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Malheureusement pour le savant, l’Entrerriano pourtant lié aux fédéralistes et à Buenos Aires par le traité du Pilar tire profit de ses victoires – non seulement contre les unitaires de Buenos Aires mais aussi contre son chef Artigas – pour affirmer de nouvelles prétentions territoriales incluant la prise de possession du Paraguay. Ce projet d’invasion contre Francia rend l’accès au Paraguay désormais impossible par l’entremise de Ramírez et des fédéralistes. En outre le troisième acteur politique en scène, Buenos Aires, retombe aux mains des unitaires, cette nouvelle situation amenant deux changements majeurs. D’une part les unitaires considèrent depuis 1811 le Paraguay comme une province appartenant à la nation, aussi les fédéralistes qui pouvaient favoriser un rapprochement avec Francia ne dirigent plus les négociations. Ensuite, le traité de Benegas visant à promouvoir l’unité du pays signé le 24 novembre 1820 entre Buenos Aires, Córdoba et Santa Fe exclut Ramírez des négociations et le prive de son allié principal, le gouverneur de Santa Fe Estanislao López.

Les desseins d’unification nationale de Ramírez sont désormais mis en péril par les signataires du traité de Benegas, animés des mêmes intentions. Malgré ces bouleversements et l’isolement de Ramírez devant soutenir trois fronts à Córdoba, Santa Fe et au Paraguay, Victoriano Aguilar fait savoir à Bonpland en décembre 1820 que, malgré l’impossibilité d’accéder au Paraguay par l’intermédiaire du général enterriano, il ne doute pas que Francia lui concède l’entrée de son territoire, confiant dans ses qualités d’homme de science et sûr qu’il peut s’entendre avec un naturaliste tel que Bonpland221. En outre des liens commerciaux, bien que limités et épisodiques, sont conservés entre Corrientes et le Paraguay et constituent une porte d’entrée possible, comme le montre le regain des importations paraguayennes en 1820 suite à la brève levée du blocus contre le Paraguay222.

Le gouvernement porteño de Martín Rodríguez, qui nomme dès novembre 1820 Bernardino Rivadavia ministre des Affaires étrangères, propose le même mois la nomination de Bonpland à la chaire de médecine de l’Instituto Médico

221 AMFBJAD n° 258, V. Aguilar à Bonpland, Buenos Aires, 4 décembre 1820. 222 CISNEROS Andrés, ESCUDE Carlos (dir.), op. cit., tome II, pp. 123-124.

Militar223. Il ne fait quasiment aucun doute que cette proposition qui implique une charge enseignante et donc une présence à Buenos Aires vise à hâter le retour de Bonpland224. Mais la nomination ratifiée le 23 mars 1821 survient trop tard, car bien que l’objectif du naturaliste demeure l’édification d’un jardin botanique à Buenos Aires, son voyage pour les Missions est décidé225 sous l’égide de Francisco Ramírez.

Car entretemps celui-ci réussit à convaincre le savant de se placer à son service. Bonpland demeure près de la ville de Corrientes du 28 novembre 1820 jusqu’en mai 1821, dans l’attente de la fin des troubles secouant la zone

misionera226. Durant ce laps de temps, les correntinos pour qui cette zone frontalière est de grande importance stratégique n’ont sans doute aucun mal à persuader Bonpland de s’y rendre, celui-ci attendant ce moment depuis plusieurs années. Ramírez lui demande de réaliser un inventaire des yerbales et des Indiens présents227 dans le cadre du recensement qu’il réalise au sein de sa république228. Le général est tellement confiant en l’engagement de Bonpland qu’il ne lui cache pas en mai 1821 sa nomination à la chaire de médecine comme non plus sa satisfaction de le voir demeurer au sein de la république entrerriana229. Le général

réalise là un coup de maître, appréciant particulièrement le choix du naturaliste qui selon lui illustre l’incapacité de Buenos Aires à conserver des hommes de valeur230.

