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Le modèle subsidiaire des associations de la Ruhr

La Ruhr est une région industrielle allemande, dans laquelle coulent deux rivières affluentes du Rhin en rive droite, la Ruhr est en amont et est relativement propre, l’Emscher est un peu plus en aval et est utilisée comme exutoire par de nombreuses industries, notamment minières. « En 1904, après vingt années d’âpres discussions et de négociations avortées, les industriels et les maires des villes du bassin de l’Emscher se mirent d’accord pour constituer la première Genossenschaft : un syndicat coopératif réunissant tous les riverains, aucun ne pouvant ultérieurement se soustraire à sa contribution, assuma dorénavant la maîtrise d’ouvrage des travaux de remise en état de la rivière, transformée en cloaque par l’affaissement des sols et par l’urbanisation, subséquents à l’exploitation minière. La coopération permit d’en faire un égout à ciel ouvert efficace, aboutissant à une seule station d’épuration à son confluent avec le Rhin. L’exemple fut suivi peu après par les industries et les villes situées dans le bassin de la rivière Ruhr, qui créèrent deux associations similaires, l’une pour lutter contre la pollution (Ruhrverband), et l’autre pour stocker de l’eau propre en amont (Ruhrtalsperrenverein). Cette rivière fut spécialisée pour les usages nobles, alors qu’une troisième association fit de la Lippe la source privilégiée d’eau industrielle et agricole » (Barraqué 1995).

Pour résumer les caractéristiques de ce modèle, on peut relever trois points. (1) La transformation de la rivière en égout rend l’association responsable de tous les rejets des différents membres, l’interlocuteur unique vis-à-vis de la police de l’eau du Land au point de rejet commun dans le Rhin. Elle peut donc renégocier en son sein les autorisations de rejets individuelles pour tenir compte des effets amont-aval et du calendrier des projets qu’elle finance. (2) L’association dispose de moyens financiers autonomes. Les membres fixent les règles de participation financière et politique. (3) Une fois constituée, l’association s’impose à tous les membres et aucun ne peut s’en retirer.

Ce modèle est proche d’une association syndicale autorisée (loi de 1865) qui aurait en outre le droit de police de l’eau et des installations classées au sein de son périmètre. C’est un modèle

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qui a déjà été remarqué en France et qui a donné lieu à des instructions ministérielles du 6 juin 1953 permettant de substituer à la législation des installations classées s’appliquant à chaque installation, une réglementation coordonnée sur un bassin. Celle-ci est menée à l’initiative du préfet et soumise à l’accord de l’inspecteur des installations classées. Une association est créée qui permet la réalisation d’investissements en commun. Une commission de bassin d’industriels et de fonctionnaires est mise en place. En France une seule association de ce type est établie, celle de la Sambre (Cesari 1993). On perçoit que cette démarche n’a pas la force du modèle de la Ruhr : pas d’autonomie réelle vis-à-vis de la police des installations classées, pas d’obligation de rester dans l’association, pas d’implication des élus.

La référence à ce modèle est non seulement explicite dans les comptes rendus de la commission analysés par Stéphane Cesari mais cet exemple a été vu par un grand nombre de participants à la commission :

« J’avais emmené en Allemagne soixante personnes, les membres de la commission eau et j’avais invité Jérôme Monod qui représentait Olivier Guichard66. C’était financé par la DATAR et c’était

pour montrer que ça existait des comités de bassin. La Ruhrverband regroupait des communes qui s’alimentaient sur une rivière propre : la Ruhr. La Emschergenossenschaft percevait des redevances et assurait la maîtrise d’ouvrage de la dépollution communale et industrielle de l’Emscher où il y avait beaucoup d’industries et de mines. On a passé trois jours là bas, ça a été une période très forte. Il y avait un inspecteur Général de l’Agriculture, un ingénieur du Génie rural qui était le plus opposant (…). Il m’a dit « maintenant je comprends ce que vous voulez faire » » Ad17

Cependant les membres de la sous-commission sont conscients des difficultés liées à la naissance de ces établissements. Comment motiver les industriels pour qu’ils y adhèrent ? Le modèle ne semble pas incitatif. Bernard Barraqué répond à cette remarque en analysant le contexte d’émergence de ces associations qui ont été établies par les sociétés industrielles de la Ruhr en opposition à l’aristocratie prussienne et que cette opposition se manifeste par une collaboration locale non seulement dans le domaine de l’eau mais également dans les transports et le logement social (Barraqué 1995). Il ne s’agit pas d’un modèle dans lequel les autorités de contrôle cèdent un peu de pouvoir pour faire naître une solidarité locale, mais un modèle dans lequel les industriels font front contre le pouvoir de contrôle central et prennent le pouvoir de s’auto-organiser.

La sous-commission chargée de la pollution propose que soient instaurés des établissements publics administratifs sur ce modèle, dans les régions où l’ampleur des problèmes le nécessiterait. Cette proposition est incluse dans le projet de loi soumis au Parlement et au

66 O. Guichard était le Délégué à l’aménagement du territoire et à l’action régionale

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Sénat.

«Art. 16. - Peuvent être créés par décret en Conseil d’Etat après consultation des personnes publiques et privées intéressées des établissements publics administratifs, placés sous la tutelle de l’Etat, ayant pour objet, dans un bassin ou fraction de bassin de cours d’eau ou section de cours d’eau ou dans une zone déterminée pour la lutte contre la pollution des eaux, l’approvisionnement en eau, la défense contre les inondations, l’entretien et l’amélioration des cours d’eau, des lacs et des étangs non domaniaux et des canaux, fossés d’irrigation et d’assainissement.

Si les conseils municipaux des deux tiers au moins des communes intéressées, représentant plus de la moitié au moins de la population émettent un avis défavorable, l’établissement ne peut être créé qu’après consultation des conseils généraux intéressés.

Les conditions dans lesquelles les personnes privées appelées à participer à la création et à la gestion des établissements susvisés, ainsi que la procédure de création et les conditions de fonctionnement de ces établissements sont fixés par décret en Conseil d’Etat.

Art. 17. – L’organisme directeur de l’établissement public doit comporter des représentants de toutes les catégories de personnes politiques et privées intéressées à l’accomplissement de son objet. Il comprendra notamment une représentation des intérêts agricoles, correspondant à leur importance, dans la mesure où ceux-ci seront concernés par les objectifs statutaires et les attributions dudit établissement. Il doit être composé, à concurrence de plus de la moitié de ses membres, de représentants de l’Etat, des collectivités locales et des établissements publics administratifs intéressés.

Pour faire face à ses charges, l’établissement peut percevoir des redevances qui lui sont versées par les personnes publiques ou privées, compte tenu de la mesure dans laquelle celles-ci ont rendu l’aménagement nécessaire ou utile ou y trouvent leur intérêt.

Des décrets, précédés d’une enquête publique dont les modalités seront fixées par un décret en Conseil d’Etat, déterminent les bases générales de répartition et l’assiette de ces redevances ainsi que les conditions de leur taux.

Si l’établissement exerce son activité sur le territoire de communes appartenant à un même département, les dispositions édictées par les décrets prévus à l’alinéa précédent sont fixées par arrêté du préfet.

Dans tous les cas, le taux des redevances est fixé par le préfet.»

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