui établissent le classement des performances des 54 pays l’Afrique. À l’issue de ce classement, une somme d’argent (200 000 dollars doublé si le lauréat investit dans une œuvre caritative) est versée à l’État qui essaie de respecter ces principes de bonne gouvernance. Son but est aussi d’aider l’Afrique dans la lutte contre la corruption de ses dirigeants.

157

64 en compte leurs points de vue. Dans cette perspective, des actions sont menées par les collectivités territoriales françaises, en vue de créer des services d’aide au développement rapide et utile des localités. Ces services œuvrent pour parvenir à un équilibre entre « conscience individuelle de cohérence, différente de toute logique politique »158. Leur objectif étant de considérer les besoins des populations mais surtout de respecter les propositions faites pour parvenir à l’amélioration de l’action politique.

L’expérience a souvent montré que cet exercice peut s’avérer délicat dans les pays ayant subi de fortes crises tels que ceux d’Afrique de l’Ouest (Côte d’Ivoire, Burkina-Faso, Mali, Guinée). Dans ces États, pour des raisons plus ou moins politiques, les populations refusent de prendre part aux débats politiques. Et quand elles le font, leurs revendications se heurtent systématiquement à l’incompréhension des différents interlocuteurs.

Il devient donc urgent de faire participer les populations à l’exercice de développement initié dans une commune et même dans une région. Dans cette optique, l’ADEME (l’Agence de l’Environnement et de la Maîtrise de l’Énergie) préconise « une mise en valeur des actions existantes, une valorisation du temps, de la compétence pour l’engagement et la responsabilisation des citoyens pour créer un véritable engagement » au service de toute la communauté159.

L’action de la population est aussi perceptible au niveau de l’éducation car « de même que la morale s’acquiert par l’éducation, celle-ci permet inéluctablement de faire de bons citoyens »160. En ce sens, sans l’éducation, il est impossible d’entrevoir une réelle prise en compte des décisions et une influence probable sur l’action publique, que ce soit pour des questions relatives à l’environnement ou à tout autre domaine touchant la vie de l’homme en général et son bien-être en particulier. En somme elle s’avère plus que nécessaire car, « si les citoyens ne s’engagent pas régulièrement dans la marche de leurs propres affaires,

158

A. ROUX, 50 ans de démocratie locale, comment la participation citoyenne s’est laissé endormir,

pourquoi elle doit reprendre le combat, Éditions Yves Michel, 2011, p. 87.

159 En France, la participation citoyenne a contribué à plus de sécurisation des quartiers, des lotissements, des

secteurs ruraux, des communes sous contrôle de l’État. Loin d’être une action visant à transformer la population civile en commando militaire, elle a permis, plus précisément dans la région du Puy-de-Dôme, à la population de s’organiser pour assurer sa sécurité. En effet, après une sensibilisation faite auprès des populations concernant la délinquance, celles-ci se sont données pour mission de veiller à « la surveillance mutuelle des habitations en l’absence des occupants et au signalement aux forces de l’ordre des faits d’incivilités, des démarcheurs suspects » *. Cette action a nécessité peu de moyens et a aidé à une certaine cohésion entre la gendarmerie et les habitants de la région concernée.

*Info’orcet, Bulletin municipal du village d’Orcet, Aout 2019 - le 24 Juillet 2019, p. 8.

160

65 le gouvernement du peuple par le peuple disparaîtra »161. Il faudrait donc pour régulariser l’action démocratique, que les populations se constituent en citoyens actifs et que les gouvernements les soutiennent pour ne pas sombrer dans « l’apathie civique »162.

2. L’amélioration de l’action politique

En France, la dynamique des relations d’interaction entre les citoyens et le gouvernement et la quête de la démocratie ont, théoriquement, permis à la participation citoyenne à travers ses moyens, de devenir le canal idéal pour parvenir à plus de cohésion, plus de respect entre les populations et les acteurs politiques, en les aidant dans leurs tâches et en les aiguillant pour une collaboration efficace dans la société dans laquelle ils exercent leur responsabilité.

Dans cette dynamique, la population participe au « développement de la conscience politique que nécessite la solution des problèmes quotidiens »163 du fait de son implication directe vis-à-vis des décisions prises. La participation des populations requiert une attention particulière dans la mesure où elle aide à réduire certaines formes de réticences et d’incompréhensions entre les gouvernants et les populations. Cette hypothèse a été confirmée lors de la construction de certaines infrastructures, qui, malgré leur importance, n’ont eu pour effet que d’accentuer le désintérêt des populations pour la gouvernance moderne. Tel a été notamment le cas du village de BUYO en Côte d’Ivoire où la construction d’un dispensaire était nécessaire. Même si le dispensaire recueillait tous les sondages positifs auprès de la population, il fut construit à proximité d’un cimetière. Malgré l’importance de ce centre de santé, il fut un échec compte tenu de la culture de ces villageois qui interdisait une activité à une certaine distance du cimetière. Le bâtiment est alors tombé en désuétude. Cela a constitué des efforts et un coût qui n’ont pas servi mais qui auraient pu être une opportunité de désenclavement de ce village si les habitants avaient été consultés pour cette action. À partir de ce cas d’espèce, il apparaît que la participation citoyenne en général constituerait un moyen de développement et d’amélioration des prestations des institutions publiques et de les aider dans leur quête de défense et de protection des droits des populations. Encore, elle pourrait permettre la dénonciation des injustices et des abus inhérents à la propriété publique dont ils sont les garants pour un

161

J-L. BENOIT, Comprendre Tocqueville, Armand Colin, 2004, p. 38.

