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Ce passage d’un rôle de médiateur à celui de belligérant se traduit par la présence d’un vocabulaire de combat, définissant en mai Rosas comme

l’homme sanguinaire que tout les homme de jugements veulent voir privé de l’autorité dont il fait un si mauvais usage534.

Avec l’emploi de termes comme « dictature », « homme sanguinaire » ou d’« ennemis » pour qualifier Rosas et son régime, un processus d’identification se met en place à partir de cette année. Il fait écho aux propos et aux actions « américanistes » de Rosas535, le discours du Français s’accompagnant d’actes engagés.

Le premier janvier 1840, Pedro Ferré déclare la guerre au gouvernement de Buenos Aires et ses alliés. Après six mois d’atermoiements, Aimé Bonpland

l’obligeant à s’exiler dans la Bande Orientale, laissant le pouvoir à Rosas. Avec la Guerra Grande, Lavalle espère reprendre le pouvoir. Il envahit l’Entre Ríos en 1839 mais ses tentatives pour renverser Rosas, d’abord avec l’appui correntino puis avec le faible soutien des provinces du Nord, échouent. En 1841, il est finalement tué par les fédéralistes à Jujuy.

531 AMFBJAD n° 619, J. Ingres à Bonpland, Santa Ana, 29 décembre 1839. 532 Cf. CISNEROS Andrés, ESCUDE Carlos (dir.), op. cit., tome I, pp. 119-120. 533 AMFBJAD n° 1726, journal, Santa Ana, décembre 1839.

534 AMFBJAD n° 1733, voyage dans le Paraná, 7 mai 1840.

535 Le terme d’ « actions “américanistes” » est emprunté à NARI Estela, op. cit., p. 133, pour

qualifier les agissements anti-européens de Rosas assimilés trop rapidement à de la barbarie, précise Estela Nari. L’engagement de Bonpland au nom du droit des colonies espagnoles à l’indépendance est, lui aussi, un acte américaniste.

apprend la retraite d’Echagüe suite au combat de Rosario536 et s’engage concrètement aux côtés des antirrosistas regroupés au sein de la deuxième Armée Libératrice formée en majorité de soldats correntinos et dirigée jusqu’en juillet par le général Juan Lavalle. En janvier, alors que ce prestigieux tacticien issu des guerres d’indépendance marche sur Buenos Aires Bonpland espère que, comme Napoléon Ier au retour de l’île d’Elbe, il prenne la ville sans un seul coup de feu537. Mais l’espoir suscité par l’arrivée de ce sauveur est de courte durée car des mésententes s’installent entre le vaniteux général et l’ambitieux Rivera538 pour le contrôle des opérations militaires. Aussi Lavalle, décidé à prendre l’Entre Ríos avant de fondre sur Buenos Aires part-il le 28 février à la rencontre d’Echagüe avec les seules forces regroupées par le gouvernement de Corrientes. Cette initiative inquiète les Français dont l’escadre est ancrée à La Esquina et invitent Ferré à une première entrevue le 7 mars, celui-ci demandant à Bonpland de l’accompagner539. Il y apprend les buts de l’escadre française, à savoir réduire la batterie du Rosario, soutenir la progression de Lavalle dans l’Entre Ríos et protéger le commerce de Corrientes540.

Mais Lavalle, prenant de plus en plus ses distances vis-à-vis des alliés, opte pour un affrontement direct avec Rosas, persuadé de le défaire sans pertes. Ayant besoin des navires français et de l’armée de réserve restée à Corrientes mais ne reconnaissant plus d’autre autorité que la sienne, les relations politiques entre le général et les alliés deviennent exécrables. Ferré envoie alors Gregorio Valdés et Aimé Bonpland à Montevideo pour y mener des négociations avec Rivera et le chef de l’escadre française, l’amiral Dupotet541. Bien que le titre de diplomate ne soit pas reconnu par les autorités montevideanas en vertu de sa nationalité, le

536 AMFBJAD n° 1726, journal, Saladas, 9 décembre 1839. 537 AMFBJAD n° 227, janvier 1840 et s.n.

538 A ce propos, cf. SOSA DE NEWTON Lily, Lavalle, Buenos Aires, Plus Ultra, 1967, pp. 115-

140.

