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La sacramentalité comme langage dans la temporalité de l’histoire du salut

Reprenant à grands traits les résultats indécis de la longue analyse de C. Couturier que nous avons déjà mentionnée24, A. Mandouze propose une ligne d’interprétation qui nous paraît importante

pour notre propos sur la sacramentalité comme signification :

« La saine méthode ne conseille-t-elle pas plutôt d’admettre en principe, comme expression d’un complexe théologique, un complexe sémantique permettant à un virtuose comme Augustin d’obtenir toutes sortes d’harmoniques à partir d’un son fondamental ? 25 Ou encore, plutôt que de spéculer sur les “extensions” hasardeuses

d’un sens premier particulièrement étroit, ne vaut-il pas mieux s’efforcer de garder présentes à l’esprit toutes les virtualités d’une notion augustinienne particulièrement riche sans qu’on se croie obligé pour autant de traduire chaque fois sacramentum ou

mysterium par une périphrase ? D’ailleurs les catégories énumérées par Couturier

peuvent être aisément “récupérées” dans cette perspective “unifiante” à condition que l’on veuille bien admettre de les considérer comme des sortes d’approximations, ou mieux d’abréviations commodes, étant bien entendu qu’au sens plein, il s’agit respectivement de :

— rite symbolique d’un mystère (sacré) — symbole rituel d’un mystère(sacré) — mystère symbolique d’un rite (sacré),

23 F. BERROUARD, Pour une réflexion, p. 843. Dans le même sens, H.deLUBAC, Corpus Mysticum, pp. 232-233 : « la

“nova umbra” est beaucoup plus qu’une ombre ou un reflet ; elle l’emporte incomparablement sur les “veteres

umbræ”. »

24 Cf. ci-dessus, note 98.

25 Pour faciliter la compréhension de cette citation, signalons qu’A. MANDOUZE vient de comparer à des

harmoniques en musique la polysémie apparemment irréductible des emplois de sacramentum, et propose de faire apparaître “un son fondamental” qui permettrait d’entrevoir l’unité de la pensée d’Augustin en ce domaine.

le sacramentum étant représenté dans sa totalité par une sorte de pyramide se prêtant à diverse présentations triangulaires sous divers éclairages. »26

Prolongeant cette intuition, qui nous paraît essentielle pour entrer dans la pensée d’Augustin, André Mandouze suggère un parallèle avec la question du langage, ce qui, nous le verrons, ouvre des perspectives vraiment importantes :

« Que ce dernier [= le sacramentum] soit en un sens un langage, quoi de plus naturel, et de plus surnaturel aussi ? Faux problème donc que celui qui a nourri un interminable débat : symbolisme ou réalisme du sacramentum augustinien ? La vérité, c’est que, si l’on supprime ou que l’on minimise un des deux termes, la notion même de sacramentum disparaît ou n’a plus de sens.

Tout comme n’aurait plus de sens un sacramentum conçu en soi extérieurement aux relations de l’homme et de Dieu [...] L’homme à sauver reste un homme, mais son salut est en Dieu qui, s’étant humanisé, l’a divinisé. Par les sacramenta chrétiens s’actualise ce rapport nouveau entre Dieu et l’homme. Ainsi le dialogue peut-il s’instaurer à différents niveaux et dans cette dialectique des degrés (spirituels) chère à Augustin, les sacramenta viennent s’insérer ou plutôt sont postulés “propter carnales ab

eis quæ ab oculis corporis cernuntur ad ea quæ mente intelliguntur sacramentorum gra- dibus transferendos”. »27

Nous avons cité longuement ce texte car il nous semble qu’il permet de pressentir ce que devait représenter pour Augustin une théologie du sacramentum : c’est tout simplement la possibilité de dire le mystère de Dieu, possibilité qui ne vient pas de l’homme seul, ni même, d’une certaine manière de Dieu seul. Mais du fait que le mystère est la réalité de la communion de l’homme et de Dieu, cette réalité (res) implique de soi un niveau de signa pour être vraiment ce qu’elle est. Loin donc de se laisser déconcerter par la pluralité des sacramenta/mysteria qui concernent toutes les époques de l’histoire des hommes à travers la multiplicité de leurs relations avec Dieu, il faut au contraire en comprendre la nécessité interne : pour Augustin, la sacramentalité comme système de signes permettant la

communion entre les hommes et Dieu est la spécificité incontournable de l’existence chrétienne, aussi

indispensable que peut être le langage pour l’existence réelle d’une société humaine. En écrivant cela, nous avons conscience de proposer une lecture quelque peu “rajeunie” de la pensée augustinienne sur ce sujet, mais cette interprétation nous semble constituer la base indispensable pour comprendre la nouveauté de sa réflexion théologique par rapport à ses prédécesseurs.

