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La réaction de la direction des études de l’Agence de l’Eau Seine-Normandie

L’obligation de résultats : la grande nouveauté

1.3. La réaction de la direction des études de l’Agence de l’Eau Seine-Normandie

Les réactions françaises évoquées plus haut ont été émises par des acteurs travaillant dans des organisations diverses, centres de recherche, administration centrale, agences. Ayant souhaité approfondir ces questions par une thèse appliquée, j’ai successivement pris contact avec ces organisations pour donner à cette recherche un ancrage opérationnel et avoir un partenaire qui puisse définir un besoin de connaissance et réagir à des propositions. J’ai notamment recontacté plusieurs personnes que j’avais rencontrées dans le groupe d’experts européens sur le volet économique (WATECO). Ma demande a coïncidé avec une réflexion menée sur la directive cadre par la direction des études de l’Agence de l’Eau Seine-Normandie. Un

21 « En n'adoptant pas de programmes de réduction de la pollution comprenant des objectifs de qualité pour les

99 substances dangereuses énumérées en annexe de la requête qui soient conformes aux prescriptions de l'article 7 de la directive 76/464/CEE du Conseil, du 4 mai 1976, concernant la pollution causée par certaines substances dangereuses déversées dans le milieu aquatique de la Communauté, la République française a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de cette directive » Arrêt de la Cour (sixième chambre) du 12 juin 2003.

CemOA

: archive

ouverte

d'Irstea

partenariat a donc été engagé en veillant à ce que le travail de recherche puisse déboucher sur des recommandations très opérationnelles pour l’Agence. La plupart de ces recommandations ont été faites en marge de la thèse, dans des groupes de travail sur l’évaluation (Bouleau et Lunet de Lajonquière 2007), j’en reprendrai quelques unes en conclusion du chapitre 4.

Pour la direction des études de l’AESN, la combinaison des exigences sur les objectifs de qualité et l’obligation de résultat nécessitait une réflexion approfondie sur les variables pertinentes à prendre en compte pour le suivi, la modélisation et l’évaluation. C’est donc autour de la notion d’indicateur que le partenariat a été défini.

Un constat commun a été établi : « la question aujourd’hui est donc : comment articuler suivi et évaluation en construisant des outils adaptés au contexte de l'agence (son histoire, ses compétences) et répondant à une meilleure prise en compte du milieu ? Comment proposer des indicateurs simples à partir des données éparpillées sur le milieu (sélection, simplification) tout en étant explicite sur les biais introduits ? (…) Il va donc être nécessaire de construire des outils permettant de décrire différents états possibles et leurs conséquences sur les coûts, sur les usages et sur l'écosystème afin de dialoguer sur l'objectif souhaitable puis de suivre l'effet des actions programmées pour atteindre cet objectif. Ces outils seront à la frontière entre les sciences sociales et les sciences de l'eau. Ils doivent être construits en tenant compte de ce qui existe aujourd’hui à l’agence, ce qui existe dans d’autres agences y compris à l’étranger et le fruit de recherches pluridisciplinaires sur ce sujet. Les questions soulevées par l'exigence de résultat en matière de bon état écologique des cours d'eau sont donc : Comment accroître les exigences de représentation du milieu naturel ? Comment associer dans la réflexion des indicateurs d'action (donc technico-économiques) et des indicateurs de

résultats (donc sociaux et environnementaux) ? »22

A partir de ce constat, la direction des études de l’Agence a souhaité que mon travail puisse l’aider à construire « de nouveaux indicateurs répondant aux exigences de la directive

cadre »23. Mais mes interlocuteurs et moi-même savions bien que ce changement d’indicateurs

n’était pas facile. La thèse de Jean-Baptiste Narcy, nourrie par des expertises menées sur l’agence Seine-Normandie et bien connue de la direction des études de l’agence, avait montré que la gestion financière de l’agence privilégiait les infrastructures de dépollution au

22 Extrait de la convention de subvention relative à ce travail de thèse par l’AESN signée en 2004. 23 Ibid. CemOA : archive ouverte d'Irstea / Cemagref

détriment des actions de restauration des milieux (Narcy 2000). Diverses évaluations de la politique des agences avaient pointé l’incertitude sur la performance de l’épuration (Commissariat Général au Plan 1997; Boué 2000; Tavernier 2001). En interne à l’agence, plusieurs tentatives de construction de systèmes d’information permettant de lier la gestion comptable à la performance environnementale avaient été menées et avaient échoué. Un de mes interlocuteurs m’a dit : « il ne s’agit pas de construire une énième usine à gaz qui ne sera jamais utilisée ». Nous savions aussi que des indicateurs astucieux utilisant des données existantes avaient été rapidement élaborés « sur le coin d’une table » par le passé (on m’a cité entre autre le paramètre métox de la redevance), mais que leur succès tenait à un faible enjeu et un consensus entre les parties prenantes (ne pas investir davantage pour mesurer la pollution concernée, ne pas la facturer de manière très élevée). Le bon état écologique des masses d’eau semblait un enjeu beaucoup plus fort et beaucoup moins consensuel.

Ainsi, l’adoption de la directive cadre européenne sur l’eau m’a donné une opportunité pour discuter la construction et l’utilisation des indicateurs biologique avec des gestionnaires. Cette opportunité m’a permis d’avoir une raison d’être dans une agence, d’assister à des réunions, d’avoir accès à des rapports, de pouvoir faire des propositions et de voir les réactions, d’adresser des questionnaires à une grande proportion des employés de l’agence, etc. Mais cette opportunité a fait naître une certaine tension : pour ces gestionnaires, l’épreuve de la directive était abordée en termes d’outils alors que j’avais l’intuition que cette épreuve était non seulement une question d’outil, mais également une question de mode de gestion et une question politique. Or questionner la politique française de l’eau et ses modes de gestion est un grand détour pour qui cherche à définir un nouvel outil.

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