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La Responsabilisation des collectivités territoriales

Paragraphe 2. Les résultats du transfert équitable

B. Garant de la transparence

2. L’adoption des lanceurs d’alerte

Les ‘‘whistleblowers’’ ou plus simplement les lanceurs d’alerte sont de plus en plus au centre de la tentative de modernisation de l’appareil étatique, tant leur rôle est important « à la lumière des impératifs de transparence et d’exemplarité »234 développés pour la valorisation de mœurs au sein de l’action publique.

S’inscrivant dans une longue tradition américaine datant de la guerre de Sécession235, l’activité des lanceurs d’alerte a connu une évolution considérable après son succès face à la recherche des moyens de lutte contre la corruption. Ayant pour mission première de satisfaire à une obligation morale, les agents lanceurs d’alerte sont devenus au fil des années des individus importants, mais aussi des cibles dans une société ou devrait primer l’intérêt général.

Agissant lors du constat d’un « flagrant gaspillage de fonds, une mauvaise gestion évidente, un abus de pouvoir ou un danger significatif et spécifique en ce qui a trait à la santé et à la sécurité publique »236, l’action s’étend à tout agent fonctionnaire ou employé ayant constaté un fait mettant en danger les intérêts publics. Cependant, parce que la procédure de donner l’alerte constitue « une sécurité de dernier recours quand le système de surveillance est défaillant »237, les rôles de ces agents de l’ordre public devrait être juridiquement encadré, « au risque de laisser subsister des zones de non-droit, pouvant conduire à des risques, au pire de déni de justice, a minima d’insécurité juridique »238 . Pourtant, lancer une alerte comporte encore des risques, car le système juridique ne protège pas assez les individus après une telle initiative.

234

A. LAURENT, L’agent public lanceur d’alerte : de la déontologie à la transparence ?, « Revue de Droit Public et de la Science Politique en France et à L’étranger », Lextenso, RDP n°4, juillet –Aout 2016, p. 1095.

235

1861-1865.

236

Congrès Américain ACT, renforcé en 2000 par le No-Fear Act puis en 2012 par le whistelblower Protection Enhancement ACT.

237

M-A. HERMETTE, l’emprise des droits intellectuels sur le mode des vivants, Éditions Quae, 2016, p. 58.

238

92 Le conseil européen a essayé en 2014, d’apporter des éléments de réponse à la protection des lanceurs d’alerte et à l’encadrement de leurs actions. Pour lui donc, « les personnes qui ont été victimes de représailles pour avoir fait un signalement ou une révélation d’information d’intérêt général devraient pouvoir solliciter des mesures provisoires, en particulier en cas de perte d’emploi »239. Ces mesures peuvent être des récompenses financières au prorata des sommes d’argent recouvrées ou des amendes encaissées selon les pays et la gravité de l’affaire240.

En pratique, on constate que l’emploi en Afrique constitue l’une des seules sources de revenus pour des familles et reste un moyen de lutter contre la pauvreté. De ce fait, un témoin d’une scène « de violation de la loi ou des droits de l’homme, mettant en péril la santé et la sécurité publique et l’environnement »241 ne donnera pas l’alerte. Ceci en vue de se protéger de la vengeance de l’administration qui l’emploie. De fait, la pauvreté qui sévit dans le pays ouest africain est un facteur aggravant dans la mesure où les quelques travailleurs hésitent à dénoncer un supérieur malhonnête, au risque de se retrouve au chômage.

Cela concerne également les chefs d’États qui évoluent dans une certaine impunité et qui ignorent les droits des personnes comme le démontre les nombreuses arrestations de journalistes ou d’opposants. Aujourd’hui encore, face à la très faible démocratisation des administrations ouest africaines, et surtout au culte voué aux différents dirigeants, le lancement d’alerte reste une action très peu (ou pas du tout) utilisée. Néanmoins, la démarche des lanceurs d’alerte reste une piste très concrète à exploiter dans ces pays. En effet, elle aurait pu faire éviter à la Côte d’Ivoire, la catastrophe environnementale du Probo-Koala242. Ces agents ont

239

Id.ibid, p. 118.

240

Principes directeurs pour une législation de l’alerte de Transparency International, 2009.

241

Id.ibid.,p. 119.

242Green Peace/aslun, L’affaire Probo-koala ou la catastrophe du déversement des déchets toxiques en Côte d’Ivoire, FIDH- LIDHO – MIDH, n° 560f, Avril 2011, p. 9.

« L’affaire Probo-koala a été qualifiée de tragédie humaine et environnementale par les organismes internationaux. En effet, le 19 août 2006, le PROBO KOALA, un navire grec d’équipage russe battant pavillon panaméen, affrété par la société TRAFIGURA, dont l’adresse fiscale se situe à Amsterdam, le siège social à Lucerne (Suisse) et le centre opérationnel à Londres, a reçu l’autorisation d’appareiller dans le Port Autonome d’Abidjan (PAA). La compagnie locale TOMMY, qui venait tout juste d’être créée le 12 juillet 2006, a été mandatée par la société PUMA Energy, une filiale de TRAFIGURA en Côte d’Ivoire, spécialisée dans le stockage pétrolier qui avait été conseillée par la société WAIBS de rentrer dans ce partenariat afin de décharger et traiter les 528 m3

de déchets, hautement toxiques, des cuves du navire. La société TOMMY a immédiatement sous-traité la besogne à des camionneurs qui ont déversé les 528 m3

de déchets hautement toxiques, à ciel ouvert, dans la décharge publique d’Akouédo (seule décharge de la ville d’Abidjan) et dans près d’une dizaine d’autres sites à forte densité de population. Ces déchets ont dégagé des gaz mortels faisant, selon la justice ivoirienne ainsi que les rapports effectués par le Rapporteur Spécial de l’ONU sur les déchets toxiques (OkechukwuIbeanu), 17 morts et plus de 100.000 personnes intoxiquées ».

93 une importance capitale dans le processus de démocratisation et de la recherche d’un état de droit. Ainsi, les lanceurs d’alerte, en Afrique de l’ouest pourraient agir de façon anonyme auprès d’institutions indépendantes, capables de conduire des enquêtes de moralité sans intervention politique. Tel est le rôle joué par transparancy international en France, qui s’assure que les procédures de lancements d’alertes soient respectées tout en préservant et protégeant l’anonymat du lanceur d’alerte. Encore, les différentes administrations pourraient être composées d’agents infiltrés, en charge de cette mission pour qu’enfin aboutisse cette démocratie de nom dont on a souvent fait le constat.

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