539 AMFBJAD n° 1728, séjour à Santa Lucía.

540 AMFBJAD n° 1729, voyage dans la province de Corrientes, 8 mars 1840.

541 Jean Henri Joseph Dupotet (1777-1852) remplace l’amiral Leblanc mais ne dispose, comme

son prédécesseur, que de pouvoirs militaires. Néanmoins il est reçu par Felipe de Arana, ministre des Affaires étrangères de la Confédération, ce qui entraîne une tension avec Buchet de Martigny, consul de France à Montevideo. Il est finalement remplacé à son tour par l’amiral Mackau. Dupotet commence sa carrière comme marin à l’âge de 16 ans. Il se distingue durant les guerres de la Révolution et de l’Empire, notamment à Trafalgar. En 1828, il accède au grade de contre-amiral et devient par deux fois, en 1830 et 1834, gouverneur de Martinique. Devenu vice-amiral en 1841, il met fin à sa carrière en 1845 alors qu’il exerce la fonction d’inspecteur général des ports de l’Atlantique.

Français commence dès son arrivée, le 14 mai, à négocier avec les alliés542. Malgré l’admiration qu’il lui voue, Bonpland est obligé de constater que Lavalle contribue à détruire l’alliance antirrosista543. Le savant entreprend alors de mener trois négociations ; l’une avec les Français afin d’obtenir un soutien logistique pour Corrientes et un changement de politique, une autre avec les Argentins unitaires réfugiés et une dernière et difficile avec Rivera pour le convaincre d’entrer en campagne.

Concernant l’appui français, il parvient à convaincre Dupotet – d’abord favorable à Lavalle et couvert par ses instructions limitées au blocus – et Buchet de Martigny d’envoyer à Corrientes un convoi sous escorte544 devant marquer le début de communications régulières entre Corrientes et Montevideo, la France fournissant du matériel et Corrientes pouvant ouvrir une route à ses produits commerciaux545. Bonpland persuade aussi les consuls Baradère et Buchet de Martigny de retirer leur soutien à Lavalle tandis qu’il voit Dupotet fulminer contre l’insubordination de l’unitaire argentin546. Les consuls pensent à procurer un tuteur « sain d’esprit547 » à Lavalle, optant pour Valentín Alsina548 puis lui préférant Julián Segundo de Agüero549 plus à même de corriger la position de

Lavalle550. Enfin, Bonpland fait part de la posture des consuls, particulièrement

Buchet de Martigny, très favorable au Correntino du fait de leur similitude d’avec celle de Ferré faite d’union et de liberté des peuples. Le sens de l’honneur et le jugement de Buchet de Martigny partagés par son compatriote lui donnent

542 PAZ José María, Memorias póstumas, Buenos Aires, 2000 (1855), vol. II, pp. 313-314. 543 AMFBJAD n° 1733, voyage dans le Paraná, 7 mai 1840.

544 Comptant de 24 à 28 « velas » avec « vestidos, víveres, buques, municiones, etc., etc. Cuantes

cosas se han pedido », FERRE Pedro, op. cit., tome II, pp. 613-614 ; AMFBJAD n° 1734, journal, Montevideo, 14 mai 1840.

545 AMFBJAD n° 47, Bonpland à P. Ferré, Montevideo, 15 juin 1840. Bonpland obtient de

Dupotet l’ouverture de cette route « en virtud de la gran estima qe tiene el Sor almirante para

V.E. ». Mieux encore, Bonpland espère recevoir les meilleures armes françaises en plus de celles que Buchet de Martigny attend déjà et qu’il réserve à Corrientes.

546 FERRE Pedro, op. cit., tome I, p. 125.

547 « sana de juicio », ils pensent au docteur Alsina ; cf. AMFBJAD n° 46, Bonpland à P. Ferré,

Montevideo, 15 mai 1840.

548 Valentín Alsina (1802-1869) est juriste, écrivain et politicien unitaire argentin. Antirrosista, il

est arrêté à Buenos Aires mais parvient à fuir en Uruguay en 1837. Il participe à l’opposition depuis Montevideo puis dirige le soulèvement porteño du 11 septembre 1852 contre Urquiza. Démissionnaire, il reprend le tête de la province de Buenos Aires une seconde fois en 1858, la bataille de Cepeda mettant fin à ses fonctions. Il termine sa carrière en tant que sénateur.

549 Julián Segundo de Agüero (1776-1851), curé et politicien unitaire, soutient Rivadavia en 1826

puis Juan Lavalle en 1828. Après la victoire des fédéralistes, il fuit à Montevideo où il joue le rôle de conseiller auprès de Lavalle et où il demeure jusqu’à sa mort.

confiance551 pour interférer auprès de lui afin d’obtenir le désaveu d’Alsina et Lavalle, obtenant du diplomate qu’on discute de la nomination d’un mentor auprès de ce dernier552.