Ses critiques sont l’expression des rivalités provinciales dont le Français est un enjeu mais ne sont pas dénuées de fondement. En effet, Buenos Aires craint de voir la république entrerriana, redevenue finalement adversaire, profiter du savant à son seul avantage. Les critiques du caudillo sont justifiées par les atermoiements et le soutien en demi-teinte dont ont fait preuve les gouvernants

223 RUIZ MORENO Aníbal, RISOLIA Vicente A., d’ONOFRIO Rómulo, op. cit., pp. 81-83.

Rivadavia, toujours en Europe au moment de sa nomination, n’arrive à Buenos Aires qu’en juillet 1821.

224 Comme le suggère PALCOS Alberto, op. cit.

225 AMFBJAD n° 396, Bonpland à J. J. Araujo, Corrientes, 13 avril 1821.

226 Cf. CASTELLO A. Emilio, Historia de Corrientes, Buenos Aires, Plus Ultra, 1984, p. 206. 227 Cf. BELL Stephen, op. cit., p. 51.

228 Cette partie du recensement ne voit pas le jour à cause des convulsions que connaissent les

Missions.

229 Cité in GOMEZ Hernán F., Corrientes y la república Entrerriana, 1820-1821, Corrientes,

Imprenta del Estado, 1929, p. 145.

230 Cf. BOSCH Beatriz, « Bonpland en Entre Ríos », in La Prensa, 4 février 1973. Après avoir

annoncé à Bonpland sa nomination à la chaire de médecine de Buenos Aires, Ramírez ajoute : « entre nosotros, sera igualmente apreciable, y acaso mas provechoso » ; AMFBJAD n° 2011, F.

porteños au cours des années antérieures. C’est d’autant plus un coup de maître

qu’il se prépare à aller affronter une puissante coalition en même temps qu’il insère Bonpland dans ses projets misioneros dans l’optique d’une consolidation globale de son pouvoir. Bien qu’en avril 1821 le savant songe toujours à un retour vers Buenos Aires231, il s’implique avec une grande conviction dans l’exploration et la mise en valeur des Missions. La délimitation géographique des Missions qu’il fixe en fonction de leur végétation232 peut s’avérer de grande utilité afin de justifier un droit de propriété.

Le mois suivant il entame son voyage malgré l’existence de discordes entre les officiers de Ramírez et le nouveau dirigeant du département des Missions Aripí. S’étant avancé depuis Caá Catí vers le Paraná le Français est mis en garde par ces mêmes officiers le 4 juin contre le désordre régnant mais, écrit-il,

je regarde donc comme chimerique la plus part des raisons qu’ils m’ont allégué et dans ce moment je suis plus décidé que jamais à executer mon voyage233.

Disposé à préparer son départ définitif pour les Missions avec Philibert Voulquin, il s’avance jusqu’à l’ancienne mission de Santa Ana. En chemin il reçoit des preuves de l’allégeance d’Aripí qui l’accueille dans son campement avec faste le 29 juin.

Lors de ce premier voyage sur la piste de l’héritage jésuite, Bonpland découvre un potentiel agraire qu’il juge exceptionnel. En juillet 1821 il décide de rebrousser chemin, revenant à Corrientes le 3 août pour terminer ses préparatifs. Ayant appris le départ en campagne puis la défaite et la mort du caudillo aux forces santafesinas, le Français reste soutenu par Evaristo Carriego, qui remplace Fernández Blanco à la tête du commandement militaire de Corrientes, et par López Jordán234, nouveau dirigeant de la république, lesquels reprennent à leur compte le projet de Ramírez235. Aussi repart-il en direction des Missions en

231 AMFBJAD n° 258, V. Aguilar à Bonpland, Buenos Aires, 4 décembre 1820.

232 AMFBJAD n° 2046, Voyage aux Missions, 19 juin 1821. Bonpland en est émerveillé. 233Ibid.

234 Ricardo López Jordán (1793-1846), indépendantiste, se joint en 1817 à la cause de son demi-

frère Francisco Ramírez. Gouverneur en 1819 durant la campagne de Ramírez contre Buenos Aires, il lui succède brièvement après sa mort survenue en 1821 avant d’être chassé du pouvoir par Buenos Aires. En 1831, il est obligé de fuir en Uruguay suite à des actions entreprises contre le gouvernement porteño et ses alliés. Revenu en Argentine avec Lavalleja en 1839, il est immédiatement fait prisonnier jusqu’en 1842.

octobre, sachant que la situation politique est exécrable entre Corrientes et ses voisins.

