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La démocratie est un système qui aspire à l’harmonisation de la vie en société. Dans cette optique, la notion d’État de droit prend tout son sens. En effet, l’idée selon laquelle un État de droit véritable n’est envisageable sans légitimité démocratique de la loi ou de son mode d’édiction a été développée par plusieurs théoriciens. En observant la doctrine du droit public élaboré par l’ancien libéralisme Allemand, nous constatons que le point de vue de MOHL et MOTTECK nous offre une bien meilleure compréhension de l’exercice de la démocratie dans un État de droit. Pour eux, la loi est « une règle générale et abstraite, établie avec l’assentiment de la représentation du peuple, au moyen d’une procédure caractérisée par la discussion publique »507. En d’autres termes, le respect de la loi par les pouvoirs publics est la caractéristique d’un État de droit qui ne s’obtient qu’avec l’assentiment du peuple. Cette conception de la loi prouve bien le lien étroit qui existe entre l’État de droit et la démocratie. Cependant, la quasi-absence de l’État-institution en Afrique de l’ouest reste une porte ouverte porte ouverte à toute sorte d’interprétations et de pratiques déviantes de la démocratie. De la mauvaise conception idéologique ressort souvent l’impression de vouloir à tout prix satisfaire l’opinion internationale, tout en masquant volontairement les carences et insuffisances des États Africains en matière de bonne gouvernance.

Quand bien même l’échelon local demeure, selon nos démonstrations précédentes, le niveau d’intervention privilégié des politiques de développement, on constate néanmoins que ces mesures ont du mal à s’intégrer dans les quotidiens politiques des États Ouest africains. Pour que ce processus soit un succès concourant au progrès des provinces, les reformes

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196 administratives, financières doivent se concevoir dans un ensemble. De cette façon, chaque élément participerait au développement de l’ensemble des éléments en présences508. Mais les faits révèlent un tout autre fonctionnement qui explique l’inefficacité de ce processus. Serait- ce dû à une inaptitude ou une insuffisance des moyens (Section 1) ? ou bien encore à une stratégie des politiques pour demeurer à la tête des États qu’ils gouvernent ? (Section2)

Section 1. L’inaptitude à décentraliser

Dans les années 90, le processus de décentralisation engagé sur le continent africain avait pour but d’amener les États aux régimes unitaires vers une forme de démocratie s’inspirant du modèle libéral. Cependant, peut-on réellement affirmer que la vulgarisation du concept de décentralisation a conduit automatiquement à une universalisation des pratiques démocratiques en Afrique ?

Considéré comme le continent le plus riche en ressources minières et énergétiques, l’Afrique demeure pauvre à cause de la mauvaise gestion de ses dirigeants. Aujourd’hui elle continue encore d’être « dépouillée par des dirigeants frappés d’incapacité et de malhonnêteté... guidés par le népotisme et l’affairisme »509. C’est à croire que toutes les tentatives de sortie du sous- développement ne sont que des mises en scène. La question de l’efficacité du processus de décentralisation en Afrique de l’ouest reste toujours posée. Elle se caractérise par un environnement politique incompatible (Paragraphe 1) avec les changements que ce mode d’organisation implique. Dans cette logique, décentraliser en Afrique s’apparente beaucoup plus à une stratégie politique (paragraphe 2) dont l’objectif est de manipuler la population afin de se maintenir au pouvoir le plus longtemps possible.

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M. TOTTE, T. DAHOU, R. BILLAZ, la décentralisation en Afrique de l’ouest, entre politique et

développement, Karthala, 2003, p. 368.

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Paragraphe 1. Un environnement politique incompatible

Les États africains dans leur grande majorité, rencontrent de nombreuses difficultés dans la réalisation et l’application de la politique de décentralisation. L’une de ces grandes difficultés tient probablement à la mauvaise compréhension du vocable décentralisation. En effet, plutôt que de procéder à une séparation effective du pouvoir, nous assistons à de nouvelles méthodes d’implantation des filiales politiques. Par exemple, certains partis se sont délocalisés dans les régions pour asseoir une certaine légitimité ; mais aussi manipuler aisément la population. Ceci a été rendu possible grâce notamment à une pauvreté institutionnelle (A) mais également à une dualité constante dans laquelle évolue politiques et populations. Elles s’entremêlent régulièrement, et est à la base de tous les problèmes liés à la détermination des compétences (B).

A. La pauvreté institutionnelle

L’analyse des différents processus de décentralisation en Afrique de l’ouest notamment a révélé plusieurs difficultés dans le mode de dévolution des compétences et de partage du pouvoir entre l’État et les collectivités territoriales. Autrement dit, l’application de certaines méthodes au niveau de la réforme institutionnelle, n’ont pas favorisé la décentralisation. Comme exemple, nous pouvons citer le cas du Cameroun et Côte d’Ivoire ou l’étape de l’annonce ou la promulgation des lois de décentralisation par le Président de la République est souvent entachée de plusieurs irrégularités. En effet, la décentralisation étant un processus de prolongement de l’administration centrale, les lois émanant d’elle doivent être élaborées avec rigueur, clarté et spécificité. Si la promulgation de la loi sur la décentralisation au Sénégal, au Burkina-Faso et au Mali peut parfois intervenir assez vite dans les régions ou zones urbaines, il n’en demeure pas moins que les zones rurales ne bénéficient pas de cet avantage, ce qui peut être la cause d’un déséquilibre régional certain. Dans d’autres pays encore comme au Niger ou au Bénin, les lois peuvent être édictée au bout de plusieurs années et dans bien des cas, ne correspondent plus aux réalités des populations. Et lorsqu’elles sont promulguées, leur application est souvent conditionnée à l’intervention de décrets du Premier ministre qui fixe dans les détails les modalités d’exercice des compétences transférées par l’État aux

198 collectivités territoriales. Parfois, le délai entre la promulgation des lois et la signature du décret signifiant son application peut également prendre plusieurs années.