Il se charge ensuite d’informer Ferré de la situation politique à l’embouchure du Río de la Plata. Valentín Alsina faisant partie des dirigeants unitaires argentins, Bonpland le sermonne pour ne pas s’être mis en contact avec le gouverneur correntino, s’appuyant sur l’insatisfaction de Buchet de Martigny engendrée par cette attitude desservant l’union indispensable des antirrosistas, d’autant que sa nationalité lui ordonne de tout mettre en œuvre pour sa patrie553. En effet, les contacts indispensables qui doivent se nouer entre Corrientes et Montevideo doivent à leur tour encourager davantage l’implication française. La mise en route de ce cercle vertueux est semble-t-il confiée à Gregorio Valdés, aucune source n’attestant d’autres contacts entre Bonpland et les unitaires. Néanmoins, il est probable que des contacts s’instaurent avec eux et particulièrement avec Juan Bautista Alberdi554, alors exilé à Montevideo, car il profère lui aussi l’union de la « famille argentine » formée en 1810555.

Quant à Rivera, Bonpland entame avec lui de longues et infructueuses négociations. Pour obtenir son appui, dont l’alliance a nécessairement besoin et dont l’acquisition est peu sûre, Bonpland choisit de flatter son orgueil ; il lui écrit que

Dieu a désigné le général Rivera pour être le libérateur des peuples de l’Amérique du Sud556.

Bonpland semble croire à ce qu’il écrit, du moins dans le fond si ce n’est dans la forme qui elle présente une grammaire métisse car l’épistolier débute là un

551 AMFBJAD n° 46, Bonpland à P. Ferré, Montevideo, 15 mai 1840. Malheureusement, le

manuscrit s’arrête brutalement alors que Bonpland s’apprête à informer Ferré « de la voz general entre los hombres de mas categoria para qe sepa todo y puea fixar su juicio sobre el estado presente

de las cosas, y la necesidad de obrar pronto, con la mayor eficacidad ».

552 AMFBJAD n° 1734, journal, Montevideo, 14 mai 1840.

553 AMFBJAD n° 46, Bonpland à P. Ferré, Montevideo, 15 mai 1840.

554 Juan Bautista Alberdi (1810-1884) est un des piliers de la Generación del 37. Il s’exile sous le

régime de Rosas et termine ses études de droit à Montevideo, puis voyage en Europe et en Amérique du Sud. Ecrivain et journaliste, il s’installe à Valparaíso où il rédige un traité de droit national dont s’inspire la constitution argentine de 1853. Urquiza le nomme deux ans plus tard plénipotentiaire auprès des gouvernements français, espagnols et britanniques. En 1861, la défaite d’Urquiza à Pavón le pousse à s’exiler en France, où il meurt. Cependant, sa pensée exerce une grande influence au cours des années 1880 auprès de l’Etat argentin en consolidation.

555 Cf. CHIARAMONTE José Carlos, Ciudades, provincias, Estados : orígenes de la Nación

Argentina (1800-1846), Buenos Aires, Ariel, 1997, pp. 640-645.

dialogue teinté d’admiration. Or, la lettre écrite le 17 juin accompagne celle de Buchet de Martigny à Ferré l’informant du retrait effectué par Rivera de la province d’Entre Ríos, privant la coalition de son meilleur soutien terrestre557.

Aimé Bonpland quitte Montevideo le 23 juillet, après que Lavalle ait été définitivement mis hors d’état de nuire par Echagüe le 16 du même mois, ce dernier reprenant l’offensive. Ferré demande alors au général Paz de prendre la tête de l’armée de réserve, ce qui amène Bonpland à jouer les intermédiaires entre le pouvoir civil et militaire de Corrientes. A Paz, un des grands stratèges argentins de l’époque558, il donne des conseils relativement à la défense de la province et à l’esprit de ses hommes. Lorsque le général s’inquiète des nombreuses désertions survenues en août puis en novembre 1840559, Bonpland lui répond qu’aucun type de châtiment ne peut les combattre. Les Correntinos

ont cette tendance naturelle à retourner chez eux, et aucune crainte ne peut les arrêter. En 1820, le défunt général Ramírez punissait de la peine de mort les déserteurs et cette punition si lourde n’empêchait pas la désertion.560

Cependant, l’arrivée de Paz redonne une forme d’unité à la coalition. Malgré une situation militaire délicate, Bonpland peut se féliciter de la bonne coordination permettant le retrait des forces de Pascual Echagüe au mois d’octobre 1840 de la province de Corrientes. Il en impute le mérite « aux bonnes dispositions » de Ferré, « au talent militaire » de Paz ainsi qu’« aux demonstrations » et au renfort matériel de Rivera561. L’embellie sur le front sud

