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Envoyé en Uruguay demander du matériel militaire, le Français se voit rapidement obligé de faire office de médiateur entre Rivera, Paz, Ferré et quelques autres personnages irascibles, beaucoup souhaitant tirer profit du cadavre de

621 FERRE Pedro, Memoria del brigadier general Pedro Ferre, octubre de 1821 a diciembre de

1842, Buenos Aires, Coni, 1921 (1845), tome I, pp. 124-126.

622Ibid.

623 AGNBA, archivo del general José M. Paz, leg. 100, año 1841, P. Ferré à J. M. Paz, 8 janvier

1841.

Rosas qu’ils imaginent bientôt entre leurs mains625. Dès le chemin du retour à Corrientes entamé, Bonpland doit faire face aux premières graves accusations portées par Rivera contre Paz, le premier jugeant les demandes du second exorbitantes626. En outre, Rivera soupçonne Paz de mener des négociations secrètes avec Juan Manuel de Rosas. Malgré ses tentatives d’explication Bonpland se sépare d’un Rivera furibond le 4 janvier 1841627.

Les deux hommes se retrouvent quatre jours plus tard, Rivera accusant cette fois Bonpland d’être mandaté pour soudoyer des officiers afin de les amener à Corrientes628. Entre Rivera qui se prépare lentement et qui ne veut rien donner et Paz, pressé d’obtenir un appui logistique permettant une offensive décisive, le Français temporise et convainc Paz d’attendre629. Dans le même temps Pedro Ferré soutient son chef militaire en mettant en doute les bonnes dispositions de Rivera à s’allier aux Correntinos630, Bonpland suppliant pour sa part Paz de ne rien demander à Rivera et de se limiter à lui transmettre les nouvelles militaires631. Paz, qui entre dans une colère noire contre Rivera et Bonpland, sous- estime pourtant les efforts de ce dernier632.

625 Notamment à propos de questions de compétences. Ainsi Bonpland retransmet à Ferré l’attitude

de Gregorio Valdés, qui confie son intention de quitter le pays s’il n’est pas reconnu comme il le mérite ; AMFBJAD n° 40, Bonpland à P. Ferré, Salto, 19 janvier 1841.

626 PAZ José María, op. cit., pp. 313-314.

627 Rivera s’appuie sur une lettre de l’épouse du général Paz à son mari, l’enjoignant de la

rejoindre après son départ de Buenos Aires grâce à l’intervention du consul britannique Mandeville, ayant à lui rapporter des communications d’Arana et Rosas. Bonpland essaie de justifier l’attitude de Paz, sans succès ; AMFBJAD n° 1740, voyage de Montevideo à Corrientes, Estancia de la Azotea, 3-4 janvier 1841.

628 Ibid., Durazno, 8 janvier 1841.

629 « c’est un bon ami que nous devons conserver à tout prix », écrit-il à Paz. Au début de l’année

1841, dans une lettre à Bonpland, Paz constate avec amertume que « l’ennemi se prépare à envahir avec vigueur et, sans doute, avec des forces supérieures, la province de Corrientes. Vous saurez déjà au courant que pour lui résister il conviendrait d’avoir pris le temps de mettre sur pied une armée respectable et pour cela j’ai demandé avec tant d’anticipation des officiers, des uniformes, des munitions, etc. Rien n’est venu, comme vous le savez » ; cité in DOMINGUEZ Juan A., op.

cit., p. 516.

630 Cf. AGNBA, archivo del general José M. Paz, leg. 100, año 1841, P. Ferré à J. M. Paz, 4

janvier 1841. Bonpland négocie avec Rivera et la flotte française une intervention et se fait le porte-parole de Rivera qui, pour sa part, ne se met pas en contact directement avec les dirigeants

correntinos. Ferré soupçonne dans ce silence la volonté de l’Uruguayen de récupérer la direction

des opérations militaires. Pour sa part, Bonpland tente d’excuser cette attitude : « luego qe.