Aussi, dans certains autres pays des sous régions, le problème est beaucoup plus profond car la difficulté émane de la formule adéquate permettant d’appliquer la loi (Mali). D’une part, les efforts de concertation, de dialogue et d’échanges sur le sujet, à travers des séminaires et des ateliers sont restés vains. Dans ces conditions, le système devient difficilement exploitable étant données la présence antérieure des agents dans les localités. D’autre part, certains arrêtés ministériels concernant l’urbanisation peuvent ne pas tenir compte des compétences des collectivités. À ce sujet, les lois françaises du 7 janvier 1983 et du 18 Juillet 1985 confèrent aux élus locaux (plus exactement municipaux) la compétence d’affecter des espaces, de les aménager ou d’attribuer des autorisations d’occupation des sols aux personnes physiques et morales. Au contraire, l’on note une omniprésence de l’État ouest africain qui accumule des fonctions prépondérantes mais aussi de redistribution. Au Sénégal par exemple, l’intervention disproportionnée de l’État crée une inefficacité qui justifie bien la pauvreté institutionnelle de ce pays. En effet, celui-ci intervient de façon directe en tant qu’acteur de l’urbanisme à travers la programmation des investissements dans le cadre des plans de développement économiques et sociaux (PDES). Il fait réaliser de grands travaux : quartiers nouveaux, rénovations, réhabilitations 510. Il est aussi celui qui bâtit les grands projets touristiques. Il occupe enfin, des fonctions en matière de redistribution des habitats, et gère les actions scolaires et sanitaire.

Dans cette logique, les politiques sectorielles ne tiennent que moyennement compte de la décentralisation. Leur définition et leur mise en œuvre se chevauchent avec les attributions des collectivités territoriales acquises par la décentralisation, dès lors que les compétences locales concernent des domaines d’intervention des agences ou des sociétés d’État. Par exemple, les télécommunications, l’énergie ou l’eau et l’assainissement (exemple de la SONEB au Bénin, de l’Office de l’eau et de l’assainissement au Burkina Faso, et de la SNEC au Cameroun). Ces éléments constituent de ce fait un frein à l’effectivité des transferts de compétences. Ainsi, la duplication des compétences entre entités décentralisées et entités centralisées entraine une poursuite unilatérale des politiques sectorielles (santé, éducation, eau et assainissement, transport, etc.) et leur mise en application au niveau local grâce aux services

199 déconcentrés. Même si le rôle de l’État a longtemps été sujet à controverse, une implication trop prononcée de celui-ci entraverait ses capacités à assumer ces fonctions régaliennes.

Pour pallier ce défaut de rigueur institutionnelle, le gouvernement Tchadien, a préconisé une feuille de route après les élections locales de 2014 avec pour objectif de délimiter les actions de chacun et aussi d’encourager et de dynamiser les localités dans la défense de leurs droits face à l’État, avec le concours des chefs traditionnels. Tous ces projets lui permettraient d’instaurer et de développer un début de démocratie locale et une gestion de proximité des services publics pour raviver le lien État-Citoyen. On note néanmoins une continuelle résistance quant aux changements proposés ou effectués.

B. La dualité des normes

La dualité des normes consiste en la double présence d’entités dans l’application des règles liées à la décentralisation. Elle peut se traduire dans l’application de la loi et dans les responsabilités des acteurs. Pour ce qui est de l’application de la loi, il est largement admis qu’une bonne politique de gestion doit correspondre à un équilibre entre les moyens mis à disposition des collectivités et leurs emplois, sans faire de distinction entre les zones rurales et les zones urbaines, ou entre l’État et les autorités locales.

En tant que processus de régularisation des inégalités dans l’application de la loi, le recourt à la décentralisation garantit l’exercice ou la jouissance égalitaire de la loi, selon que l’on soit en zone rurale ou urbaine. La loi étant faite pour un tout et non pour des individus en particulier, elle gagnerait en légitimité si le législateur la structurait en fonction des réalités des populations. Dans cette optique, il est important de mentionner que la force et la capacité d’intégration des encadrements paysans s’est révélée importante dans ce processus. Pour aller plus loin, l’expression « développement local » s’est imposée pour définir la multiplicité d’expériences et d’action au Nord comme au Sud, en milieu rural et dans les quartiers urbains511. En d’autres termes, la loi doit être appliquée avec la même rigueur sur l’ensemble

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E. BARRAU, renforcement des acteurs locaux et décentralisation, Mémoire DESS Urbanisme et aménagement, option Expertise Internationale-ville et développement - Développement local, Paris VIII, 2004- 2005, p.5.

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