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De la centralisation à l'obligation de rendre compte

Paragraphe 2. La transition démocratique

A. L’avènement du multipartisme

Jusque dans les années 90, plusieurs États avaient opté pour le monopartisme comme modèle de gestion politique. Mais la crise persistante a amenuisé le confort habituel des populations et l’évolution constatée pendant de longues années. Tandis que pour certains ce modèle figurait dans la constitution des États (le Mali, le Sénégal), d’autres pays en sont arrivés au monopartisme par habitude et par complaisance (la Côte d’Ivoire). Cependant, avec l’adoption de la démocratie et de la bonne gouvernance le multipartisme s’est partout imposé dans une démocratie valorisant les oppositions (1) et respectant les libertés individuelles (2).

1. La valorisation des oppositions

En Côte d’Ivoire, quand bien même les textes de lois définissaient le multipartisme comme la forme de gouvernance choisie, le monopartisme s’est imposé comme modèle de gouvernance. Les différentes actions de force menées contre toutes formes de tentatives d’association, et les arrestations inégales et injustifiées des différents leaders de l’opposition en étaient les justificatifs. Pour cause, le président « qui avait fait le choix d’une coopération sans réserve avec l’ancienne puissance coloniale […] considérait que son peuple n’était pas prêt pour une démocratie à l’occidentale »85. En définitive, le parti unique s’est imposé dans presque tous les États subsahariens dont le Mali de Modibo KEÏTA, ou encore le Burkina Faso de Thomas SANKARA qui était confrontés à la même situation politique.

Le discours du Président Mitterrand à la Baule a véritablement incité de nouveaux aménagements politiques, faisant ainsi apparaître dans le langage plutôt hostile des dictateurs d’Afrique, des notions relatives au multipartisme. Pour les anciens présidents comme Félix Houphouët BOIGNY en Côte d’Ivoire (même si les faits démontrent qu’il était adulé par la population qui le vénérait), Blaise COMPAORE au Burkina Faso (destitué par un coup d’État en 2014), Modibo KEÏTA du Mali, l’acceptation des notions de contre- pouvoir, de liberté d’expression, de droit et devoir de chacun, de responsabilité administrative ont été de véritables épreuves. Ainsi prenait forme le multipartisme et la

85

F. K. BLEKANH, Une démocratie à l’Africaine pour un développement durable : cas de la Côte d’Ivoire, L’Harmattan, 2009, p. 33.

40 démocratie tel que le moins dramatique système qu’auraient pu connaître les États africains. Le véritable avantage du multipartisme étant sa capacité à stimuler la diversité, il a eu pour mission première en Afrique d’encourager « les partis politiques à recruter désormais leurs militants au sein de tous les groupes ethnolinguistique, de faire disparaître les sentiments triballes et d’assurer l’alternance demandée par la démocratie moderne »86.Étant donné que les chefs d’États Africains avaient une vraie tendance à aménager leurs régions respectives, la diversité ethnique au sein du pouvoir était le moyen « d’atteler chacun des dirigeants à ce que le développement se fasse également chez lui »87.

En somme, la valorisation et l’incitation au multipartisme contribuèrent à une pérennité de la quiétude et une valorisation de la paix dans les États qui la saisirent comme une réelle opportunité. Cependant il n’est possible de prévoir cette paix que dans un environnement où prime la liberté.

2. La liberté d'expression

Le nouveau mouvement vers d’autres moyens de gouverner les États par une démocratie efficace s’enrichit également de la liberté d’expression comme condition essentielle pour garantir la stabilité des relations entre l’État et la population.

Étant entendu comme l’une des valeurs de la démocratie par la Convention Européenne des Droits de l’Homme et du citoyen de 1789, la liberté d’expression énoncée dans l’article 11de la Déclaration des droits de l’homme, énonce que :« la libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l’homme. Tout citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre de l’abus de cette liberté dans les cas précis par la loi »88.

La liberté d’expression se doit également de prendre en compte toutes les convictions et les aspirations de chacun car l’on ne peut tout dire.

86

Idem, p. 14.

87

Idem, p. 80.

88

Usage commun adossé à une certaine subjectivité du fait de la conscience dont elle émane chez les individus, la liberté impliquerait une certaine responsabilité comme l’expliquait Sartre. En effet, bien que l’individu soit libre, il faut qu’il manifeste cette liberté dans le plus grand respect des lois. C’est donc à juste raisonnement qu’une maxime plutôt philosophique du siècle des lumières affirmait que l’homme est libre mais sa liberté prend fin là où commence celle des autres.

41 Aussi, avec la vulgarisation des moyens d’informations, ce droit tend à être de plus en plus limité compte tenu des toutes les caractéristiques qui découlent de cette liberté. Or la démocratie doit garantir l’émancipation de tous. Dans l’optique de réussir une organisation démocratique dans un monde où les libertés doivent être respectées, Hobbes écrivait en toute logique que « la liberté d’expression ne constitue nullement un droit fondamental »89. Selon cette assertion, la liberté d’expression n’est pas prioritaire quand elle consiste juste à donner une puissance étatique sans poser la question de l’exigence face à un peuple critique. Pour la France, « la liberté d'expression doit être conciliée avec d'autres droits et libertés parmi lesquels le droit à être protégé »90.

Mais en Afrique de l’ouest et plus particulièrement en Côte d’ivoire, les médias se livrent des guerres idéologiques en fonction des bords politiques et ou « les enjeux informationnels se sont transformés en une démarche mystificatrice d’une société où les journalistes d’opinion incarnent désormais les vérités que doivent absolument consommer une masse importante de personnes »91. Les médias constituent alors de simples canaux d’informations, mais dans bien des cas, une arme tant ce journalisme d’opinion manque crucialement de crédibilité dans un pays en pleine mutation...92. La quête d’une réelle liberté d’expression de la presse en Côte d’Ivoire résiderait donc dans une recherche d’objectivité indépendamment de la coloration tribale des journaux et des partis politiques93. Uniquement à cette condition, elle apporterait plus d’aisance à la démocratie à travers les possibilités accordées aux groupes de pression (presses, partis politiques, associations de consommateurs). Ceux-ci, dans l’exercice de leur pouvoir de contrainte sur les gouvernants, pourront s’assurer de la loyauté des dirigeants durant l’exercice de leurs fonctions et dans toutes leurs prises de décisions en conformité aux attentes des populations. Cela démontre bien de l’importance de leur rôle dans le processus d'intégration politique et même vis à vis de l'instauration de la démocratie dont l’enjeu « consiste à ne pas écraser l’opposition, mais à écouter la voix de tous et de chacun. Parce que l’opposition représente aussi une partie de la voix des citoyens »94.

89

Thomas HOBBES, Le Léviathan Chapitre XVI, Folio Essais Éditions, du 29 novembre 2000, p. 76.

90

A. ROBITAILLE-FROIDURE, La liberté d’expression face au racisme, Étude de droit Comparé Franco-

américain, L’Harmattan, 2011, p. 14.

91

R. G. BLE, Les enjeux de l’information et de la communication, Médias d’opinion et de presse, La découverte, 2006, p. 4. 92 Id ibid, p. 11. 93 Idem 94

42 Encore faudrait-il que la démocratie soit la ligne directrice des actions et non une excuse comme l’on en fait souvent le constat en Afrique de l’ouest et notamment en Côte d’Ivoire, à travers le contrôle des chaînes de télévision par le parti au pouvoir. Il faut par ailleurs, s’interroger sur les bases de la démocratie existante dans ces États.

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