Mais la promesse obtenue quelques années auparavant de la part de José Gaspar Rodríguez de Francia de lui ouvrir les portes de sa république le pousse à insister pour s’y introduire, malgré les menaces reçues du dirigeant paraguayen après qu’il apprenne que le naturaliste bénéficie de la protection du cacique

misionero Aripí. Ce dernier constitue l’ultime maillon de la chaîne de

commandement de la république entrerriana dans les Missions, mais représente surtout un danger pour le dirigeant paraguayen. Bonpland tente donc de s’appuyer simultanément sur une base bonaerense, un pouvoir correntino, un chef misionero et un gouvernement paraguayen méfiants ou hostiles entre eux. Cette suite de maladresses s’avère rapidement funeste.

Les interprétations de l’enlèvement de décembre 1821 émises par de nombreux spécialistes « bonplandiens » s’avèrent justes mais emprises d’un parti- pris contre Francia, érigé en symbole du refus du libre-commerce. Les biographies reprennent dans l’ensemble cette explication236 ; or il s’agit d’une question de droit national en même temps qu’international. Il est évident qu’en repoussant la frontière à Candelaria, au-delà du Paraná, Francia souhaite prendre le contrôle du fleuve, le pueblo constituant une ouverture vers le Brésil indispensable pour briser le blocus de la république des Provinces Unies du Río de la Plata. Il s’agit du principal motif de l’intervention paraguayenne, comme l’explique très clairement Francia à son délégué Ortellado. Les Indiens, écrit Francia,

ont l’insolence de vouloir venir s’installer en maître dans notre territoire, et de s’approprier nos Yerbales237.

La rupture du statu quo dans le département de Candelaria entraîne le risque de voir se développer une population hostile à Asunción et susceptible de

236 A l’exception notable de Leticia Halperín Donghi ; l’auteure met en avant dans un excellent

article l’espoir qui anime Bonpland jusqu’à la veille de son enlèvement, à savoir la constitution d’un cabinet d’histoire naturelle à Buenos Aires ; cf. HALPERIN DONGHI Leticia, « Aimé Bonpland », in IV Congreso Internacional de Historia de América, Buenos Aires, Academia Nacional de la Historia, 1966, tome V, pp. 250-251. Stéphane Bédère réunit dans son mémoire l’ensemble des motifs poussant Francia à intervenir en raison d’enjeux territoriaux, économiques et politiques ; cf. BEDERE Stéphane, op. cit., pp. 34-50. Georges Fournial privilégie pour sa part la thèse de l’espionnage dans son chapitre consacré à Bonpland ; FOURNIAL Georges, José

Gaspard Rodriguez de Francia. L’incorruptible des Amériques, Paris, Messidor, 1985.

237 « tienen la insolenca de querer venir á señorear en ntro territoria, y á hacer aprovechamto de

ntros Yerbales » ; VIOLA Alfredo, « Cartas y Decretos del Dictador Francia », in Estudios

s’armer grâce aux revenus de la yerba, cette situation pouvant entraîner des désertions paraguayennes238. En outre, l’importance stratégique de Candelaria rejoint la question de la stabilité interne du régime, lequel n’est pas à l’abri des coups de force de ses opposants239. Il s’agit donc d’une intervention plus défensive qu’offensive. Cette question du droit du sol n’est toujours pas résolue selon Alfred Demersay en 1860, lequel donne raison aux Paraguayens quant à la propriété du département de Candelaria et de ses trois pueblos240. Il ne s’agit pas non plus de chercher un quelconque espionnage, Francia lui-même admettant que Bonpland se trouve là pour chercher fortune241. En outre, d’autres Européens expérimentent les foudres de Francia. Or, les enlèvements ne concernent que rarement des voyageurs scientifiques ; Grandsire ou d’Orbigny ne sont pas inquiétés. Il n’en est pas de même pour ceux s’installant véritablement ou mettant en péril les intérêts stratégiques de Francia242.

