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S’il n’est pas possible de connaître les informations dont il dispose, nous pouvons néanmoins constater que Bonpland ne souhaite pas s’engager davantage sur un terrain politique totalement instable. L’insécurité engendrée par l’indépendance et « les guerres de parti144 » l’amène à s’éloigner des intrigues, préférant désormais entretenir de prudents rapports de courtoisie :

Nous avons visité et pourrions rendre visite à tout le monde ; mais nous vivons d’économie, et nous conservons seulement quelques connaissances suffisantes pour maintenir la bonne harmonie et nos relations.145

Cette ligne de conduite, rendue nécessaire du fait de l’incertitude politique dans laquelle est plongée la capitale bonaerense selon lui146, est divulguée le 18 novembre 1818 soit deux semaines après le retour de Lagresse, Mercher, Jung et Robert à Buenos Aires, les quatre Français ayant été persuadés par José Miguel de

141 BELGRANO Mario, op. cit., pp. 45, 71, 109.

142Ibid., p. 43. Stéphane Bédère écrit que les indépendantistes accueillent cette proposition moins

par conviction que pour s’attirer les bonnes grâces du Pape ; BEDERE Stéphane, Le botaniste

Aimé Bonpland au Paraguay, ou la détention singulière d’un botaniste français au pays de la « Dictature Perpétuelle », mémoire de maîtrise d’espagnol réalisé sous la direction de Paul

ESTRADE, université Paris VIII, 1996, p. 44.

143 Bonpland à J. Lebreton, Buenos Aires, 18 novembre 1818, cité in RUIZ MORENO Aníbal,

RISOLIA Vicente A., ONOFRIO Rómulo d’, op. cit., p. 63.

144 Expression utilisée notamment par Alcide d’Orbigny ; ORBIGNY Alcide d’, op. cit., tome I,

1835, p. 426.

145 « Hemos visitado y podríamos visitar á todo el mundo ; p.o vivimos de economia, y solo

conservamos unos pocos conocim.tos q.e frecuentamos cuanto basta p.a mantener la buena harmonia

y nras relaciones. », Bonpland à J. Lebreton, Buenos Aires, 18 novembre 1818, cité in RUIZ MORENO Aníbal, RISOLIA Vicente A., ONOFRIO Rómulo d’, op. cit., p. 61.

Carrera de s’impliquer dans un vaste complot visant à renverser les gouvernements chiliens et porteños147. Le jour suivant l’écriture de cette lettre le gouvernement bonaerense, mis au courant du complot, ordonne les premières arrestations148. Les sociabilités que Bonpland entretient confirment cette distanciation, les sources étudiées entre 1818 et janvier 1819 ne mentionnant aucun des comploteurs. Au contraire, il fréquente des cercles suffisamment puissants pour l’appuyer. Outre ses liens entretenus avec Pueyrredón, il assiste fréquemment aux réceptions organisées par Esteban de Luca149 au cours desquelles il croise San Martín150.

Le 12 janvier 1819, Aimé Bonpland est entendu à son tour par le tribunal chargé de l’enquête. Aucune charge n’est retenue contre lui malgré les liens l’unissant aux conspirateurs, le Français niant avoir eu connaissance des préparatifs visant à renverser le gouvernement hormis les événements déjà publiquement connus151. Sa confidence à Lebreton152 rédigée en novembre 1818 à propos d’un prochain « changement considérable » laisse subsister un doute quant à la véritable nature des informations en sa possession. Néanmoins, il ne lui est demandé aucune explication sur ce point et il est rapidement disculpé. Il n’hésite pas à apposer sa signature par deux fois, les 2 et 3 avril 1819, sur le recours en grâce formulé par des représentants de la communauté française afin d’éviter à Robert et Lagresse la peine de mort153.

147 Le général José Miguel de Carrera (1785-1821) combat en Espagne contre Napoléon Ier avant

de revenir au Chili où il prend la tête de la junte en 1811. Une série de défaites subies contre l’armée espagnole le force à abandonner le pouvoir qu’il tente de reprendre sans succès par l’intrigue, suivi par une petite troupe de fidèles. Il est finalement tué en 1821.

148 RUIZ MORENO Aníbal, RISOLIA Vicente A., ONOFRIO Rómulo d’, op. cit., pp. 50-51. 149 Esteban de Luca (1785-1824) participe à la défense de Buenos Aires contre les invasions

anglaises. Poète, journaliste et homme politique, il s’engage aux côtés de Rivadavia mais il meurt accidentellement au retour d’une mission diplomatique effectuée au Brésil.

