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Newtown : la création d’un quartier culturel dans un secteur historique dégradé

QUARTIER CULTUREL

B. Newtown : la création d’un quartier culturel dans un secteur historique dégradé

Un des volets de ces stratégies est la promotion de la culture par la requalification d’un quartier central, Newtown, en quartier « culturel ».

1. Le quartier Newtown : secteur historique dégradé

Le site de Newtown est un des sites historiques de la ville, parmi les premières zones urbanisées à la création de Johannesburg, à la fin du XIXème siècle, accueillant des briqueteries, des entrepôts et des camps de squatters. Après une épidémie de peste, les bidonvilles sont détruits et brûlés en 1903. Un plan de développement du site, proche du centre-ville et de la gare de Johannesburg, va le transformer en garde-manger de la ville : un abattoir et un large marché y

environmentally-led program of stabilization and neighborhood development to address immediate problems of inner city decay, as a precursor to growth. » (Bremner, 1998: 191).

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De très nombreux balayeurs participent à la sécurisation des espaces publics car ils sont plus là pour exercer une présence rassurante et une surveillance « flottante » que pour nettoyer.

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sont créés (en 1913) et fonctionneront jusqu’en 1974. Dans les années 1920, une centrale de production électrique est installée (Brink, 1994). Le quartier conserve des marques architecturales du passé industriel, parmi les rares bâtiments anciens de la ville. Après l’arrêt de la centrale et la délocalisation du marché et de l’abattoir, le site perd ses usages productifs et devient une friche urbaine centrale. Progressivement, les bâtiments se dégradent, des squatters s’installent dans les ruines et la criminalité explose. Dans le même temps, dès la fin des années 1970, quelques artistes d’avant-garde se sont installés sur le site, créant, en 1977, le Market Theater, premier théâtre non racial de la ville. Dans le cadre d’une stratégie de (re)développement urbain, le devenir du quartier Newtown devient un enjeu central, en raison de sa localisation : entre l’ancien centre d’affaires en déclin et le quartier commerçant indien de Forsburg, proche de Braumfontein, quartier universitaire et administratif. Il est aujourd’hui l’objet d’un vaste projet urbain de requalification.

Fig. 13. Le quartier Newtown : au cœur de Johannesburg

Fond de plan : Gaule, 2005; Graphisme : Elsa Vivant

2. La création d’un quartier culturel

a. Principes d’aménagement

Le quartier a « spontanément » attiré les artistes off dès les années 1970, ce qui a inspiré un projet public de transformation en quartier culturel. L’aménageur de la zone est la Johannesburg Development Agency (Jda), agence municipale en charge de la mise en œuvre des projets urbains et économiques de la municipalité. Le projet bénéficie également du support financier de la province du Gauteng, via son agence de développement BlueIQ. Les objectifs affichés de ce projet sont multiples. D’abord, il s’agit de conserver et valoriser le patrimoine architectural. Dans cette ville récente, les traces du passé sont rares, et la mise en valeur patrimoniale d’un des sites historiques de la ville participe à la constitution d’une histoire et d’une identité collectives trans-raciales. Un effort particulier est mené pour réhabiliter les anciens bâtiments industriels.

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Ensuite, participant à la reconnaissance et à l’institutionnalisation des artistes pionniers, le mouvement d’installation de lieux culturels a été amplifié par la création (ou relocalisation) d’équipements culturels publics d’envergure comme le MuseumAfrica, avec l’espoir de provoquer une spirale positive d’interactions entre les acteurs culturels. Une seconde étape dans le développement du secteur prévoit l’installation d’entreprises créatives (cabinets d’architectes, médias, agences de publicité). Enfin, une vaste opération de requalification de l’espace public accompagne l’installation des équipements. Il s’agissait dans un premier temps de « pacifier » la zone en délogeant les squatters, en installant un système de vidéosurveillance et de présence humaine. La « reconquête » du territoire est marquée par un travail d’embellissement des espaces extérieurs : conception de l’éclairage par un designer, réalisation d’une vaste place centrale pouvant accueillir des évènements (Mary Fitzgerald Square), création d’une signalétique spécifique.