Et précisément, puisque le mystère en tant que res n’est rien d’autre que la réalité en devenir de la convivialité de l’homme et de Dieu, il est indispensable que cette convivialité implique un langage, dont les sacramenta des diverses alliances sont les signes - en utilisant la terminologie linguistique contemporaine, on parlerait d’unités “sémiotiques” —. Faute de n’avoir pas toujours su respecter la sacramentalité comme langage mais de l’avoir réduite à un code indicateur de la mise en œuvre ou de l’efficacité d’un acte divin, la réalité du sacramentum dans la théologie de saint Augustin nous semble floue ou trop audacieuse. Et pourtant, il n’y a pas de meilleure “justification” théologique de la sacramentalité que celle-là : il y a des langages “sacramentels” — en stricte formulation augustinienne, il faudrait pratiquement s’excuser d’utiliser un tel pléonasme —, parce que l’homme est en communion avec Dieu, c’est-à-dire en fonction de sa condition mystérique de partenaire de Dieu : il n’est donc pas surprenant que A. Mandouze plaide en faveur d’un “complexe sémantique” comme expression d’un “complexe théologique” : le complexe théologique c’est le

mysterium, le tissu complexe des relations de l’homme avec le Dieu unique, et le complexe sémantique

c’est l’ensemble des sacramenta/mysteria, la face signifiante de la réalité du Mystère.

26 A. MANDOUZE, « À propos de “Sacramentum” chez saint Augustin. Polyvalence lexicologique et foisonnement

théologique », in Mélanges offerts à Mademoiselle Christine Mohrmann, Utrecht/Anvers, 1963, pp. 222-232. Le texte cité se trouve pp. 226-227.

De plus, cette intuition augustinienne d’une simplicité et d’une profondeur étonnantes permettait une intégration de la dimension historique et de la temporalité : la variété des

signa/sacramenta n’était, en fin de compte, que l’interférence et l’incidence mutuelles de la temporalité

sur la signification. Selon la place qui nous est donnée dans le temps et dans l’histoire, les signes/sacrements qui nous permettent de signifier le Mystère seront multiples. Augustin traitera donc de la “linguistique” sacramentelle selon la synchronie (multiplicité des signes dans tel état présent de l’économie du mystère) et selon la diachronie (multiplicité des systèmes de signes/sacrements ayant pour visée référentielle l’unique Mystère de Dieu).

On pourrait peut-être reprocher à cette théologie de la sacramentalité/signe de n’être qu’une échappatoire pour ne pas voir en face la question de la temporalité : en effet, opposer la res comme mystère de Dieu, dont saint Augustin, nous l’avons vu, prend toujours soin de rappeler l’identité et l’éternité, à la multiplicité des langages sacramentels déployés dans la diversité économique de l’histoire, c’est-à-dire dans la multiplicité temporelle des relations des signa à la res, ne serait-ce pas précisément justifier sur la base de cette opposition l’impossibilité pour Dieu d’agir dans et par les sacrements, puisque ceux-ci sont célébrés dans le temps ? La conception augustinienne de la sacramentalité comme signification ne risque-t-elle pas d’induire une vision purement “symbolique” de la sacramentalité que certains auteurs protestants libéraux ont cru pouvoir trouver28 dans la

théologie augustinienne de l’eucharistie par exemple29 ?

Mais c’est vouloir poser à Augustin un problème qu’il ne se posait pas : dans l’héritage qu’il recevait, l’action salvifique de Dieu en Jésus Christ était le mysterium comme tel, sa réalité et son efficience étaient la donnée première sans laquelle la foi elle-même n’aurait eu aucun sens. La dimension du réalisme mystérique était pour ainsi dire coextensive à l’être, être de Dieu et être des créatures. Dans cette perspective, la totalité que constituent Dieu et sa création est le mystère lui- même. Pour Augustin, il s’agissait de dépasser le moule trop homogène et rigide d’une totalité univoque des degrés d’être depuis l’Un jusqu’au multiple, vision dans laquelle tout est fondé sur un exemplarisme où toutes les relations sont de l’ordre de la similitude : un tel schéma aurait dû normalement aboutir à une conception théurgique des sacrements30. Or, c’était précisément la

conception de la sacramentalité comme signification qui, seule, permettait d’y échapper.

