• Aucun résultat trouvé

Un mode d’établissement commun

Dans le document Les distinctions dans le droit de la filiation (Page 124-128)

§ I Hier : la place résiduelle de la reconnaissance

B) Un mode d’établissement commun

L’énoncé de l’article 316 alinéa 1er est assez vague, en ce qu’il ne précise pas si la possibilité de « reconnaissance de maternité » concerne uniquement la maternité existant en dehors de tout lien conjugal ou si l’expression englobe également la maternité d’une femme mariée.

Or, le doute est permis si l’on considère que, historiquement, la reconnaissance n’a jamais été un mode d’établissement du lien maternel s’inscrivant dans un mariage. Devant la consécration d’une telle nouveauté, comment ne pas légitimement s’attendre à ce qu’il soit expressément indiqué que la règle de l’article 316 est applicable à la maternité hors mariage comme à la maternité en mariage ?

En outre, on observe que la législation française est rarement éloignée de celle des Etats voisins, en particulier la Belgique, dont le Code civil était auparavant commun au notre. Or, si l’on se réfère à l’article 313 du code belge, on constate que seule la mère non mariée avec le père de l’enfant peut reconnaître ce dernier lorsque son nom n’est pas mentionné dans l’acte de naissance ou lorsque cet acte fait défaut.

172

C. civ., art. 333, al. 1er : « Lorsque la possession d’état est conforme au titre, seuls peuvent agir

l’enfant, l’un de ses père et mère ou celui qui se prétend le parent véritable. […] ».

173

C. civ., art. 336 : « La filiation légalement établie peut être contestée par le ministère public si des

indices tirés des actes eux-mêmes la rendent invraisemblable ou en cas de fraude à la loi ».

174

Cependant, d’autres arguments, plus nombreux et mieux en accord avec la réforme de 2005 et son esprit, militent en faveur de l’application indifférenciée de l’article 316 lorsqu’il est question de la filiation maternelle175.

Premièrement, l’un des objectifs des rédacteurs de l’ordonnance du 4 juillet 2005 était l’unification, au maximum, des règles relatives à la filiation176. Il ne s’est donc pas agi d’établir une nouvelle hiérarchie entre les maternités en mariage et hors mariage, au profit cette fois-ci de la seconde.

Deuxièmement, si l’absence de précision peut soulever le doute, elle sert davantage la thèse de l’uniformité des modes d’établissement : « là où la loi ne distingue pas, il

n’y a pas lieu de distinguer ». D’ailleurs la modification, par l’ordonnance, de l’intitulé

de la section III du chapitre II du titre II du Livre premier va dans ce sens, puisqu’elle consiste en l’amputation des termes « d’un enfant naturel », pour donner « De l’acte de

reconnaissance ». Et les dispositions figurant dans cette section ont subi le même

sort177.

Enfin l’action en revendication d’enfant « légitime », qui figurait à l’article 328 du Code civil et qui permettait à une épouse d’établir sa maternité à l’égard d’un enfant dans le cas où celle-ci ne l’aurait pas été par l’acte de naissance ou la possession d’état, a aujourd’hui disparu des textes. Ceci implique que, si l’on refuse à cette femme le bénéfice de l’article 316, elle ne pourra pas rectifier d’elle-même la situation, alors que les hypothèses précédemment envisagées de non établissement du lien maternel dans les conditions de l’article 311-25 du Code civil peuvent, comme une femme célibataire, la concerner.

175

La plupart des auteurs se prononcent en faveur de cette solution, not. P. SALVAGE-GEREST, « La reconnaissance d’enfant, ou de quelques surprises réservées par l’ordonnance du 4 juillet 2005 », Dr.

fam., 2006, ét. 4, p. 13 : « La reconnaissance […] peut être utilisée par les mères, mariées ou non » ; et p.

14 : « Il sera désormais possible à la mère mariée […] de reconnaître elle aussi son enfant […] ».