557 FERRE Pedro, op. cit., tome II, p. 614.

558 José María Paz (1791-1854) étudie les mathématiques, le latin et le droit à l’université de

Córdoba. Il intègre l’armée rioplatense en 1811 et prend part aux premières batailles de la guerre civile argentine. Entre 1825 et 1829, Paz se distingue contre les Brésiliens. Nommé ministre de la Guerre par Lavalle en 1829, il choisit de mener campagne contre les forces fédérales de l’Interior. Maître de Córdoba, Paz fonde en 1830 la Liga del Interior mais il est fait prisonnier l’année suivante. Libéré en 1839, il parvient à fuir à Montevideo en 1840. Au mois de juillet, il se rend à Corrientes où Ferré le nomme chef de l’armée correntina. Ses succès l’amènent à prendre Paraná en 1842, mais Ferré lui retire son soutien au moment où Paz se fait nommer gouverneur de cette province. Exilé à Montevideo, il prend en charge la défense de la ville entre 1842 et 1844. Appelé de nouveau à Corrientes par les Madariaga en 1845, il doit s’exiler de nouveau en 1846 suite à sa tentative de coup d’Etat. Il s’installe à Rio de Janeiro puis revient à Buenos Aires où il participe au soulèvement du 11 septembre 1852. L’année suivante, Paz exerce sa dernière fonction politique en tant que ministre de la Marine et de la Guerre de Buenos Aires.

559 PAZ José María, op. cit. vol. II, pp. 300-302, 309.

560 AGNBA, Sala VII, archivo del general José M. Paz, leg. 99, años 1815-1840. Propension

remarquée aussi in ORBIGNY Alcide d’, op. cit., tome I, 1835, pp. 356-357.

561 En outre, la guérilla correntina, l’arrestation des affiliés d’Echagüe dans Goya et l’évacuation

de cette ville contribuent à freiner l’avance de l’Enrerriano ; AMFBJAD n° 1736, journal, Corrientes, 4 et 19 octobre 1840.

s’accompagne d’une excellente nouvelle en provenance du nord. En effet, après avoir signé un traité d’amitié, de commerce et de navigation avec Corrientes le 31 juillet, José Gaspar Rodríguez de Francia vient de trépasser. Européens et Américains souhaitent voir entrer rapidement en scène ce nouvel acteur. Or, la méconnaissance du Paraguay qu’en ont les élites correntinas en 1840 leur fait recourir aux notions du Français qui instruit par la voie brésilienne les dirigeants

rioplatenses des affaires paraguayennes562.

Le général Paz s’intéresse particulièrement à ce pays, puisque la mort de Francia offre la possibilité d’ouvrir un nouvel espace politique ; on demande alors à Bonpland d’intervenir auprès du nouveau gouvernement en faveur des ennemis de Rosas :

A personne n’échappe la magnitude et la transcendance de cet événement, et de plus, il va exciter des aspirations, produire des calculs plus ou moins judicieux et peut-être créer de nouvelles combinaisons. Vous réaliserez de quelle utilité nous sera votre jugement sur ce qu’il se pense, se projette et se fait là. […] Vous seriez plus qu’utile à ce gouvernement en faisant valoir ses rapports et son aptitude auprès des Paraguayens, que ce soit pour établir des relations politiques ou purement commerciales. Dîtes-nous aussi quelque-chose concernant ceci, c’est-à- dire, votre opinion sur la politique qui doit être menée dans le cas présent563.

La réponse de Bonpland reflète un certain optimisme quant à l’orientation politique du Paraguay mais pense à juste titre qu’il n’est pas possible de les impliquer dans l’immédiat564.

Il est préférable de se tourner vers le Brésil où les victoires des Farrapos font espérer à Bonpland des mois voire des années de paix565. La souveraineté

doit se construire, à partir de Corrientes, grâce à une alliance transnationale à

562 AMFBJAD n° 192, Bonpland à F. Rivera, Salto, 10 juillet 1840.

563 J. M. Paz à Bonpland, 5 novembre 1840, cité in DOMINGUEZ Juan A., op. cit., p. 516. Le 8

novembre, Bonpland apprend par le colonel Ramallo le décès du Dictateur, intervenu le 20 octobre. José María Paz en est informé par Ferré le 30 octobre. Ferré ne sachant comment réagir face à l’événement, Paz demande conseil à Bonpland.