[Rivera] ha convenido de una cosa no gusta de qe. se vuelven a hacer observaciones ni tampoco qe.

no se haga lo convenido ».

631 AGNBA, archivo del general José M. Paz, leg. 100, año 1841, Bonpland à J. M. Paz, Salto, 15

janvier 1841.

632 « il a fallu une patience et une constance à toute èpreuve pour obtenir cet argent je dirais plus il

a fallu joindre à cela une politesse tout à fait francaise. Si j’avais cédé aux avis de ceux qui m’entouraient j’eusse abandonné la partie et je n’aurais rien emporté. », AMFBJAD n° 1741, voyage de Montevideo à Corrientes, 4 et 12 mars 1841.

Bonpland ne doute pas encore, en février 1841, du soutien matériel de l’Uruguayen à la cause argentine et supplie Ferré de le rencontrer633. Il excuse le silence de Rivera par le secret absolu dont il entoure ses plans, persuadé que celui- ci attend le moment opportun pour se mettre en campagne. Il est de même persuadé que Rivera est un homme de parole qui fournira les 12 000 pesos et les officiers promis lorsqu’il aura obtenu des garanties de la bonne foi de Paz634.

Pour sa part, Paz demande à Bonpland de faire cesser les tergiversations de Rivera face au danger d’une invasion imminente du général Echagüe et de le pousser à fournir le soutien matériel promis sans lequel Corrientes n’est pas en mesure de résister635. Bonpland, qui attend à Salto l’arrivée de ces renforts après avoir négocié personnellement l’acheminement d’artillerie, se veut toujours rassurant quant à la combativité de Rivera, bien qu’il rejoigne sur certains points Ferré qui, pour sa part, juge l’attitude de l’Uruguayen incompréhensible, promettant beaucoup mais donnant peu636.

Malgré l’espoir de voir arriver Rivera à San José et de le voir passer l’Uruguay637, Bonpland redoute que la mésalliance entre Paz et Ferré concernant la direction des opérations militaires638 ne soit portée devant Rivera et n’incite

celui-ci à davantage de prudence. Bonpland exhorte Ferré à rencontrer directement Rivera, une entrevue entre les deux hommes s’avérant de la plus haute importance pour sceller l’alliance. Ferré transmet immédiatement cette proposition à Rivera, ajoutant qu’il ne peut cependant quitter sa province639. Mais dans le même temps le Français demande au gouverneur correntino de ne pas presser Rivera à s’engager à ses côtés640. Rivera se montrant réticent pour passer l’Uruguay, la campagne comme la capitale uruguayenne étant de plus en plus en

633 AMFBJAD n° 39, Bonpland à P. Ferré, Salto, 15 janvier 1841.

634 AMFBJAD n° 1740, voyage de Montevideo à Corrientes, Durazno, 8 janvier 1841 ; AGNBA,

archivo del general José M. Paz, leg. 100, año 1841, Bonpland à J. M. Paz, Salto, 15 janvier 1841 ; AMFBJAD n° 44, Bonpland à P. Ferré, Salto, 8 février 1841.

635 AMFBJAD n° 179, J. M. Paz à Bonpland, Villanueva, 9 février 1841.

636 AGNBA, archivo del general José M. Paz, leg. 100, año 1841, Bonpland à J. M. Paz, Salto, 12

février 1841. La « conducta inconsiderada » de Rivera, écrit Bonpland, « es una mescla rarissima de bien y de mal ». Mais il est dans son intérêt de ne pas abandonner ses alliés pour sa propre sécurité et parce que « toda la banda oriental […] le hecharia la piedra y perderia quanto puede tener en el espiritu de los hombres ».

637 AMFBJAD n° 41, Bonpland à P. Ferré, Salto, 24 janvier 1841. 638 Paz la désire tandis que Ferré souhaite la remettre à Rivera.