150 DOMINGUEZ Juan A., « Aimé Bonpland, su vida en América del Sur y principalmente en la

república argentina », in Anales de la Sociedad Científica Argentina, tome CVIII, 1929, p. 420. Une rencontre avec San Martín se trouve citée aussi in PALCOS Alberto, « Amado Bonpland en América. Centenario de su muerte », in La Prensa, mai 1958. C’est l’historien argentin Vicente Fidel López qui relate les faits pour la première fois ; ainsi fait-il allusion au parapluie déposé dans un recoin de la maison de Luca par Bonpland, « muchas veces al lado de la espada de San Martín » LOPEZ Vicente Fidel, Historia de la Republica Argentina. Su origen, su revolucion, su

desarrollo politico hasta 1852, Buenos Aires, La Facultad, 1912 (1881), tome IX, p. 30. Les

rencontres seraient donc fréquentes entre les deux hommes lorsque San Martín fait étape à Buenos Aires en 1818.

151Ibid., p. 66.

152 Joaquim Lebreton (1760-1819) est nommé sous le Directoire chef du bureau des Beaux-arts du

ministère de l’Intérieur. Influent sous le Premier Empire, il démissionne et s’exile au Brésil en 1816 pour y implanter une colonie d’artistes.

En juin 1819, la renonciation de Pueyrredón à sa charge et la désignation du général Rondeau154 provoque en France l’éviction de Grandsire comme intermédiaire du gouvernement rioplatense, l’agent étant désormais ravalé au rang d’intriguant au profit de Valentín Gómez155. En compagnie de Rivadavia, celui-ci œuvre pour l’établissement de relations entre Paris et Buenos Aires tout au long de l’année 1819 avec en main les instructions de Pueyrredón, sans toutefois pouvoir rien obtenir. A Buenos Aires, les négociations sont confiées à Le Moyne et surtout Leloir qui devient le seul intermédiaire véritablement digne de confiance. A l’instar de Grandsire en France, les bonapartistes semblent écartés des affaires politiques à Buenos Aires même si Dominique Roguin est chargé en septembre 1819 de transmettre la correspondance diplomatique du gouvernement

porteño à destination de Valentín Gómez et Bernardino Rivadavia,

correspondance interceptée par le gouvernement français156.

S’il est disculpé au début de l’année 1819, Bonpland n’est cependant pas en sécurité dans la ville porteña comme tend à le prouver un événement ayant lieu dans le courant de l’année 1819, lorsque selon un témoin

vous souffrîtes avec votre Dame aux alentours de votre maison, au cours d’une nuit où vous furent malmenés et maltraités par des personnes mal intentionnées. Cet accident […] fut […] l’origine funeste de la série d’épreuves que vous avez souffertes au Paraguay, où peut-être vous vous dirigeâtes pour ce motif.157

De quel accident s’agit-il ? Ce témoignage est le seul relatant l’existence d’une agression dont sont victimes les époux Bonpland à Buenos Aires et elle est suffisamment grave pour être considérée comme étant à l’origine d’un départ de la province. Il paraît improbable qu’il s’agisse des moyens employés pour l’amener

154 José Rondeau (1773-1844), militaire né à Buenos Aires de père français, se mettant en valeur

lors des guerres d’indépendance dans la Bande Orientale, un mouvement révolutionnaire le porte au poste de Directeur Suprême des Provinces Unies entre 1819 et 1820. Nommé gouverneur provisoire et commandant militaire de la nouvelle république uruguayenne, il occupe d’autres fonctions gouvernementales mais abandonne la vie politique après le début de la guerre civile, en 1836.

155 Valentín Gómez (1774-1839), prêtre et homme politique proche de Rivadavia. Devenu recteur

de l’université de Buenos Aires de 1825 à 1830, il s’éloigne de la vie politique jusqu’en 1839 lorsqu’il participe, bien que gravement malade, à un complot visant à renverser Rosas. Il s’éteint peu après cette tentative ratée.

156 BELGRANO Mario, op. cit., pp. 116-118, 128, 172-176.

157 « qe. Sufrió con su S.a en las inmedic~ de su casa, en una noche qe. fueron maleados y

maltratados ambos pr unos malevolos. Este accidente [...] fué [...] el origen funesto de la serie de

padecimientos qe. ha sufrido en el Paraguay, adonde quizá se dirijió pr aquella causa. »,

à comparaître le 12 janvier devant les magistrats chargés d’enquêter sur le complot dans lequel sont impliqués ses compatriotes. En effet, la gravité des faits aurait alors amené Pueyrredón à le faire ramener manu militari dès le mois de novembre de la même manière qu’il procède avec ses compatriotes, au lieu d’attendre le retour de Bonpland parti à cette époque en mission scientifique sur l’île de Martín García.