176

« La filiation sur ordonnance… », RJPF, 2005, 3/39, brèves : « En vertu de la loi d’habilitation du 9

décembre 2004, le gouvernement est autorisé […] à modifier par ordonnance les dispositions du Code civil relatives à la filiation afin de tirer les conséquences de l’égalité de statut entre les enfants, quelles que soient les conditions de leur naissance […] ».

F. GRANET-LAMBRECHTS, « Propos introductifs », dossier Le nouveau droit de la filiation, AJFam., 2005, p. 425 : Parmi les « objectifs énumérés dans l’article 4 » de la L. n°2004-1343 du 9 déc. 2004, figurait : « unifier les conditions de l’établissement de la filiation maternelle. […] Dans son ensemble,

l’ordonnance du 4 juillet 2005 a été élaborée dans un souci […] d’harmonisation des règles de fond concernant l’établissement […] de la filiation des enfants nés dans le mariage ou hors mariage ».

A-M LEROYER et J. ROCHFELD, Législation française : ordonnance du 4 juillet 2005 portant réforme de la filiation, RTDciv., 2005, p. 837 : « L’esprit de la réforme repose sur deux objectifs principaux [dont celui d’] unifier le droit de la filiation pour parfaire l’égalité entre les enfants […] ».

177

Cf. c. civ., art. 62, al. 1er, qui prévoit désormais que « l’acte de reconnaissance énonce les prénoms,

nom, date de naissance ou, à défaut, âge, lieu de naissance et domicile de l’auteur de la reconnaissance », au lieu de : « l’acte de reconnaissance d’un enfant naturel énonce […] », comme

Bien évidemment, si celle dont la maternité n’est pas établie est unie au père par un lien matrimonial, il va se poser inévitablement la question de l’établissement de la filiation paternelle qui, normalement, résulte de l’application de la présomption de paternité dans les conditions énoncées aux articles 312 et suivants du Code civil.

Tant que l’on ignore qui est la mère, on ne peut pas déterminer si le père est marié à celle-ci. Il faut donc envisager que, dans un premier temps, la présomption de l’article 312 ne s’applique pas. Quand ensuite la femme reconnaît l’enfant, on peut imaginer soit l’application à retardement de la présomption au profit de son époux, soit l’exercice de l’action en rétablissement des effets de la présomption de paternité si l’on se trouve dans l’un des cas visés aux articles 313 alinéa 1er et 314 du Code civil, lesquels évoquent des soucis dans la relation de couple, ce qui peut expliquer que la filiation maternelle n’ait pas été établie conformément à l’article 311-25 du Code civil.

Le problème de l’établissement de la paternité du mari ne devrait d’ailleurs pas tellement se poser, la non désignation de la mère dans l’acte de naissance impliquant bien souvent que l’enfant n’est pas issu des œuvres de celui-ci. Aussi le véritable père, non engagé dans des liens conjugaux avec la mère, pourra-t-il voir sa paternité établie en effectuant simplement une reconnaissance.

On pourrait voir dans la diminution de la place de la reconnaissance, concernant l’établissement de la filiation maternelle, un recul du rôle de la volonté. Mais il ne s’agit là que d’une apparence.

D’abord parce que, même si ce n’est qu’à titre subsidiaire – un peu comme une solution de secours – la reconnaissance fait toujours partie des modes de preuve du lien maternel, son domaine d’application ayant d’ailleurs été étendu à la maternité en mariage.

Ensuite, parce qu’une femme n’est nullement obligée de faire figurer son nom sur l’acte de naissance de l’enfant dont elle a accouché. En cela, l’acte de naissance traduit également l’aspect volontaire de la filiation maternelle.

Devenue la norme pour l’établissement volontaire des maternités en et hors mariage, la simple désignation dans le registre des naissances ne saurait l’être pour la paternité, que celle-ci s’inscrive ou non dans une union conjugale. Tenant à la nature des choses, la distinction semble irréductible.

Dans le document Les distinctions dans le droit de la filiation (Page 124-128)

Outline

Documents relatifs