Seule en effet, la théologie du sacrement comme signe allait lui permettre de déterminer le statut présent de l’existence chrétienne : chaque époque de l’histoire de la création est finalement déterminée par les signes sacramentels qui lui sont propres. Une telle vision des choses ne semblera

28 Cf. LOOFS, article « Abendmahl », dans Real Encycl. 18963, I, pp. 62-63 ; SRAWLEY, article « Eucharist », dans

E.R.E. V, 1912, p. 554 b. Cette manière de voir n’est plus soutenue aujourd’hui : voir par ex. G. KRETSCHMAR,

article « Abendmahl », III /1, T.R.E. I (1980), p. 83 : « Man würde Augustin völlig missverstehen, wenn man seine Sätze an den mittelalterlichen und reformatorischen Kontroversen zwischen Vertretern einer “realistischen” und einer “symbolistischen” Abendmahlslehre misst. Die Wahrheit und Gültigkeit des eucharistischen Geschehens standen dem Afrikaner fest, aber es ist nicht die Wahrheit der Inkarnation oder der verheissenen Zukunft, sondern die Wahrheit christlicher Existenz als Leben in der Kirche, im Leibe Christi. »

29 Sur la doctrine eucharistique de saint Augustin, voir P.-Th. CAMELOT, « Réalisme et symbolisme dans la doctrine

eucharistique de saint Augustin », R.S.P.T. 31 (1947), pp. 394-410.

30 Sur toute cette question, on pourra consulter Théo KOBUSCH, « Das Christentum als Religion der Wahrheit.

Ueberlegungen zu Augustins Begriff des Kultus », Rev. Ét. Aug. XXIX, 1-2 (1983), pp. 97-128, surtout le passage consacré aux différentes formes de théurgie dans la tradition néoplatonicienne, pp. 109-114, ainsi que les réflexions de P. HADOT, « Bilan et Perspectives sur les oracles chaldaïques » in H. LEWY, Chaldeans Oracles and Theurgy, Paris, 19782, p. 717 : « À la différence de la magie, la théurgie n’exerce pas de contrainte sur les dieux, pour les forcer à

apparaître, mais au contraire, elle se soumet à leur volonté en accomplissant les actes qu’ils veulent ». Un tel schéma de pensée a la vie dure : quand on critique aujourd’hui une “conception magique des sacrements”, c’est généralement à une compréhension théurgique de type néo-platonicien que l’on fait référence. La plupart des problèmes de pastorale sacramentelle contemporaine — depuis l’usage du latin jusqu’au baptême des petits enfants — relève de ce refus de la sacramentalité comme signification pour mieux préserver une conception de l’action de Dieu comme secrète ou réservée au pouvoir des clercs et agissant de façon d’autant plus efficace que l’“on n’y comprend rien ! Sur le baptême des petits enfants et le statut de la grâce dans l’enfant baptisé, voir J.-Ph. REVEL,Traité des sacrements,I, 2, pp. 391-402.

étroite qu’à ceux-là qui mettent sous le mot sacrement l’usage auquel il a été réduit dans le contexte ecclésiologique et la définition du septénaire définis par le concile de Trente.

« La vérité et la validité de ce qui s’accomplit dans le sacrement, écrit G. Kretschmar à propos de la conception de l’eucharistie chez saint Augustin, étaient pour lui fondamentales, mais ce n’était pas la vérité de l’incarnation ni celle de l’avenir promis. C’était la vérité de l’existence chrétienne dans l’Église, dans le corps du Christ. »31

La théologie augustinienne des sacramenta/signa n’est pas une fuite devant la question de l’entrée de Dieu dans l’histoire, mais au contraire la reconnaissance de ce que Dieu au cœur de l’histoire est signifié par cette multitude de signes, à quelque niveau que ce soit — événements et récits de la Bible, institutions cultuelles, gestes ou objets de culte, personnages qui agissent ou qui parlent, bref, tout ce que la tradition avait qualifié de mystèrion, tupos, symbolon, figura, signum ou

sacramentum —, dans la diversité des temps de l’histoire, selon la multiplicité des alliances et des

