• Aucun résultat trouvé

Ingénierie des villes, ingénierie des champs

Total 1 361 Mesures, études, suivi

Gestion concertée 12

Divers 28

Total 436

Tableau 3 : Dépenses réalisées par les agences de l’eau en 2003. Le budget annuel moyen est de 1,8 milliards d’euros financé par des redevances et des remboursements d’avances. 82% du budget est reversé à des industries ou services pour l’épuration ou la lutte contre la pollution. L’assainissement des collectivités représente 50% du budget. (Projet de loi de finances pour 2005).

Ainsi au cycle physique de l’eau, correspond en France un secteur administratif et professionnel de l’eau financé par des recettes dédiées et dominé par une culture d’ingénieurs et de grands travaux. Ce secteur a été souvent critiqué pour son caractère néo-corporatiste (Barraqué 1995; A. Lipietz in Conseil d'analyse économique et al. 1998; Narcy 2000), pour sa

33 Ces données sont à comparer par exemple avec le chiffre d’affaire d’EDF : 23 milliards d’Euros ou celui de

l’agro-alimentaire : 100 milliards d’Euros.

34 « Les départements engagent en moyenne un budget annuel de 10 milliards de francs [1,5 milliards d’euros]

pour les politiques environnementales. 5 milliards de francs [soit 0,76 milliards d’euros] sont consacrés aux politiques de l'eau et 80% de ces fonds concernent les politiques d'investissement, notamment pour la gestion des eaux usées. » François-Poncet, J. et J. Oudin (2000). La réforme de la Loi sur l'Eau : enjeux environnentaux et

financiers. Les rapports du Sénat, Paris: Sénat, 14 décembre. 86p..

CemOA

: archive

ouverte

d'Irstea

capacité à clôturer les débats sur l’eau en imposant le calendrier de discussion, les données et les modèles (Henry 1986; Mermet 2005) et pour son incapacité à prendre en compte les enjeux environnementaux (Barouch 1989; Narcy 2000; Pahl-Wostl 2002).

La filière eau s’est constituée à une époque où les techniques de l’eau étaient l’apanage d’ingénieurs d’Etat. Ces ingénieurs constituaient une élite qui se distinguait notamment par son art de la conception et sa maîtrise de l’abstraction. La gestion n’a jamais été considérée par ces ingénieurs comme une tâche noble. Elle a été laissée à l’initiative privée ou communale. Cette différenciation des rôles entraîne une mauvaise prise en compte des coûts de gestion dans la conception et limite les transferts d’apprentissage de la gestion vers la conception. Tout ce qui se révèle à l’usage, qu’il s’agisse d’effets à long terme, de difficultés d’entretien, de problèmes de sécurité, de conflits d’usage est donc assez mal géré par la filière eau.

Ces difficultés qui surgissent avec la multiplication des ouvrages hydrauliques ne freinent pourtant pas le développement de la filière qui s’appuie sur des circuits de financement relativement autonomes. Les limitations viendraient plutôt du droit de l’environnement. Mais l’effectivité de ce droit dépend de l’indépendance des agents chargés de la police de l’eau et de leur pouvoir par rapport à la filière eau.

CemOA

: archive

ouverte

d'Irstea

Ménages 3 500 Industriels 1 950 Fonctionnement 5 660 (dont régies 2 100 et délégations 3 400) Irrigation 150 Délégataires 120 Etablissements Publics de Coopération Intercommunale (EPCI) 1 093

Financés par les ménages et les industriels raccordés. Approvisionnement collectif en eau 7 280 Millions € Investissements 1 614

Subventions 401 Dont agences

Asst collectif 5 839 Financé par les abonnés raccordés

Ménages autonomes 168 Fonctionnement 7 077

Industriels autonomes

1 070

Dont départements et régions 582 FNDAE 49 Agences35 558 Collectif 3 001 EPCI 1 810 Industriels autonomes 406 Assainissement 11 200 Millions € Investissement 4 105 Ménages autonomes 698

Tableau 4 : En 2002, les dépenses nationales liées aux services d’approvisionnement en eau et d’assainissement se sont élevées à 18 milliards d’euros. (Commission des Comptes de l'eau et de l'environnement 2004)

L’image de forteresse qui se dégage de ce portrait de la filière eau doit être tempérée par son rapport à ce que Jean-Baptiste Narcy appelle la filière espace, c'est-à-dire les activités qui modifient l’occupation du sol, l’agriculture et l’urbanisme. La filière eau bénéficie de l’essor de ces deux filières qui créent des besoins d’eau, mais elle leur est soumise dans une situation de sous-traitance. En outre, elle en subit les coûts à travers les phénomènes de pollution, d’artificialisation des zones de captage ou de recharge des nappes (Narcy 2000). Les professionnels répercutent ces coûts sur leurs abonnés. Mais cela dégrade les relations entre les abonnés et la filière.