Francia profite de la situation politique chaotique des Provinces Unies. Il annonce à Ortellado, en même temps que l’opération, la déroute de Ramírez. Son adversaire direct éliminé, Francia peut récupérer la zone litigieuse :

En réussissant la présente entreprise que j’ordonne, les choses que je prépare pour plus tard afin de garantir la République et son commerce s’aplaniront.243

La destruction de l’établissement a donc des visées plus larges, et avant tout régionales. Les motifs avancés rétrospectivement par Bonpland concernant son enlèvement font essentiellement référence au conflit économique et frontalier entre le Paraguay et les Provinces Unies244. Il n’est aucunement question de

238Ibid., p. 815.

239 Cf. WILLIAMS John Hoyt, « The Conspiracy of 1820, and the Destruction of Paraguayan

Aristocracy », in Revista de Historia de America, n° 75/76, 1973, pp. 141-156.

240 DEMERSAY Alfred, Histoire physique, économique et politique du Paraguay et des

établissements des jésuites, Paris, Hachette, tome 1, p. 12.

241 VIOLA Alfredo, op. cit., tome III, p. 815.

242 Les enlèvements d’étrangers sont une pratique politique officialisée par Francia, comme le

relate le Bulletin de la Société de Géographie, première série, tome IV, n° 29, septembre 1825, p. 200 : « On sait que plusieurs savans de diverses nations sont détenus au Paraguay par le Directeur suprême de ce pays, le Docteur Francia, comme ayant enfreint le décret, par lui rendu, qui prononce contre les étrangers qui franchissent les limites de son territoire, la peine de détention et même de mort dans certains cas. En 1814, leur nombre s’élevait à 67. Ils habitent différents cantons, dont ils ne peuvent s’écarter qu’à quelques lieues. Toute correspondance au dehors leur est interdite. »

243 « En logrando la presente empresa qe dispongo, se allanarán las coss qe preparo pa despues á

fin de asegurar la Repca y su comercio. », cité in ibid., p. 820.

244 Dans une lettre écrite au gouverneur de Corrientes Rafael Atienza, Bonpland insiste sur son

reconnaissance internationale245 ; Francia est trop fin politique pour espérer de telles conséquences d’un enlèvement. C’est d’ailleurs Aripí qui l’intéresse avant tout. Il s’agit de la première partie d’un plan de contrôle de la rive gauche du Paraná. Il faut néanmoins attendre un an avant que des forces paraguayennes ne s’y installent et renforcent leur position, afin d’éviter une nouvelle tentative de reconquête246. Suite à la déroute de Ramírez, le Miriñay redevient la frontière

misionera avec la récupération des départements d’Esquina et Curuzú Cuatiá. En

janvier et février 1822, Corrientes fait souscrire des traités d’incorporation aux

pueblos de San Miguel, Yatebú et San Roquito représentant 1 700 familles,

l’accord de 1824 entérinant celui du Quadrilatère de 1822247. D’ailleurs, cette ligne politique est suivie par le successeur de Francia qui dans son manifeste du 13 février 1848 revendique une partie des Missions qu’il fait occuper. Cette politique d’occupation défensive temporaire suivie depuis la proclamation de l’indépendance paraguayenne est sans conséquence territoriale à long terme puisque les Paraguayens se replient en cas de danger politique248. Il s’agit essentiellement pour ce gouvernement de s’assurer une route commerciale avec le Brésil249.

pertenecientes à Corrientes [...] francia contra todo derecho de naciones mando invadir un suelo ajeno ». Concernant l’exploitation des yerbales, il l’exprime en termes de cohabitation plutôt que de concurrence : « Se hallaba en estas missiones un numero considerable de Correntinos y de naturales qe hacian desde dos años el comercio de la hierba mate y se savia de un modo positivo qe

el dictador francia era enterado de aquel comercio », AMFBJAD n° 1650, Demande de certificat de captivité, 16 avril 1834.