Cet épisode n’étant recoupé par aucune autre source connue, il s’avère extrêmement difficile à analyser. Coïncide-t-il avec l’arrivée de Rondeau au pouvoir ? Celui-ci adoptant une attitude hostile vis-à-vis des bonapartistes, incite- t-il des « personnes mal intentionnées » à prodiguer un nouvel avertissement après celui de juillet 1818, des doutes subsistant à propos de l’implication du Rochelais dans le conjuration des Français158 ? D’autre part, la poursuite du conflit entre le nouveau Directeur suprême et les dirigeants des provinces du Litoral peut-elle en fournir un motif ? En effet, Bonpland a besoin de l’aide des autorités paraguayennes et correntinas afin d’y mener sa campagne d’exploration. Stephen Bell confirme cette préoccupation puisqu’il signale que lors de son excursion sur le Paraná au cours de la seconde moitié de l’année 1819, Bonpland questionne sans cesse les bateliers qu’il croise à propos de l’état politique au nord du Río de la Plata159.

Mais ses fréquentations rioplatenses à partir du mois de juin 1819 ne corroborent pas de telles hypothèses. En premier lieu il maintient de bonnes relations avec José Rondeau et son épouse160, ce qui tend à exclure une action directe du Directeur qui poursuit la politique de son prédécesseur avec lequel Bonpland conserve aussi des liens. Ensuite il fréquente « Mme Escalada161 », une des filles d’Antonio José Escalada. Or la famille Escalada est intimement liée au général San Martín, principalement par l’intermédiaire de Remedios qui en est la

158 Lors du jugement des Français, Rondeau est alors Directeur suprême intérimaire. Ses attaques

violentes contre les Carrera visent selon Patrick Puigmal à les éliminer politiquement et physiquement. « La même logique s’applique aux officiers bonapartistes qui les soutiennent » ajoute l’auteur ; cf. PUIGMAL Patrick, « Indépendance, politique et pouvoir au Chili et en Argentine : Attitudes des officiers napoléoniens dans les armées de libération (1817-1830) », in

Napoleonica. La Revue, n° 4, avril 2009, p. 72. Les autres Français amenés à comparaître sont

exilés à l’exception de Bonpland.

159 BELL Stephen, op. cit., p. 43. 160 MNHN, ms 214.

compagne mais aussi par celui de ses demi-frères162 Manuel et Mariano qui participent aux campagnes de San Martín, Manuel se trouvant en 1819 à Buenos Aires aux côtés de Rondeau. Leur sœur María Eugenia dont il peut-être question ici est mariée à José de María Camusso, un des rares négociants porteños à pouvoir commercer avec le Paraguay163 dirigé par José Gaspar Rodríguez de Francia164. Qu’il s’agisse de Remedios, de María Eugenia ou d’une autre des filles d’Antonio José Escalada, il n’en demeure pas moins que Bonpland a accès aux familiers de San Martín.

Parmi les autres personnalités fréquentées par le botaniste au cours de la seconde moitié de l’année 1819 figurent Bartolomé Muñoz, José Joaquín de Araujo, Francisco Belgrano et Juan Andrés Gelly165. Ils occupent des postes administratifs et gouvernementaux notables mais demeurent en retrait des intrigues politiques, la passion commune des deux premiers pour l’histoire naturelle constituant un lien privilégié avec Bonpland. Le dernier personnage

162 Remedios est l’enfant du premier mariage d’Antonio José Escalada. Manuel, Mariano et María

Eugenia voient le jour après le veuvage et les secondes noces d’Antonio José Escalada.

163 Cf. IBARGUREN Carlos F., « José De María Camusso. Biografía histórica », in Los

antepasados, a lo largo y más allá de la historia argentina [en ligne], 1983. URL :

www.genealogiafamiliar.net/documents/JOSE%2520DEMARIA%2520CAMUSSO.doc.

164 José Gaspar Rodríguez de Francia (1776-1840) appuie le soulèvement rioplatense. Désireux de

quitter la tutelle espagnole mais aussi de préserver l’autonomie du Paraguay, il en soutient la déclaration d’indépendance. En 1814 il devient président de la République, puis Dictateur Suprême l’année suivante. Son gouvernement – qu’il exerce jusqu’à sa mort en 1840 – se base sur un fort isolationnisme et un despotisme l’emmenant à exercer un pouvoir personnel. Il demeure une figure historique très débattue, sa dictature ayant permis de garantir l’ordre, la paix et l’indépendance de son pays ; cf. WILLIAMS John Hoyt, « Paraguayan Isolation under Dr. Francia: A Reevaluation », in Hispanic American Historical Review, vol 52, n° 1, 1972, pp. 102- 122 ; WHIGHAM Thomas, COONEY Jerry W. (comp.), El Paraguay bajo el Dr. Francia :

ensayos sobre la sociedad patrimonial (1810-1840), Asunción, El Lector, 1996.

