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Une recomposition des services de l’Etat

En 1964, le ministère de l’agriculture possède une direction générale des eaux et forêts dans laquelle il existe un service des recherches piscicoles, doté d’une station centrale d’hydrobiologie. Ce service va être intégré en 1965 au CERAFER pour constituer une division qualité des eaux. Cette division va être le théâtre de naissance de l’indice biotique que j’ai pris pour premier exemple d’analyse de construction d’indicateur biologique.

Le contexte administratif autour de cette station va beaucoup évoluer de 1964 à 1985, alternant entre un statut recherche et un statut opérationnel. En 1965, une réforme du ministère de l’agriculture fusionne les corps des ingénieurs du génie rural et celui des conservateurs des eaux et forêts. Les directions centrales des eaux et forêts et du génie rural

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fusionnent également en une direction de l’aménagement et des eaux (DAE). Comme on l’a vu précédemment, des services régionaux de l’aménagement et des eaux sont créés (SRAE) qui ont besoin d’équipement technique pour faire des prélèvements d’eau et dont le personnel va être recruté et formé peu à peu. Les services de recherche et d’études des deux directions centrales fusionnées sont regroupés (CERAFER). Mais les équipes de génie rural et d’hydrobiologie restent séparées par des cultures opposées. C’est au pôle hydrobiologie que le service hydraulique de la DAE va s’adresser pour équiper les SRAE et leur proposer des formations. C’est au pôle génie rural que la DAE s’adressera au contraire pour améliorer les techniques de drainage et d’aménagement agricole contre les crues.

La progressive mise en place des SRAE et le travail nécessaire pour réaliser l’inventaire national de la pollution justifie que la division «qualité des eaux» soit renforcée en personnel et en moyens. La DAE souhaite en effet que les SRAE soient équipés en laboratoires mobiles, à l’image des équipements que possède le CSP.

« Et puis cette direction de l’aménagement avec les SRAE, elle a voulu avoir les mêmes que les agents du CSP et même les plus modernes. Au niveau du CSP on a renouvelé le parc progressivement, mais pour les SRAE, ils avaient des moyens pour s’équiper, pour recruter, et nous, on les formait et on les contrôlait. C’est un peu ça qui nous a sauvé. » Cd25

Type de texte

Date Changement institutionnel ou géographique

Décret 4 juin 1965 Création du corps des ingénieurs du génie rural, des eaux et des forêts (IGREF)

Arrêté 26 octobre 1965 Création des Services régionaux de l’aménagement des eaux (SRAE) du ministère de

l’agriculture

Arrêté 14 juin 1966 Le service des recherches piscicoles et le Centre de Recherche sur le Génie Rural

(CRGR) sont regroupés dans le CERAFER (centre d’étude et de recherche sur l’aménagement forestier et les espaces ruraux) ayant droit à des subventions recherche de la Direction générale de la Recherche scientifique et technique (DGRST)

Arrêté

ministériel 12 mai 1972 le CERAFER devient le Centre Technique du Génie Rural des Eaux et Forêts (CTGREF) organisme ne pouvant plus être financé par la DGRST

Décret en Conseil d'Etat

21 janvier 1981 le CTGREF et le CNEEMA (Centre national d’études et d’expérimentation de

machinisme agricole) sont regroupés au sein du CEMAGREF (Centre d’étude pour le machinisme agricole, le génie rural, les eaux et les forêts).

1981 La division « qualité des eaux » déménage à Lyon, une partie des effectifs reste à

Paris puis migre à Antony Décret en

Conseil d'Etat

27 décembre 1985 le Cemagref devient un établissement public à caractère scientifique et technique

(EPST) sous la double tutelle du ministère de la recherche et de l’agriculture.

Tableau 17 : Evolution du cadre institutionnel autour de l’équipe constituant initialement la « division qualité des eaux du CERAFER ».

Pour éviter de changer de terme pour nommer l’équipe dans laquelle l’indice biotique va être créé puis amélioré, je parlerai de la division « qualité des eaux». Il me permet d’identifier ce

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collectif dont les effectifs augmentent mais qui reste marqué par l’organisation initiale jusque dans les années 80.

Le pôle hydrobiologie du CERAFER est héritier de la station centrale d’hydrobiologie. Créée par la loi du 26 juillet 1943, la station est un service extérieur de la direction des eaux et forêts, chargée de développement d’applications dans le domaine de l’hydrobiologie, la pêche et l’aquaculture. Elle coordonne le travail de plusieurs stations créées avant guerre, sous l’impulsion de l’inspecteur des eaux et forêts Kreitmann, spécialisées par milieux : la station d’hydrobiologie de Paris (qui étudie plutôt les grands fleuves comme la Seine, mais a aussi une activité centralisatrice, elle possède un laboratoire de chimie et reçoit tous les échantillons prélevés constituant des preuves de pollution devant les tribunaux), la station de Thonon les bains (dédiée aux lacs), la station du Paraclet (dédiée aux étangs), la station de Parilly (près de Lyon) et la station de Biarritz (dédiée à la biologie des rivières). Par décret du 7 février 1964, Edgar Pisani, ministre de l’agriculture, regroupe toute la recherche agronomique dans l’Institut National de Recherche Agronomique INRA. L’un des ingénieurs de la division « qualité des eaux » chargé de trouver une riposte aux catégories de pollution explique :

