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Dès 1831, Bonpland tente d’établir des contacts avec l’Etat du Rio Grande do Sul448. Mais la recherche d’une protection locale de ce côté du fleuve s’avère plus difficile. Bien qu’il s’installe dès 1831 à São João Mini puis en 1833 à São Borja et qu’il accède là encore à un statut de notable influent, son réseau demeure fragile. A São João Mini, une trace seulement subsiste de la visite du lieutenant Gomez et de sa femme449. Le volume de sa correspondance nous apprend que la décennie 1830 est faible par rapport au Brésil450. Certes il devient le compadre de Boaventura Soares da Silva qui commande à São Borja451, mais ce réseau

445 AMFBJAD n° 1, 13, 58, 60, 602, correspondance entre Bonpland, Gramajo, Atienza et Berón

de Astrada, juillet-août 1837.

446 Maciel l’informe de la manœuvre de Lavalleja, lequel pour assurer la fuite d’Oribe à Las

Higueritas promet à Rivera la reddition de Paysandú, sans le faire. Boaventura Soares lui apprend la nomination de Lavalleja en remplacement d’Oribe ; AMFBJAD n° 1723, journal, voyage de Corrientes à Santa ana, 1-5 août 1838.

447 AMFBJAD n° 1724, voyage dans le haut de l’Uruguay, 22 janvier 1839.

448 MNHN, ms 215, n° 20, note pour le commandant et administrateur des missions portugaises,

São Borja, 8 décembre 1831.

449 CAIC, journal de voyage, missions portugaises, 10-23 août 1833. 450 Cf. graphique n° 1, p. 114.

demeure très localisé. En effet, Bonpland ne peut jouir de la protection brésilienne au même titre que celle offerte par Corrientes car le centre du pouvoir se situe à Porto Alegre, capitale trop éloignée pour bénéficier d’une protection efficace.

D’autre part, il existe une impossibilité par essence, les deux Etats s’opposant régulièrement pour le contrôle des Missions452. A titre d’exemple, le discours de type américaniste qui apparaît chez Ferré en 1826 a pour but de motiver ses troupes contre les Brésiliens453. Aussi la protection suit-elle le système des vases communicants, toute sollicitation d’un côté de la frontière entraînant un recul de la protection octroyée de l’autre côté. L’insécurité le touche de près en février 1839 lorsqu’il apprend qu’une tentative d’assassinat a été fomentée contre lui par les légalistes brésiliens, qui l’accusent de soutenir les révoltés. Aussi malgré un lieu de résidence établi au Brésil entre 1831 et 1838, Bonpland choisit de servir le pouvoir correntino.

Cependant le rapprochement entre Corrientes et les indépendantistes

riograndenses lui permet-il de jouer un rôle de médiateur. Après avoir espéré

l’intervention concertée des Brésiliens et des Argentins454 contre les républicains, il devient leur porte-parole auprès de Gramajo puis de Berón de Astrada auxquels il demande que soient acceptées les offres de paix de Lima. Il se charge aussi avec Serny de faire revenir les habitants de São Borja et parvient à en convaincre quelques uns, Bonpland espérant que le reste des habitants suivra cet exemple. La troupe composée d’Orientaux et non de Brésiliens fait peur aux habitants, notamment aux marchands, mais la bonne conduite de ceux-ci à Itaqui les fait revenir en partie455. Suite aux propositions de Lima envoyées par le colonel José Victoriano Orique, le gouvernement de Corrientes est tout aussi disposé à développer les relations d’amitié et de bonne intelligence entre les deux provinces. Le gouvernement de Corrientes soutient le même système républicain que les

riograndeses, « perteneciendo à la Confederación Argentina » et exigeant comme

unique garantie à Lima pour juger de l’importance de sa proposition la destruction de Rivera pour conclure un pacte.

452 Cf. LARGUIA Alejandro, Misiones orientales. La provincia perdida, Buenos Aires,

Corregidor, 2000.

453 FERRE Pedro, op. cit., tome I, pp. 276-277.

454 AMFBJAD n° 18, Bonpland à R. Atienza, Santa Ana, 8 juin 1837. 455 AMFBJAD n° 1721, journal, São Borja, 8-11 juillet 1837.

En outre, Bonpland développe un cercle de relations s’étendant le long du

río Uruguay. Le terme de « cercle » n’est pas défini par un lieu physique mais par

une multitude de liens inter-frontaliers. Ce cercle se développe à l’intérieur du territoire rioplatense-riograndense, sur plusieurs centaines de kilomètres. Il n’y a pas non plus de centre défini, mais un ensemble de liens épistolaires ou directs tissés par des relations d’intérêts. La distribution de ce cercle épouse l’axe commercial uruguayen et se dilue dans l’espace local par les associations et l’enracinement économiques. Les correspondances sont établies majoritairement du sud du Brésil jusqu’aux villes-ports de Buenos Aires et surtout Montevideo, suivant l’axe commercial partant du Brésil et du Paraguay jusqu’aux débouchés atlantiques, où se trouvent soit les maisons-mères, soit les financiers. Les échanges sont particulièrement denses le long de la frontière entre Corrientes et le Rio Grande do Sul, du fait des lieux de résidence de Bonpland situés aux carrefours des transactions économiques entre l’Argentine et le Brésil. Cette intensité correspondant là encore à celle des échanges commerciaux, Bonpland s’associant avec des Américains à partir des années 1830.

Ce réseau transnational passe par São Borja456 puis descend l’Uruguay en

passant par Salto457, Concordia458 et Paysandú459 pour arriver jusqu’à Buenos

Aires et Montevideo où Ventura Salinas le recommande à Solano García, vice- président de l’Assemblée nationale uruguayenne et à son cercle460. Les Perichón

sont par ailleurs liés à Rivera, un membre de leur famille étant aide de camp du général uruguayen. Ce réseau est stimulé en 1838 par l’intervention française, Bonpland faisant office d’intermédiaire entre Corrientes, São Borja et le consulat de Buenos Aires461.

456 AMFBJAD n° 167, P. Nascinbene à Bonpland, Paraná, 17 février 1834. Pierre Nascinbene qu’il

a déjà présenté à Ferré lui demande des renseignements sur l’économie de São Borja pour son frère Louis.

457 AMFBJAD n° 1194, Abadie à Bonpland, São Borja, 30 août 1833. Abadie, depuis Salto, lui

demande de présenter une procuration à Don Ricardo.

458 AMFBJAD n° 1718, voyage de Buenos Aires à Concordia, 21 mars 1837. Bonpland possède

des lettres de recommandation de Henry Hoker pour le commandant de Concordia le colonel Navarro et loge chez lui. Navarro fait office d’intermédiaire commercial pour Bonpland et solidifie ses relais.

459 AMFBJAD n° 1698, voyage de Buenos Aires à São Borja, 22 octobre 1832. Bonpland est

accueilli à Paysandú par Eusebio Galán, marié à Gonzalez de las Conchas, sur recommandation de J. J. de Araujo depuis Buenos Aires.

460 AMFBJAD n° 583, V. Salinas à S. García, Corrientes, 12 octobre 1836.

461 AMFBJAD n° 831, Bonpland à A. Roger, Corrientes, 16 mai 1838 ; AMFBJAD n° 832,

Bonpland à A. Roger, Corrientes, 16 mai 1838. Bonpland écrit à propos de José Castelli : « je l’autorise à montrer une lettre et les caisses à tous les batiments de l’escadre qu’il rencontrera