165 MNHN, ms 214 ; AMFBJAD n° 2044, journal, 1819-1823. José Joaquín de Araujo (1762-

1835) naît à Buenos Aires ; il y étudie la philosophie au Colegio de San Carlos. Il collabore au journal El Telégrafo Mercantil paru entre 1801 et 1802 puis publie en 1803 la Guía de forasteros

del Virreinato del Río de la Plata. Ami de Gregorio Funes, Araujo adhère avec lui aux idées du

physiocrate espagnol ilustrado Valentín de Foronda. Il participe aussi à la rédaction de l’Ensayo de

la Historia Civil del Paraguay, Buenos Aires y Tucumán publié par Funes en 1816 et 1817. Son

érudition fait d’Araujo une figure centrale du milieu intellectuel rioplatense, et ses fonctions au sein de l’administration financière coloniale l’amènent au ministère des Finances en 1812. Publiciste, numismate et amateur d’histoire naturelle, il collectionne les pièces documentaires relatives à l’histoire du Río de la Plata. Il meurt alors qu’il prépare une seconde édition de son guide, le 10 mai 1835. Francisco Belgrano (1771-1833) est un des frères de Manuel Belgrano. Il étudie au Colegio de San Carlos puis est conseiller du cabildo de Buenos Aires durant la première décennie du XIXe siècle. En 1812, il devient membre suppléant du Triumvirat. Juan Andrés Gelly (1790- 1856) s’engage en 1839 à Montevideo dans la lutte contre Rosas. Nommé colonel lors du siège de Montevideo, il s’exile au Paraguay puis revient en Argentine où il est élu député en 1860 ; cf. RAMOS R. Antonio, Juan Andrés Gelly, Buenos Aires, Asunción, 1972.

possiblement identifiable est le « Dr Viola166 », à savoir le prêtre Domingo Viola dont les frères sont impliqués dans des complots royalistes.

Les relations de Bonpland après juin 1819 amènent deux remarques. La première consiste à confirmer l’attitude du savant concernant la bonne harmonie qu’il tente de maintenir parmi ses connaissances, puisqu’il fréquente la partie éminente de l’élite dirigeante. La seconde remarque concerne particulièrement les relations entretenues avec les familles liées à San Martín et à Rondeau, les dissensions entre les deux hommes s’accentuant. En effet, le premier privilégiant la lutte indépendantiste refuse de venir en aide au second engagé quant à lui dans une lutte interne contre les dirigeants du Litoral167. Bonpland, qui observe avec regret les premières convulsions indépendantistes, est-il alors pris à parti par une des nombreuses factions agissant à Buenos Aires168 ?

Pourtant, d’autres sources mentionnent des relations avec Candelaria Somellera de Espinosa près de laquelle il habite. Avec la famille Somellera à laquelle s’ajoute les Murguiendo169, les Bonpland disposent de protecteurs puissants170, plus ou moins illustres et tous politiquement influents à Buenos Aires. Parmi les patriciens qu’il fréquente, la figure de María Sánchez de Thompson se détache. Elle-même est au centre d’un vaste réseau qui rayonne à partir du salon qu’elle anime, Bonpland acquérant un degré de familiarité suffisant

166 MNHN, ms 214.

167 Les indépendantistes rioplatenses se divisent entre les unitaires, principalement présents à

Buenos Aires ; ils sont favorables à une centralisation du pouvoir dans la capitale de l’ancienne vice-royauté. Les fédéralistes, dont les provinces d’Entre Ríos et Corrientes situées sur le littoral des fleuves Uruguay et Paraná sont les principales représentantes, demandent une plus grande autonomie. La principale pierre d’achoppement entre les deux partis est la question de la libre navigation des fleuves et des droits de douane monopolisés par Buenos Aires ; cf. BURGIN Miron, Aspectos económicos del federalismo argentino, Buenos Aires, Solar, 1975 (1960) ; WENTZEL Claudia, « El comercio del Litoral de los rios con Buenos Aires: el area del Parana, 1783-1821 », in Anuario IEHS, Buenos Aires, Instituto de Estudios Histórico-Sociales, Universidad Nacional del Centro de la Provincia de Buenos Aires, n° 3, 1988, pp. 161-210 ; SCHMIDT Roberto, ROSAL Miguel A., « Las exportaciones del Litoral argentino entre 1783 y 1850 », in Revista de Historia Económica, Madrid, RHE-JILAEH, vol. XIII, n° 3, 1995, pp. 581- 607.

