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Un rôle relatif

Dans le document Les distinctions dans le droit de la filiation (Page 115-118)

§ I Hier : la place résiduelle de la reconnaissance

A) Un rôle relatif

Avant l’adoption de l’article 311-25 du Code civil, la reconnaissance figurait dans les textes en tant que mode principal d’établissement de la maternité hors mariage. C’était même le seul que le code de 1804 avait expressément institué. C’est la jurisprudence qui, la première, élargit les moyens d’établissement. Elle fut suivie par le législateur qui, en 1972, donna une portée nouvelle à l’acte de naissance corroboré par la possession d’état (1), politique que la doctrine s’empressa de relayer par des interprétations possibles de l’article 337 du Code civil, issu de la loi du 3 janvier 1972 (2).

1 L’établissement de la maternité hors mariage en l’absence d’une reconnaissance formelle

Au tout début, les textes exigeaient une reconnaissance pour que le lien maternel ne s’inscrivant pas dans une union conjugale puisse être établi.

Cependant, la rédaction maladroite de l’article 336 du Code civil, aux termes duquel

l’égard du père », conduisit la Cour de cassation124 à déclarer, par une interprétation a

contrario, que la reconnaissance du père avec indication du nom et aveu de la mère

établit le lien de filiation à l’égard de celle-ci.

Par tempérament au principe de l’indépendance des reconnaissances, celle effectuée par un seul des parents, à savoir le père, pouvait avoir des effets sur le lien maternel. Certes, l’acte devait mentionner le nom de la mère et être corroboré par l’aveu exprès ou tacite de celle-ci. Mais il n’en demeurait pas moins que la maternité était établie sans qu’une reconnaissance formelle soit nécessaire. L’aveu de la mère pouvait tout aussi bien résulter d’une possession d’état que d’une reconnaissance nulle parce qu’en la forme d’une simple lettre au lieu d’un acte authentique.

Consacrée par la Chambre civile, le 25 juin 1877, la jurisprudence sur l’interprétation a contrario de l’article 336 perdit la majeure partie de son utilité avec l’adoption de la loi du 3 janvier 1972, dont était issu l’article 337 du Code civil, dans sa rédaction antérieure à l’ordonnance de 2005.

L’article 337 du Code civil disposait : « l’acte de naissance portant l’indication de

la mère vaut reconnaissance, lorsqu’il est corroboré par la possession d’état ». Il ne

déclarait pas que la maternité était établie, mais seulement que le concours des deux conditions énoncées équivalait à une reconnaissance, laquelle établissait la filiation maternelle. La reconnaissance conservait donc son rôle principal : quelque part, c’était toujours une reconnaissance qui était exigée. Seulement, la loi prévoyait un équivalent.

Pour justifier cette règle, on expliquait qu’il arrivait fréquemment que la mère, sachant son nom inscrit dans l’acte de naissance et ignorant qu’il faille malgré tout une reconnaissance, croie sa maternité établie. Et ce n’est que beaucoup plus tard, bien souvent à son décès, lorsque l’enfant venait se présenter en tant qu’héritier réservataire afin de recueillir la succession, que l’on découvrait l’absence de lien légal entre la femme et celui qu’elle avait élevé. Le législateur a voulu remédier à cette situation en faisant du concours de l’acte de naissance mentionnant le nom de la mère et de la possession d’état un équivalent de la reconnaissance maternelle, la maternité de la femme visée étant alors fort probable. En cela, le réalisme du droit rejoignait la croyance populaire.

S’il était exigé une possession d’état, condition supplémentaire par rapport à ce que prévoyait alors l’article 319 du Code civil pour la maternité s’inscrivant dans l’union matrimoniale125, c’était, aux dires de certains, parce que l’indication du nom de la femme ayant accouché ne provenant pas d’elle-même mais d’un tiers126, cette indication ne pouvait s’imposer à elle que si elle l’avait implicitement ratifiée par son comportement envers l’enfant.

124

Cass., civ., 25 juin 1877, « Lambert contre Ferlet » : H. CAPITANT, Y. LEQUETTE et F. TERRE, « Les grands arrêts de la jurisprudence civile : Tome 1 », Dalloz, 2000, p. p. 239-245.

125

C. civ., art. 319 (L. n°72-3 du 3 janv. 1972) : « La filiation des enfant légitimes se prouve par les actes

de naissance inscrits sur les registres de l’état civil ».

126

Rapidement est apparue la question de savoir si le législateur, en adoptant l’article 337, n’avait pas souhaité attribuer la primauté à l’acte de naissance, la doctrine offrant alors diverses interprétations qu’elle renouvela avec l’adoption de la loi de 1982 introduisant la possession d’état parmi les modes autonomes d’établissement du lien maternel en dehors de l’union conjugale.

2 La faveur pour l’acte de naissance

Plusieurs auteurs, à l’image de RAYNAUD, se sont interrogés sur l’équilibre des forces en présence, c’est-à-dire l’acte de naissance indiquant le nom de la mère et la possession d’état, au sein de l’article 337 : « Suivant que l’on veut minimiser la réforme

ou lui donner une plus grande ampleur, on donnera le rôle essentiel à l’acte de naissance ou à la possession d’état »127.

Quoiqu’il en soit, ce texte était, malgré le rôle dévolu à la possession d’état, « le

signe d’un affaiblissement du principe classique selon lequel la filiation naturelle ne se prouv[ait] pas par l’acte de naissance »128.

Le débat reçut un intérêt renouvelé avec l’adoption de la loi du 25 juin 1982 qui fît de la possession d’état un mode de preuve extrajudiciaire se suffisant à lui-même pour établir légalement la filiation maternelle hors union conjugale129. La possession d’état ayant acquis son autonomie, il a été suggéré de nouvelles interprétations de l’article 337 davantage axées sur l’acte de naissance.

CARBONNIER présentait deux lectures successives. La première était que « foi

provisoire [était] due au titre, en attendant que la possession d’état peu à peu soit constituée »130. La seconde était que « l’acte de naissance [valait] reconnaissance à lui

seul, la possession d’état n’étant plus requise que pour prouver l’identité du réclamant avec l’enfant mentionné dans l’acte »131. Ainsi, l’article 337 ancien conservait une utilité, malgré la réforme intervenue en 1982.

La mention du nom de la mère dans l’acte de naissance pouvait également présenter l’avantage de rendre convaincante la possession d’état en partant d’un acte officiel.

127

P. RAYNAUD, « L’acte de naissance de l’enfant naturel », Mélanges G. MARTY, Université des sciences sociales de Toulouse, 1978, p. 911.

128

P. MURAT, « L’égalité des filiations légitime et naturelle quant à leur mode d’établissement : jusqu’où aller ? », op. cit. note 123, p. 5.

129

C. civ., art. 334-8, al. 2 (L. n°82-536 du 25 juin 1982) : « La filiation naturelle peut aussi se trouver

légalement établie par la possession d’état […] ».

130

J. CARBONNIER, « Droit civil : La famille », PUF, 1997, n°316.

131

Dans un rapport publié en 1998132, Irène THERY proposait une nouvelle formulation de l’article 337 : « L’acte de naissance portant l’indication du nom de la

mère vaut reconnaissance à moins qu’il ne soit pas corroboré par la possession d’état »133, ce qui induisait un renversement de la charge de la preuve.

La commission présidée par Françoise DEKEUWER-DEFOSSEZ a préféré supprimer toute référence à la possession d’état134, l’acte de naissance, comme la possession d’état, pris isolément, suffisant parfois à l’établissement de la maternité sans qu’il y ait de lien matrimonial entre les parents biologiques.

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