639 Le 7 février, Valdés rejoint Ferré muni d’une lettre de Bonpland dans laquelle il exprime cette

nécessité ; AGNBA, fondo Pedro Ferré, leg. 4, P. Ferré à F. Rivera, Corrientes, 8 février 1841.

faveur des Blancs641, Rivera ne peut laisser son pays sans risquer de perdre le pouvoir.

Moins que des susceptibilités personnelles, il s’agit pour chacun des alliés de tenir ses positions. Dans le cas de Ferré, le passage du fleuve implique moins de risques politiques mais son attitude peut être interprétée comme un geste politique visant à marquer son indépendance. A ce titre, le conseil de Bonpland de ne pas s’engager aux côtés de Rivera vise probablement le même but, à savoir conserver à Corrientes une véritable indépendance politique et militaire, l’expérience de Lavalle ayant montré les risques à confier une armée aux mains d’un commandant étranger à la province.

Jusqu’au mois d’août 1841, Bonpland espère un soutien logistique et une action militaire coordonnée entre Paz, Rivera et les Farrapos. En effet, dès janvier le Français pense que les Farrapos sont quantitativement et qualitativement meilleurs que les légalistes642. Dès qu’il prend connaissance du rassemblement des troupes républicaines à Alegrete, il se félicite de cet heureux événement, car il signifie l’entrée en lice des Farrapos aux côtés des antirrosistas :

Il faut que les pays qui par leur position doivent être unis le soient réellement et s’aident réciproquement. C’est à mon avis le seul moyen de sortir du profond marécage dans lequel nous nous trouvons. […] Dehors les partis, au bien général et nous en profiterons tous.643

Il se montre en contact avec plusieurs d’entre eux644, sans que rien ne prouve qu’il joue un rôle politique.

L’implication de Bonpland dans la recherche d’une solution transnationale au problème rioplatense démontre où, pour lui, se situent les frontières du bien commun. Cependant, plutôt que de se conformer, Bonpland paraît anticiper

641A propos des opposants à Rivera, Bonpland note qu’« il est triste de voir Comme le parti des

Blancs se propage et parle avec une Liberté sans exemple. » A Montevideo, la presse annonce que dans la ville des gens s’expriment ouvertement contre le gouvernement ; Malgré l’exil de 18 officiers, le parti des Blancs est libre de ses paroles ; AMFBJAD n° 1741, voyage de Montevideo à Corrientes, 14 février 1841.

642 AMFBJAD n° 41, Bonpland à P. Ferré, Salto, 24 janvier 1841.

643 « es preciso qe. los payses quienes por su posicion deben ser unidos lo sean de veras y qe. se

ayuden reciprocamente. Es el solo medio à mi parecer, de salir del hundo pantano en qe. nos

hallamos. [...] fuera partidos, al bien général y todos participaremos de el. », BCNBA, Bonpland à G. Valdés, Salto, 24 janvier 1841. Dix ans plus tard, le même raisonnement doit inciter le Paraguay à entrer dans l’alliance antirrosista, car c’est « son alliance naturelle » ; S. Derqui à J. Pujol, Corrientes, 10 octobre 1851, in PUJOL Juan, Corrientes en la organización nacional, Buenos Aires, G. Kraft, 1911, tome 1, p. 168.

644 Cf. BELL Stephen, op. cit., p. 126 ; AMFBJAD n° 1741, voyage de Montevideo à Corrientes ;

l’alliance transnationale qui intervient après l’échec d’une entente à l’intérieur de la nation argentine, comme en témoignent ses démarches auprès des Uruguayens et des séparatistes brésiliens avant qu’une alliance soit ratifiée avec Corrientes. Mais Rivera n’effectue aucun mouvement et rompt l’alliance avec le 17 août, au grand soulagement de Ferré lassé de ne rien voir venir645 mais au grand dam de Bonpland, irrité de l’apathie de l’Oriental faisant échouer l’union entre Corrientes, la Bande Orientale et la république riograndense. Le gouvernement correntino cherche à ménager les deux camps. Il est en cela fidèle aux vues de Ferré qui n’entre pas dans les conflits internes au camp antirrosista646.