On voit alors se multiplier des informations produites par la filière eau à destination du grand public qui pointent les demandes contradictoires des ménages entre une eau peu chère et un habitat dispersé, entre une eau peu traitée et une alimentation consommatrice de produits polluants, entre le développement des énergies renouvelables, le non développement des

35 La différence observée entre ce chiffre (558 M€) et celui du financement des subventions aux investissements

de dépollution des collectivités au tableau précédent (914 M€) peut tenir à la non prise en compte des avances accordées par les agences (225 M€) par la commission des comptes et d’une différence d’année de référence.

CemOA

: archive

ouverte

d'Irstea

barrages et l’augmentation des pointes de consommation, etc. Selon la filière eau, les problèmes d’environnement sont dus à un manque de citoyenneté des consommateurs. On retrouve-là une position très répandue chez les élites qui consiste à concevoir les problèmes d’environnement comme des problèmes de population (Darier 1999). Cette position est également celle des hauts dirigeants d’entreprises (Gendron 2002). C’est une position néo- libérale telle que l’a décrite Michel Foucault (1978-79) sous le terme de gouvernementalité : une théorie de gouvernement qui a pour cible principale la population et qui cherche à optimiser le bien-être collectif par la conscience individuelle que chacun a de sa situation par rapport à la normalité et de sa compétence pour accroître sa performance. Cette position est cohérente avec ce que l’on trouve dans la littérature au sujet de la culture de l’ingénieur et du cadre, qu’il s’agisse de son attrait pour la « pensée de la performance » ou bien de son faible intérêt pour les questions de légitimité du porte-parole du peuple. Le cadre s’adresse à des agents économiques.

3. Les spécialistes des milieux aquatiques

Dans la mesure où la directive cadre sur l’eau demande que la qualité de l’eau soit évaluée selon des critères écologiques, cette exigence requiert une connaissance non pas seulement hydraulique mais aussi biologique. Or, les ingénieurs que j’ai évoqués jusqu’à présent et leurs services ne sont pas spécialistes des milieux aquatiques puisqu’au contraire, ils abordent l’eau de manière essentiellement industrielle et agricole (Narcy 2000). Il faut chercher ailleurs les compétences spécifiques relatives à la vie dans les cours d’eau.

Ce qui m’intéresse, c’est de savoir comment des conceptions écologiques des rivières ont réussi à se faire entendre, quelles ont été leurs difficultés, leurs opportunités, leur force. Constatant que la filière eau relègue cette conception à une conscience individuelle des consommateurs et ne trouvant pas chez les associations de consommateurs de discours construit spécifiquement sur les milieux aquatiques, j’ai cherché à identifier ailleurs des conceptions collectives des milieux aquatiques qui ont pu influencer l’action publique dans ce domaine. Mon travail m’a amenée à étudier deux secteurs qui s’intéressent à la vie dans les cours d’eau et qui ont historiquement pris part dans la négociation de lois et de procédures de gestion des milieux aquatiques. Il s’agit des pêcheurs et des biologistes. Il est possible que d’autres secteurs ou bien des acteurs individuels aient également joué un rôle dans l’histoire de la gestion des milieux aquatiques, comme je l’évoquerai dans la partie suivante (chapitre 2 § 3.1), je n’ai pas cherché à traiter de manière exhaustive ce sujet.

CemOA

: archive

ouverte

d'Irstea

J’aborderai pour chacun de ces deux secteurs ce que la littérature permet de dire sur leurs représentations du milieu aquatique et sur les règles juridiques concernant leurs missions et leurs accès au milieu. Il s’agit surtout de faire le point sur ce qui a été étudié pour mettre en lumière les questions qui demeurent et qui ont motivé mon enquête.

3.1. Le monde de la pêche amateur en eau douce

Le monde des pêcheurs amateurs est très divers à la fois du fait des professions et catégories sociales concernées et du fait de la diversité des modes de pêche qui ne se pratiquent pas au même endroit, ni avec le même matériel, ni pour pêcher les mêmes espèces et qui donnent lieu à des valorisations alimentaires ou purement sportives. Malgré cette diversité, ou peut- être à cause d’elle, les pêcheurs ont inspiré des représentations sociales suffisamment fortes pour donner lieu à des politiques publiques spécifiques.

Je vais d’abord donner des éléments permettant d’apprécier la diversité sociale des pêcheurs puis je retracerai les images successives qui ont été associées à la pêche en eau douce et qui ont donné lieu à une organisation publique de ce loisir.

Outline

Documents relatifs