« Moi j’ai été confronté à l’obligation de sortir quelque chose au moment même où au 1er janvier 1964, toute la recherche partait à l’INRA. Et l’INRA a dit : ‘la pollution je m’en fous, je n’en veux pas, ça ce sont vos écuries de courses, ça ne nous intéresse pas.’ Tout ce qui concernait les prélèvements de trois échantillons avec envoi au GREF pour analyse, ça ne les intéressait pas. Ils ont pris une partie de la station de Paris, la totalité du Paraclet, de Thonon et de Biarritz. Je me suis retrouvé en culotte courte au moment crucial. Heureusement le CSP n’était pas concerné par la réforme. Je ne me retrouvais qu’avec un labo de physico-chimie. » Cd25

Comme on l’a évoqué ce dénuement va vite évoluer de manière plus positive avec la mise en place des SRAE. Cela y justifiera l’affectation de jeunes IGREF et le recrutement d’universitaires. La recherche en écologie à cette époque est répartie dans plusieurs universités, Toulouse, Montpellier, Besançon, Clermont-Ferrand, Grenoble. Elle est marquée par une dominante botanique, le volet zoologique étant plus marginal. « Alors qu'en Angleterre et aux Etats-Unis, l'écologie végétale a été le moteur d'un vaste mouvement créatif (…), tout s'est passé en France comme si le rôle prédominant de la phytosociologie, entre les deux guerres, avait bloqué toute initiative de la part des autres biologistes, et notamment des zoologistes (...) » (Lefeuvre 1995). Les passionnés de systématique animale ne trouvent pas facilement de bourses de thèse. Deux d’entre eux, pêcheurs amateurs, vont trouver ainsi une opportunité d’emploi contractuel à la division « qualité des eaux », sur des crédits du CSP ou des crédits d’études, ce que permettait une circulaire dite « David » de la toute nouvelle direction résultant de la fusion du génie rural, des eaux et forêts et des services agricoles.

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« J’ai embauché (…) avec l’aide du CSP, il était payé par le CSP et je lui ai dit, votre boulot unique et total, c’est de trouver un truc qu’on puisse présenter et labelliser. A l’époque il y avait la méthode des saprobies, mais ce n’était pas quantifié et c’était surtout la pollution organique (…).Grâce à la circulaire, j’ai pu embaucher quelques personnes (…). Au fur et à mesure on s’est organisé pour conserver un pôle chimie avenue de St Mandé et on a construit un pôle « biologie » à Besançon » Cd25

La cohésion de l’équipe vient probablement de la complémentarité des compétences mais également du fait qu’un même ingénieur anime la division « qualité des eaux »et a embauché tout le personnel. Il y a donc eu un contrat moral au départ sur l’ambition du service.

« (…) qui avait ces deux oiseaux, qui était un homme de terrain, un visionnaire forestier sensibilisé au biologique, se battait avec les gens de l’hydraulique agricole. Il avait de grandes divergences de vue avec la le BETSH (le bureau d’étude technique des services de l’hydraulique). Il existait des bureaux d’études techniques pour le machinisme et pour l’habitat. (…) Il y a eu des empoignades entre le BETSH - fervent défenseur du remembrement, qui promouvait le développement rural, la production - et la vision forestière qui consistait à dire que la meilleure façon d’aménager la nature c’était de la ménager. C’était une vision écolo avant l’heure. (…) s’est donc dit, on va mettre du bio dans l’INP. Il ne s’appelait pas ‘conservateur’ pour rien. (…) Il était sensibilisé aux problèmes de l’eau en région difficile et il a cherché à théoriser cette vision. Il faisait le représentant de commerce alors que la caisse à outils n’était pas complètement prête pour être mise en œuvre. Le premier papier sur l’indice biotique date de 1967-68. (…) et (…) testaient la méthode en même temps qu’ils écrivaient le papier. (...) Les gens qu’il fallait, on les a trouvés parmi les gardes-pêche. On a fait appel à des volontaires. On leur demandait d’avoir le niveau du brevet.» Mc29

L’université de Besançon est celle qui a diplômé l’un des deux universitaires qui rejoignent l’équipe et elle met à disposition de cet enfant du pays des locaux sans exiger de convention. La nouvelle équipe essaie de faire sa place dans les circuits internationaux de recherche sur le sujet, allant chercher des références en Angleterre (Woodiwiss 1964), se saisissant des opportunités de siéger dans les instances internationales comme la Commission européenne consultative pour la pêche dans les eaux intérieures de la FAO (CECPI) et des groupes de travail de la CEE. Il est intéressant d’aborder maintenant quelles sont ses ressources en matière d’argumentaire (signification) et en termes financiers et humains (moyens).

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