162

A. ROUX, op.cit., p. 75.

163

66 développement durable. En ce sens, bien plus que de répondre à certains idéaux démocratiques, il s’agit d’arriver à « recréer des foyers de citoyenneté active [dans un système politique où] les dirigeants répondent aux pressions des citoyens »164.De cette définition, il n’est pas anodin de penser l’investissement citoyen comme une sorte de pression sur les pouvoirs publics. Mais bien que cette assertion trouve toute son utilité, elle ne peut être réalisée. Il faudrait sans équivoque « comprendre les causes de la distance entre les décideurs et les citoyens »165. En insistant sur l’éducation de cette population ainsi que sur le développement des canaux de communication on pourrait réussir une véritable action contre les gouvernants, car « la tâche majeure de l’éducation populaire à laquelle sont confrontées toutes les associations est la création d’un cadre de circonstance »166à travers lequel le processus d’intégration des populations pourrait fonctionner. À BUYO, le manque d’éducation de la population a surement été la cause de l’échec de ce projet de création de dispensaire. La consultation des cadres de la population aurait permis de créer un dispositif utile, au service d’un développement efficace, pour elles-mêmes et pour les décideurs tout en portant une attention particulière à la culture.

De la Sierra Leone à la Côte d’Ivoire, du Burkina Faso au Mali et même au Sénégal, les années 80167, dans ces pays, sont marquées par une recrudescence de crises sociales, politiques, économiques, dont la majorité a pour cause la mauvaise gestion du pouvoir, sa personnalisation et la mauvaise redistribution des ressources. Le parti unique, plébiscité après les indépendances pour garantir la cohésion nationale est alors mis en cause, aux vues de son incapacité à répondre aux besoins des populations. On assiste donc à une « érosion systématique du pouvoir de l’État et au déclin de l’effectivité des institutions étatiques »168. Dans une dynamique de reconstruction de l’état, pour améliorer les capacités de celui-ci et sous l’impulsion des institutions internationales, le vaste processus de démocratisation est amorcé. Le premier volet de ce processus tient à l’institution du multipartisme et l’organisation du mode de régulation du pouvoir, les élections. Cependant, la transition entre régimes autocratique et multipartisme, ne s’est pas faite sans heurt notamment en matière de la définition des libertés d’expression. Les questions relatives à la

164

Idem.

165

G. FERREBOEUF, Participation citoyenne et ville, L’Harmattan, 2011, p. 55.

166

A. CHAUDIERES, La vie politique locale, Éditions Yves Michel, 2011, p. 77.

167

M. BUSSI, S. LIMA, D. VIGNERON, L’État-nation africain à l’épreuve de la démocratie, entre

présidentialisation et décentralisation : l’exemple du Mali, Revue en ligne de géographie politique et de

géopolitique, n°7, 2009, p. 7.

168

M. JALLOH, Effondrement et reconstruction de l'État : Les continuités de la formation de l'État Sierra

67 démocratisation de la vie publique faisant obligatoirement intervenir les populations, dont la présence et la participation sont indispensables au développement des projets locaux. Le second tient à l’émergence de ces acteurs locaux pour diversifier le pouvoir, faire naitre de nouveaux acteurs politiques et surtout pour développer une démocratie par le bas, vecteur d’un développement probable. Ce volet est aussi la clé d’un nouveau lien unissant les administrés et les gouvernants, afin de répondre plus facilement à leurs attentes. Il est aussi le moyen d’aider les populations à développer un climat de confiance entre eux même de sorte à favoriser la cohésion, à un plus petit échelon, la collectivité territoriale. Il s’agit de la décentralisation.

Quoi qu’il en soit « l’introduction à la participation citoyenne est globalement une avancée importante »169 dans la mesure où elle contribue à développer les valeurs utiles à la cohésion nationale, et à l’implantation du processus de « démocratisation pas toujours perceptible et visible, mais qui sans doute, opère en profondeur et de manière progressive »170.

Par ailleurs le processus de démocratisation par la décentralisation, pour sa réussite, nécessite la spécification de certaines responsabilités dont celles reconnues aux collectivités territoriales.

169

E. MATTEUDI, op.cit., p. 87.

170

68

Chapitre 2.

La Responsabilisation des collectivités

Documents relatifs