168 Les suspects ne manquent pas parmi les partisans de Carrera, les opposants à Rondeau et les

royalistes français ou espagnols.

169 AMFBJAD n° 257, V. Aguilar à Bonpland, Buenos Aires, 27 novembre 1820 ; DOMINGUEZ

Juan A., op. cit., p. 420.

170 Cf. SAGARNA Antonio (comp.), Archivo de Bonpland, tomo III : Documentos para la historia

de la república entrerriana del archivo de Aimé Bonpland, Trabajos del Instituto Nacional de

Botánica y Farmacología « Julio A. Roca », Facultad de Ciencias Médicas de Buenos Aires/Coni, Série II, n° 1, 1939, p. 14.

avec cette dernière pour donner des cours de dessin à ses filles171, bien qu’il demeure difficile de déterminer la nature exacte de ces relations. Seules deux familles entretiennent avec certitude des relations étroites avec les Bonpland, les Aguilar et les Araujo entrent dans le cercle des intimes, et permettent en outre de transmettre les projets du Français au plus haut niveau172. C’est à ceux-ci et par l’intermédiaire de ceux-ci que Bonpland plaide la cause d’une politique scientifique étatique.

Qui que soient les agresseurs, la malveillance dont est victime Bonpland en 1819 traduit une insécurité politique qui ne concerne pas seulement le Français et qui augmente avec le temps. En effet, la guerre touche Buenos Aires l’année suivante173. Le 1er février 1820, les forces du Directoire sont défaites par les armées fédérales des dirigeants du Litoral. Le 23 février, le traité du Pilar fait perdre à Buenos Aires son statut de capitale des Provinces Unies. Une nouvelle entité politique s’y substitue, la province de Buenos Aires érigée sur le principe d’égale souveraineté vis-à-vis des autres provinces rioplatenses174. Aussi, à la bonne harmonie qu’entretient Bonpland depuis 1818 semble s’ajouter au début de 1820 une distanciation puisque les manuscrits indiquent très peu de contacts, particulièrement avec l’élite politique totalement absente des sources. L’absence de traces épistolaires notamment avec les membres du Directoire exilés à Montevideo s’explique aisément, le savant coupant probablement ses contacts avec eux en choisissant de rester à Buenos Aires alors aux mains des litorales. Ce séjour qui se prolonge durant sept mois, jusqu’à son départ pour le Paraguay, montre qu’il ne craint pas de représailles et surtout qu’il dispose de nombreux soutiens.

171 A ce sujet, cf. AYROLO Valentina, « El matrimonio como inversión. El caso de los

Mendeville-Sánchez », in Anuario de Estudios Americanos, tome LVI, n° 1, 1999, pp. 147-171.

172 AMFBJAD n° 258, V. Aguilar à Bonpland, Buenos Aires, 4 décembre 1820. Victoriano

Aguilar lui transmet les souvenirs de sa mère et de « Henriquete, qe. siempre se acuerda de su tatito

Bonpland ». De même José Joaquín de Araujo fait preuve d’une grande amitié, et en tant que ministre des Finances de Pueyrredón intervient activement en faveur des projets de Bonpland.

173 Cf. SEGRETI Carlos S. A., El pais disuelto 1820-1821, Buenos Aires, Editorial de Belgrano,

1982, pp. 133-167.

174 Cf. GOLDMAN Noemí, « Los orígenes del federalismo rioplatense », in GOLDMAN Noemí

(dir.), Nueva historia argentina. Tomo III : Revolución, república, confederación (1806-1852), Buenos Aires, Editorial Sudamericana, 1998, pp. 107-111.

Effectivement, le général Manuel de Sarratea175 nommé gouverneur de Buenos Aires fait son entrée dans la ville le 18 février accompagné de son ami José Miguel de Carrera, représentant du général fédéral victorieux Francisco Ramírez176, celui-ci y parvenant le 25 février. Bonpland trouve en Sarratea un nouvel allié, les deux hommes se côtoyant en Europe en 1815 puis en Amérique au plus tard en 1818, l’amitié entre les deux familles ne se démentant pas au cours des quatre décennies suivantes177. Sarratea joue un rôle certainement décisif dans la liaison entre Bonpland et Ramírez mais les continuels retournements de situation, à commencer par le renversement du gouvernement de Sarratea en mai au profit des directoriales laissent supposer que Bonpland conserve sa « bonne