564 « je présume que les Paraguayos suivront pendant quelque temps le systême de leur premier

Dictateur mais que peu à peu ils s’émanciperont. », AMFBJAD n° 328, Bonpland à Humboldt, Montevideo, 30 décembre 1840. Bonpland confie à Paz les mêmes espoirs ; cf. AMFBJAD n° 62, Bonpland à J. M. Paz, Santa Ana, 10 novembre 1840.

défaut d’être transatlantique566, afin de construire la nation contre les factions. La consolidation passe par l’alliance avec les Farrapos, l’Uruguay et la France, au nom d’une

identité de principes et parce que la cause que Corrientes défendait était celle de l’honneur et de la justice de la France, ainsi que celle de la sécurité de l’Etat Oriental567

Paz, moins enclin à rejeter l’idée d’une alliance transnationale que Lavalle – qui combat encore dans la province de Buenos Aires – s’inquiète en novembre de la position de la France et de l’Angleterre concernant la question d’Orient568. Cette dernière puissance se tournant plus vers les affaires européennes, elle voudra finir rapidement avec l’Amérique et une concession opportune de Rosas pourrait priver l’alliance de ces précieux alliés. En cas contraire Paz, qui ignore encore la récente signature du traité Arana-Mackau569, espère un débarquement permettant de terminer rapidement la guerre570. A Bella Unión, Bonpland apprend la rumeur concernant la signature d’un accord bien qu’à Belén le vicaire se montre lui aussi confiant vis-à-vis du combat mené contre Rosas571.

Cet optimisme est confirmé par les renseignements concernant l’Entre Ríos demandés à Bonpland par le général qui ignore la position d’Echagüe et d’Oribe572, mais aussi par un espion dont seuls Paz, Ferré et Bonpland connaissent l’existence. En effet, Rivera est entré en contact avec le général

566 La France se désengage du conflit en octobre.

567« por identitad de principios y porque la causa que Corrientes defendia era la del honor y de la

justicia de la Francia, asi como la de la seguridad del Estado Oriental », in FERRE Pedro,

Mensage. El Gobernador y Capitan General Al Honorable Congreso General Constituyente de la Provincia, AGPC, Correspondencia official, 1840, tome 245.7, 28 novembre 1840, p. 3.

568 La question d’Orient est la cause majeure du retrait français ; elle est, dit Bonpland, « pour nous

un coup mortel ou pour le moins funeste, quand au contraire elle a redonné vie à Rosas. Il n’y pas de doute que l’imminence d’une guerre en Orient a déterminé le cabinet français à conclure le plus rapidement possible la question française dans la Plata », in AGNBA, Sala VII, archivo del general José M. Paz, leg. 99, años 1815-1840.

569 Ce traité signé le 29 octobre 1840 enlève l’appui français aux antirrosistas. Felipe de Arana

(1786-1865) est issu d’une puissante famille commerçante et terrienne bonaerense. Etudiant le droit au Chili, il retourne à Buenos Aires où il participe aux événements de 1810. Il est ministre des Affaires étrangères de 1835 à 1852, déployant une grande adresse pour défendre la souveraineté de l’Argentine, notamment lors du traité signé avec la France en 1840. Ange René Armand de Mackau (1788-1855) débute brillamment sa carrière sous le Premier Empire. Il est promu contre-amiral en 1825 puis vice-amiral en 1837. Chargé de mission à plusieurs reprises en Amérique, il effectue aussi une carrière politique qui débute en 1830 avec un siège de député à Lorient et qui culmine entre 1843 et 1847 lorsqu’il exerce la fonction de ministre de la Marine et des Colonies. Nommé amiral l’année de sa démission, il ne sert pas la Deuxième République mais devient sénateur en 1852.

570 AMFBJAD n° 175, J. M. Paz à Bonpland, Villanueva, 5 novembre 1840. 571 AMFBJAD n° 1737, voyage à Montevideo, Bella Unión, 15-16 novembre 1840. 572 AMFBJAD n° 175, J. M. Paz à Bonpland, Villanueva, 5 novembre 1840.

Urquiza qui commande les forces entrerrianas, par « Monsieur Chaine » envoyé secrètement :

C’est cet individu qui est chargé par le Président de mettre la zizanie entre Urquiza et Echague par le moyen du [premier]. Echagüe proche d’abandonner le gouvernement Mr Dubois indique un Garcia pour être

chef de l’Entre-ríos.573

En outre, il semble que Lavalle, qui a renoué ses relations avec Ferré et Paz, se rapproche de Buenos Aires574. Bien que Rosas, ayant repris l’île de Martín García