étapes par lesquelles Dieu accomplit le mysterium qu’est notre convivialité avec lui dans le Christ. C’est précisément une marque spécifique de ce temps de l’histoire que le mysterium soit manifesté par la diversité des sacramenta. Ainsi que l’écrivait A. Mandouze : « N’aurait point de sens un

sacramentum conçu en soi extérieurement aux relation de l’homme et de Dieu »32. La signification est

intérieure à la relation Dieu-homme : le sacramentum est intérieur à la relation que Dieu a voulu

établir avec le monde visible et invisible, auquel il s’est lié par son dessein de création, de salut et de gloire (cf. Ep 1). L’originalité de la découverte augustinienne en ce domaine est simplement, croyons- nous, d’avoir compris qu’en matière de sacramentalité, le signe ne fait pas vraiment nombre avec ce qu’il

signifie : déjà, au plan du langage et de l’expérience courante, les “mots” ne s’ajoutent pas aux choses,

ils les signifient. Ce qui est vrai de l’expérience courante du langage l’est encore bien davantage de cette relation dans laquelle le terme signifié échappe au regard parce qu’il l’enveloppe et au langage parce que les mots ne montrent pas d’objet sensible : la sacramentalité, telle qu’Augustin l’a définie en termes de signes, répond à ce défi qui conditionne le mode propre de l’existence chrétienne.

Il est également éclairant de mettre en relation cette question de la relation des signes à la réalité de la convivialité entre l’homme et Dieu qu’ils signifient avec la question de la relation entre les signes et le problème du temps : en effet, si l’on en croit Fritz Hofmann33, c’est dans le contexte des

controverses antimanichéennes, et plus spécialement dans le Contra Faustum, qu’Augustin dut mettre au point son argumentation sur les sacrements comme signes, et ce, en relation avec l’économie du salut, c’est-à-dire la temporalité du salut de Dieu. Or, le manichéisme, à l’instar des gnoses qu’avaient combattues Justin et Irénée, se positionne comme un refus radical de la temporalité : la rupture entre l’Ancien et le Nouveau Testaments n’est pas simplement une question de canonicité ou d’antijudaïsme (problèmes qui, par ailleurs, ne doivent pas être sous-estimés34), mais un refus

métaphysique de la temporalité humaine ; et c’est probablement pour cette raison qu’un des points névralgiques de la polémique avec les Manichéens était la question de savoir s’il fallait accepter la Loi de Moïse, comprenons : si la nouveauté du salut de Dieu nécessitait une antériorité, celle des étapes préparatoires de l’Ancienne Alliance.

La position manichéenne qui affirmait un salut en refusant tout antécédent historique, voulait affirmer que le salut de Dieu était pour le croyant comme un arrachement à la condition temporelle : il n’y avait pas d’avant, et le maintenant du salut mettait les sauvés “hors-temps” ; on en venait ainsi à

31 G. KRETSCHMAR, article « Abendmahl », III /1, T.R.E. I (1980), p. 83 (texte original cité plus haut dans la note

25).

32 Nous avons cité ce texte plus largement ci-dessus, note 26.

33 Fritz HOFMANN, Der Kirchenbegriff des Hl. Augustinus in seinen Grudlagen und seiner Entwicklung, Antiquariat Th.

Stenderhoff, Münster i. W. 1978¨, surtout pp. 214 ssq et 348.

34 À titre purement informatif, nous nous permettons de renvoyer sur ces questions d’antijudaïsme de la gnose et du

marcionisme, ainsi que de sa signification anthropologique et culturelle pour la pensée contemporaine à l’excellent petit essai de Alain BESANÇON, La confusion des langues, Paris, Calmann-Levy, 1978, plus spécialement l’appendice consacré au problème du Marcionisme.

