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La pérennisation de la politique centralisatrice héritée de la colonisation

L’état africain décentralisé, entre « l’exis et praxis »

Paragraphe 1. Une approche diplomatique

B. La pérennisation de la politique centralisatrice héritée de la colonisation

La politique centralisatrice héritée de la colonisation semble, encore de nos jours, se matérialiser dans le procédé autoritaire. D’où le nécessité de mettre en évidence le paradoxe opposant la centralisation et l’obligation de rendre compte. De nos jours, en Afrique de

444

D. COLARD, Droit des relations internationales, Paris, Masson, 1988, p. 53

445

P. JACQUEMOT, Cinquante ans de coopération française avec l'Afrique subsaharienne. Une mise en

perspective, Afrique contemporaine, vol. 238, no. 2, 2011, pp. 43-45.

446

B. GAYE, Sécurité et défense en Afrique subsaharienne : quel partenariat avec l'Europe ?, Revue internationale et stratégique, vol. 49, no. 1, 2003, p. 19.

176 l’ouest, la pensée traditionnelle sur la bureaucratie et l’administration suppose des modèles de contrôles hiérarchiques447 renfermés en la centralisation administrative (1) dans un espace autrefois délimité par le colonisateur (2).

1. La centralisation administrative

La centralisation dans sa dimension juridique renvoie « au procédé technique, qui consiste à reconnaître l’État comme la seule personne publique compétente pour régler tous les problèmes de la Nation. Nonobstant la multiplicité et la diversité des tâches qui incombent à l’État, toutes les compétences sont concentrées entre les mains d’une seule autorité »448. Dans un tel système, seules vont prospérer les circonscriptions administratives en tant que démembrement de l’administration centrale puisque le niveau local est totalement dépendant du niveau central. Néanmoins, si une collectivité territoriale voit le jour, c’est toujours sur une étroite surveillance du pouvoir central. MM. RIVERO et WALINEl tiennent pour preuve l’administration bonapartiste de l’an VIII fut le plus centralisé que la France ait connu et de préciser que la commune « y apparaissait bien comme une personne juridique, mais les autorités communales, nommées par le pouvoir central restaient dans une entière dépendance »449.

De ce point de vue, « la centralisation apparaît comme une administration centralisée et une organisation hiérarchisée »450. « Seules les autorités centrales gèrent les affaires du pays, et donc aussi bien les affaires nationales que les affaires locales (…) On croyait alors que donner des pouvoirs à des autorités locales pouvait conduire à des révoltes, des désorganisations massives et à l'absence de soumission au pouvoir central. Pour les gouvernants en effet, le processus de centralisation permettait d’assurer un certain ordre social et politique, les décisions étant homogènes »451. Sur le plan théorique, « la centralisation exprime une idéologie de méfiance de l’État vis-à-vis des citoyens et traduit un manque de confiance en leurs capacités

447

H. FAYOL, General and Industrial management, Pitman, 1969, p. 106.

448

R. DEGNI-SEGUI, Droit administratif général : L’organisation administrative, Tome 1, Abidjan, Édition CEDA, 2003, p. 52.

449

J. RIVERO et Jean WALINE, Droit administratif, Dalloz, 18ième

édition, 2000, p. 309.

450

R. DEGNI-SEGUI, op. cit., p. 52.

451

177 d’intervention »452. Sur le plan pratique, « les expériences de développement centralisé ont été fortement critiquées en Afrique, notamment par suite des résultats peu satisfaisants obtenus »453. De telles critiques sont particulièrement justifiées lorsqu’il s’agit d’États ne disposant que de faibles capacités financières et de ressources humaines limitées. Sur le plan politique, on constate que la centralisation n’est pas un procédé démocratique à l’instar de la généralisation des systèmes de parti unique en Afrique dans les années 1960454. On comprend mieux pourquoi la décentralisation territoriale, déjà évoquée au lendemain des indépendances, « n’a réellement été mise en œuvre que dans les années 1990, à la demande des peuples et des organismes internationaux »455.

2. Le maintien des frontières préétablies

Les frontières des pays africains ont artificiellement été délimitées par le colonisateur au mépris de l’histoire et des liens unissant les populations précoloniales. En réalité, le partage de l’Afrique s’imposait comme une nécessité car les nations européennes, avides de matières premières et de main d’œuvre bon marché se livraient une bataille sans merci pour le contrôle de l’Afrique. Une situation qui à terme, menaçait la paix et la sécurité de la région. On se souvient qu’en En 1830, la France occupe l'Algérie, la porte de l'Afrique et le centre de l'Afrique du Nord et en 1881, occupe la Tunisie, froissant au passage la susceptibilité de l'Italie. On sait également qu’en 1882, le Royaume-Uni s'empare de l'Égypte, une province de l'Empire ottoman avant de se tourner vers le Soudan . En 1885, l'Italie prend possession d'une partie de l'Érythrée, alors que l'Allemagne déclare en 1884 avoir pris possession du Togo, du Cameroun, du Sud-Ouest africain (l'actuelle Namibie) et de l'Afrique orientale allemande en 1885. La conférence de Berlin fut convoquée de novembre 1884 à février 1885. À cette conférence fut décidé le partage systématique de l'Afrique et l'installation de façon durable de la colonisation

452

H. OUEDRAOGO, Décentralisation et pouvoirs traditionnels : le paradoxe des légitimités locales, Mondes en développement, n° 133, 2006, p. 11.

453

Idem., p. 12.

454

C. GIOVANNI, Comprendre les partis et les systèmes de partis africains. Entre modèles et recherches

empiriques, Politique africaine, n° 104, 2006, pp. 18-37.

455

J. MARIE et E. IDELMAN, La décentralisation en Afrique de l’Ouest : une révolution dans les gouvernances

locales ? , EchoGéo [En ligne], 13 | 2010, mis en ligne le 20 septembre 2010, consulté le 20 février 2018. URL :

178 de l'Afrique456. Comme l’explique Joël CALMETTES, la conférence de Berlin de 1884 ne s’apparente pas à un partage de l’Afrique pur et simple comme on le dit souvent. Elle a plus servi à « définir des règles de bonne entente, des lois à respecter pour accaparer un territoire. Une sorte de charte de la colonisation »457.Pourtant, au lendemain des indépendances, c’est le principe de l’intangibilité des frontières qui consacrera le maintien des frontières préétablies comme assiette spatiale et assise des nouveaux États. Il en va ainsi des rapports entre le Burkina Faso et le Mali, du Bénin et du Togo. La succession aux frontières sera confortée par la Convention de Vienne sur le droit des traités du 23 mai 1963 et par le traité de Vienne de 1976 en matière de succession aux traités. Bien qu’il n’ait pas été retenu dans la Charte de l’O.U.A, l’organisation panafricaine va pourtant l’ériger en principe obligatoire à travers la résolution du Caire en juillet 1964 mettant ainsi à la charge des États membres « une obligation de ne pas remanier, par la force, les frontières issues de la colonisation »458. C'est donc sous cette gouverne, que les nouveaux chefs de d'état africains vont s'orienter vers des politiques plus dominatrices au lendemain des indépendances.

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