245« cuesta suponer al gobernante paraguayo [...] tan alejado de los hechos cotidianos, como para

prescindir de esa gruesa circonstancia y arrancar, poco menos que por la fuerza, un reconocimiento, en la ocasión, nada menos, en que lesiona gavamente a la cultura y al derecho », commente Alberto Palcos ; PALCOS Alberto, « Bonpland en el Paraguay. Causas de su cautivero », in La Prensa, Buenos Aires, 20 juillet 1941, s. p.

246 Cette version s’accorde avec celle défendue avec rigueur par BEDERE Stéphane, op. cit., p. 41.

L’épisode est d’ailleurs très bien inséré à l’intérieur du contexte politique régional par AMABLE María Angélica, ROJAS Liliane Mirta, op. cit., pp. 102-104.

247 CAMBAS Anibal, op. cit., pp. 137-138.

248 Cf. DEMERSAY Alfred, Histoire physique, économique et politique du Paraguay et des

établissements des jésuites, Paris, Hachette, tome 1, p. 14.

249 « Pour que le commerce fleurisse à Itapúa, le contrôle de Candelaria est donc essentiel. Artigas

en exil, Ramírez mort, Buenos Aires empêtré dans ses intrigues politiques, en 1821, le moment est propice pour réaffirmer la prépondérance paraguayenne sur la zone. Francia envoie des troupes établir un fort et une garnison permanente à San Miguel. Bonpland, gêneur à plusieurs titres, est capturé. L'année suivante, d'autres troupes construisent un fort à Tranquera de Loreto. En peu de temps, le département est repris en main. Dès le 1er février 1823, le commerce avec le Rio Grande do Sul s'officialise et transite par Itapúa après la démarche officielle entreprise par José Pedro César, commandant des Missions brésiliennes. », BEDERE Stéphane, op. cit., p. 41.

B. DU BONAPARTISME AU PATRIOTISME

Si en Europe l’élaboration du discours est l’aboutissement d’une logique relationnelle, il en va de même à l’autre bout de la chaîne. En effet, la construction de l’image de l’Amérique est fonction des réseaux. Le personnel diplomatique qui, en dernier ressort, rapporte l’information à Paris, dépend le premier des liens tissés dans leur pays d’affectation. Les particuliers français, bien que peu nombreux, ont fortement recours à leurs représentants. Bien qu’ils s’immergent dans la société locale, l’attache nationale ou européenne s’avère indispensable afin de garantir les investissements effectués dans la région et bénéficier d’une assistance en cas de conflit. Les appuis de Bonpland montrent comment, par le biais d’intérêts essentiellement économiques, un réseau franco-rioplatense se construit et développe sa propre argumentation. Dans le cas de Bonpland, bonapartisme et patriotisme sont indissociables. A travers son vécu et celui de ses compatriotes il s’agit d’analyser la création d’une culture politique des migrants.

1. La constitution d’un cercle patriotique

La première phase depuis son arrivée à Buenos Aires jusqu’après son enlèvement par les soldats paraguayens permet au voyageur de prendre contact avec la réalité politique et de nouer de premières relations avec les élites locales et la petite communauté française. Celle-ci, entre 1817 et 1821, possède l’originalité de mêler d’anciens émigrés, de nouveaux bonapartistes et d’autres encore royalistes. Cette communauté est en outre confrontée aux spasmes indépendantistes, ce qui l’oblige à se repositionner politiquement non seulement par rapport à d’éventuelles dissensions internes mais aussi vis-à-vis des différents partis qui se constituent dans le Río de la Plata. C’est à cette situation que se confronte Aimé Bonpland ; à travers son positionnement, son entourage et ses choix il s’agit d’esquisser un tableau de la présence française au Río de la Plata lors des premières années de l’indépendance rioplatense250.

250 En se basant surtout sur l’analyse de la période pré-indépendantiste, Mickaël Augeron et

Laurent Vidal plaident pour l’étude d’une France américaine dont le poids et la diversité doivent être mesurés au-delà des frontières coloniales ; cf. AUGERON Mickaël, VIDAL Laurent, « Du