nier que la grâce pût avoir un lien avec la nature, c’est-à-dire avec la création (d’où la caractérisation quasiment constante du Créateur-démiurge comme un Dieu mauvais) ; c’était donc refuser de façon systématique cette affirmation centrale de la foi chrétienne que le salut, dans sa source concrète (le Verbe incarné) et dans son accomplissement (le salut des croyants), soit historique. On comprend pourquoi toute l’argumentation des Pères de l’Église du IIe siècle tourne autour de la notion d’oikonomia, sur l’affirmation de la temporalité et de l’historicité du salut. Mais là encore, Augustin reprend le problème à nouveaux frais et donne un principe de solution original qu’il a surtout développé dans le livre XIX du Contra Faustum : les manichéens refusent toutes les observances rituelles vétérotestamentaires parce qu’ils ne comprennent pas que la même et unique réalité (l’économie du salut) a été signifiée selon deux ordres de signes :

« Les premiers sacrements qui étaient observés et célébrés selon la Loi, étaient annonciateurs du Christ à venir, et quand le Christ les eût accomplis par sa venue, ils ont été abrogés [...] Mais d’autres furent institués, plus grands par leur pouvoir d’agir (virtute), meilleurs par leur utilité, plus faciles à accomplir, moins nombreux en quantité. »35

Cette perception est si forte que la sacramentalité et la temporalité vont pour ainsi dire se conditionner l’une l’autre :

« Le chrétien ne se fait point circoncire parce que le Christ a accompli ce qui avait été annoncé d’avance par la circoncision. Car le retranchement de la génération charnelle qui était figuré dans cet acte, se trouve accompli dans la génération du Christ. C’est ce qui nous est figuré par le sacrement du baptême comme devant s’accomplir à notre résurrection. Car tout sacrement de la vie nouvelle ne devait point complètement disparaître, attendu qu’il nous reste encore la future résurrection des morts qui doit s’accomplir en nous. Le sacrement de la circoncision devait être changé en un sacrement meilleur, le baptême lui ayant succédé, puisque ce qui n’avait pas encore été accompli s’est trouvé de fait accompli, puisque nous avons reçu un exemple de la vie éternelle à venir dans la résurrection du Christ. »36

Ces deux textes - et, pratiquement, tout le livre XIX est une variation sur ce thème - nous montrent comment signification et temporalité sont inséparables : notre relation aux réalités divines est conditionnée par des signes parce que nous sommes dans le temps et, réciproquement, cette condition temporelle de notre existence croyante ne nous permet pas de nous passer de signes sacramentels pour aborder la réalité de notre salut. Révélateur également, le parallélisme entre les deux ordres de signes sacramentels qui tous deux, sont déterminés par rapport au futur, soit la venue du Verbe comme futur des sacrements de l’ancienne Alliance37, soit la résurrection de tous les hommes

dans le Christ comme futur par rapport au sacrement du baptême, ou, plus largement encore, la situation du culte actuel par rapport au culte eschatologique38. Tout se passe comme si Augustin

percevait obscurément un lien essentiel entre le fait qu’il y a des sacrements/signes et l’avenir vers

35 Contra Faustum, XIX, 13 (C.S.E.L. 25, 510). 36 Contra Faustum, XIX, 9 (C.S.E.L. 25, 507).

37 Enarrationes in Psalm. LXXIII, 2 (P.L. 36, 931) : « Alia sunt sacramenta dantia salutem, alia promittentia

Salvatorem, sacramenta Novi Testamenti dant salutem, sacramenta Veteris Testamenti promiserunt Salvatorem ».

38 Faisant une exégèse typologique du baptême à partir du récit du déluge et de l’épisode de la colombe qui, envoyée

une seconde fois hors de l’arche, ne revient plus, Augustin voit dans ce “non-retour” un moyen de suggérer la situation du culte actuel par rapport au culte céleste : « quod post alios septem dies dimissa (scil.columba) reversa non est, significat finem sæculi, quando erit sanctorum requies, non adhuc in sacramento spei, quo in hoc tempore

consociatur ecclesia, quamdiu bibitur quod de Christi latere manavit, sed jam in ipsa perfectione salutis æternæ, cum

tradetur regnum deo et patri, ut in illa perspicua contemplatione immutabilis veritatis nullis corporalibus mysteriis

egeamus. » On remarquera, au passage, un point important sur lequel nous reviendrons bientôt, le fait que l’Église est

constituée en société (consociatur) par le fait qu’elle célèbre le sacramentum spei. (Contra Faustum, XII, 20 = C.S.E.L. 25, 349 ou P.L. 42, 265).

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