Parallèlement aux actions menées dans le quartier, plusieurs projets participent au désenclavement du site. La réhabilitation de la gare de transport Métro Taxi Rank et de son marché a amélioré les conditions de transit pour les usagers des transports en communs venant de quartiers pauvres. L’accessibilité du site a été améliorée grâce à la construction du pont Nelson Mandela, ouvert en 2003, qui facilite l’accès entre Newtown et Bramfontein, quartier universitaire et administratif. L’attractivité du site est renforcée également par la présence d’un centre commercial, Oriental Plaza, à Forsburg.

b. Eléments du projet

En 2004, la requalification du quartier n’était pas achevée ; de nombreux projets sont en cours de réalisation ou en prévision. Le secteur est pourtant déjà présenté comme un centre culturel et artistique dynamique, grâce à la présence de différents équipements :

• Des musées : le MuseumAfrica (musée municipal sur l’histoire et la culture sud-africaine, relocalisé à Newtown en 1994), le musée de la bière (musée privé d’une brasserie sud-africaine : the South African Brewery), Sci-Bono Discovery Centre (centre public de découverte de la science, ouvert en 2004), workers library museum (centre culturel syndicaliste et anarchiste) ;

• Des lieux de spectacles : Kippie’s (boite de jazz), Market Theatre, Newtown Music Hall, Dance Factory ;

• Des cafés et restaurants dont le Horror Café (qui accueille des soirées musicales) et Moyo (restaurant de fusion africaine) ;

• Une vaste halle qui accueille une exposition d’artisanat sud-africain, des associations et un centre de formation d’art graphique (the Bus Factory) ;

• Une douzaine d’ateliers d’artistes (the Bag Factory) ; • L’Institut Français d’Afrique du Sud.

D’autres espaces sont utilisés de manières irrégulière, à l’occasion d’événements ou de fêtes spéciales comme The Mills (qui accueille des soirées techno) et le Turbine Hall193 (parfois utilisé pour des défilés ou des concerts). Sur le papier, Newtown paraît être un quartier dynamique et attractif. Toutefois, derrière cet avantageux catalogue se cache une réalité beaucoup plus terne.

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Fig. 14. Localisation des différents équipements du quartier Newtown

1 MuseumAfrica

2 Market Theatre & Restaurant Moyo 3 Kippies (salle de concert) 4 Institut Français d’Afrique du Sud 5 Café Couch

6 Place Mary Fitzgerald 7 Café Nikki’s Oasis

8 Worker’s Museum 9 Place centrale 10 Turbine Hall 11 Café Horror 12 Musée de la bière 13 SciBono Center 14 Café Shivava

15 Moving into Dance 16 Dance Factory 17 Newtown Music Hall 18 Bus Factory (centre d’artisanat) 19 Carfax nightclub

Source : Elsa Vivant 100m

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3. Newtown : cheval de Troie de la reconquête du centre ?

Newtown est présenté comme un projet phare de la municipalité en matière culturelle et urbaine. La ville attend de cette requalification des effets d’entraînement sur l’ensemble de la ville-centre. La sécurisation du quartier, son animation et son accessibilité nouvelle favoriseraient l’attractivité du quartier vis-à-vis d’une population qui évite actuellement le centre. Le processus de changement escompté pourrait être celui-ci : progressivement les gens viendront visiter le site pour aller au spectacle ou au restaurant, et petit à petit, l’image du quartier changerait et il ne serait plus perçu comme un site dangereux et infréquentable. Ce changement d’image se diffuserait et profiterait à l’ensemble de la zone centrale ; d’autant plus que Newtown n’est pas le seul axe de la revitalisation du centre. D’autres opérations sont en cours. L’espace public est réhabilité dans l’ensemble de la zone : les caméras de vidéosurveillance pullulent, les rues sont repavées, l’éclairage redessiné. En matière de développement économique, une zone franche fiscale a été mise en place pour attirer les entreprises. La ville souhaite, par exemple, promouvoir le secteur de la mode et du textile : elle a créé un fashion district dans le centre, institutionnalisant un tissu économique informel qui s’était développé depuis une dizaine d’années grâce à l’arrivée d’immigrants. Dans le cadre de ce projet, des outils et des formations sont développés à l’attention des micros entrepreneurs (Rogerson, 2004, Kesper, 2003)194. Newtown s’inscrit également dans le prolongement du plan de re-développement de Bramfontein, qui comprend notamment un projet d’ouverture de l’université de Witwatersrand sur la ville en rendant certaines de ses infrastructures ouvertes au public (musée, salles de spectacle)195. Ce plan renforce également le pôle administratif et culturel autour de l’Hôtel de Ville et du Civic Theatre, par exemple avec l’ouverture du musée de Constitution Hill. En fait, selon S. Gaule, les actions de restructuration et de revitalisation urbaine à Newtown symboliseraient le passage d’une ville coloniale à une métropole post- apartheid (Gaule, 2005).

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