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Vers l’instrumentalisation de la culture off dans les politiques

B. Les Frigos : un foyer de résistance

1. Une occupation précaire

Les conditions d’installation et d’occupation des artistes aux Frigos sont marquées par une grande précarité et des relations tendues si ce n’est conflictuelles avec les propriétaires.

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Pour un aperçu actualisé des réalisations à Paris Rive Gauche, on peut consulté le site Internet de la Semapa :

www.parisrivegauche.com

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a. Le site du 91, quai de la Gare

Le site du 91, quai de la Gare96 s’étendait à l’origine du bord de Seine jusqu’aux premières voies ferrées97. Il comprenait, outre le bâtiment principal des Entrepôts Frigorifiques, un bâtiment appelé Mitjaville et plusieurs petits bâtiments ayant accueillis diverses activités industrielles, artisanales et artistiques. Le bâtiment principal du site est celui des Entrepôts Frigorifiques, également appelé Frigos. Il a été construit en 1920, après la première guerre mondiale, dans le cadre de la réorganisation de l’approvisionnement alimentaire de Paris, avec les Grands Moulins de Paris, situés à proximité. Les Entrepôts Frigorifiques permettaient de stocker des denrées périssables, en particulier de la viande. Ils ont été conçus pour cela avec les techniques de l’époque qui constituent encore aujourd’hui les qualités très spécifiques du bâtiment : murs très épais et isolants (avec du liège), forte portance du sol, grande hauteur sous plafond, circuits de refroidissement…

Fig. 5. Les Entrepôts Frigorifiques

Source : Elsa Vivant b. L’arrivée des artistes

Avec le transfert du marché alimentaire des Halles à Rungis, la fonction du bâtiment devient désuète et est abandonné en 1971. Le bâtiment restera inutilisé pendant quelques années. En l’absence de projet pour ce site, la Sncf n’engagera aucun investissement, tant pour la

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Nous verrons par la suite l’importance de cette notion de « site » pour les associations. 97

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conservation du bâtiment que pour sa démolition. En 1980, le propriétaire, la Sncf, met le bâtiment en location afin, d’une part d’en retirer quelques revenus (quoique faibles), et d’autre part de contrôler son occupation, autrement dit, d’éviter les squatters. Le bâtiment n’était pas habitable (selon les normes de confort), et son architecture particulière ne convenait pas à beaucoup d’activités. C’est pourquoi la majorité des locataires exercent des professions particulières : artistiques ou artisanales. La hauteur sous plafond, la taille des lots, l’isolation phonique, la forte portance au sol, et le montant (faible) des loyers satisfont les besoins de ce type d’activités. Les baux attribués aux locataires sont des conventions d’occupation du domaine public, qui légalisent l’occupation mais dans des conditions précaires, c'est-à-dire révocables avec un préavis d’un mois. Les loyers fixés par la Sncf étaient relativement bas (pour la surface des lots). Les occupants ont réalisé un certain nombre de travaux, parfois importants, pour améliorer le confort et l’habitabilité du bâtiment : création de sanitaires, percements de fenêtres…. De plus, à l’époque, le bâtiment était au cœur d’une sorte de no man’s land ferroviaire ; des fêtes mémorables et des concerts pouvaient y avoir lieu sans provoquer de nuisances pour des riverains. Les Frigos sont devenus un lieu symbolique et festif pour toute une génération de jeunes parisiens au milieu des années 1980. Aujourd’hui, le nombre d’usagers du site est estimé à 250 personnes dans 80 ateliers. A l’occasion de journées portes ouvertes organisées deux fois par an, les artistes exposent leurs œuvres, permettant aux visiteurs de découvrir également l’originalité du bâtiment.

c. Les Frigos dans le Paz de 1991 : menaces de démolition

Que prévoit le Plan d’Aménagement de Zone (Paz) de 1991 pour le site du 91, quai de la Gare, et les activités qui y sont installées? Bâtiment sans grand intérêt architectural, situé au niveau des remblais nécessaires à la création de la dalle, les Entrepôts Frigorifiques doivent, selon le Paz de 1991, être détruit. Il ne semble pas alors pouvoir être intégré à la nouvelle topographie du site. Par contre, les artistes pourront être relogés dans les Grands Moulins que l’on prévoit de transformer en Cité des Arts Graphiques. D’autant plus que, dans le cadre du Paz, l’aménageur s’engage à reloger les actuels locataires (réguliers) de la Sncf. Le rapport de présentation du Paz précise:

Section 4.2.2. Les lieux singuliers, points forts de l’animation du nouveau quartier […] d. un nouveau centre d’équipements et d’animation au cœur du secteur Masséna.

[…]Il est en particulier envisagé d’y [dans les Grands Moulins] réinstaller des artistes aujourd’hui installés dans des bâtiments qui ne pourront être conservés du fait des nécessités de l’aménagement d’ensemble : c’est le cas de l’immeuble appelé « frigorifique » appartenant à la SNCF, situé 91, quai de la Gare, à proximité du carrefour entre la rue de Tolbiac et le quai de la Gare, et de l’immeuble situé près du centre de tri postal. […]

Section 6. Le devenir des habitants et des activités actuellement présentés sur le site [concerne les locataires de la Sncf]

6.9 Les autres activités.

La réalisation de la Zac implique également la démolition de divers hangars, ateliers, dépôts, commerces et autres locaux ainsi que le départ d’activités diverses […] notamment :

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- […] les ateliers d’artistes qui sont notamment implantés dans les anciens entrepôts frigorifiques.

[…] en ce qui concerne les ateliers d’artistes, leur relogement sur le site est prévu dans le cadre d’une cité d’artistes, de nature à conserver et renforcer la vocation culturelle du secteur

Direction de l'Aménagement Urbain, 1991: 24 et 49 (souligné par moi)

Ces dispositions n’ont guère enthousiasmé les principaux intéressés qui se sont mobilisés au sein de deux associations pour défendre leur « lieu » ou « locaux de production »98 mais aussi, progressivement, pour promouvoir leur vision de l’avenir du quartier.

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