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Un milieu biparental

Dans le document Les distinctions dans le droit de la filiation (Page 169-172)

§ I Des couples différemment traités

A) La faveur pour les couples mariés

1 Un milieu biparental

A la fois contrat et institution, le mariage est une union dont la loi civile règle les conditions, les effets et la dissolution. Perçues comme les plus stables et les plus durables, les relations conjugales assurent le plus souvent un foyer biparental en raison d’une part du statut impératif de base14 auquel sont soumis les époux15, lequel implique que ces derniers bâtissent ensemble un foyer uni, d’autre part des règles applicables en matière d’autorité parentale.

Parmi les obligations qui incombent aux gens mariés, figure celle d’une communauté de vie16. Il ne s’agit pas de la simple cohabitation dans un sens purement matériel. La communauté de vie doit s’entendre d’une communauté d’esprits, née de la volonté d’associer deux existences, qui vient concrétiser l’intention matrimoniale, cause de l’engagement initial des intéressés. Sa matérialisation, à travers la vie commune sous un même toit, ce qui rejoint ici la notion traditionnelle de cohabitation, est souvent la conséquence de cette communauté d’affection, bien qu’il arrive parfois que les conjoints soient confrontés à l’impossibilité, en raison d’une cause indépendante de leur volonté17, d’habiter effectivement et quotidiennement ensemble.

Il n’en demeure pas moins que, de manière générale, l’enfant adopté par des gens mariés grandit auprès de ses deux parents légaux, qui vivent ensemble au quotidien. En outre, il est tout fait pour que la séparation du couple ne signifie pas la fin de la coparentalité.

Le législateur s’est très tôt préoccupé de la situation de l’enfant dont les parents divorcent ou ont recours à la séparation de corps, l’article 304 du Code civil énonçant que « […] les conséquences de la séparation de corps obéissent aux mêmes règles que

les conséquences du divorce énoncées au chapitre III […] ».

Jusqu’à la réforme du 4 mars 2002, ce chapitre avait une section III contenant plusieurs articles intéressant les conséquences pour les enfants18. Désormais, la section

14

Cf. c. civ., Chap. VI : « Des devoirs et des droits respectifs des époux », art. 212 et suiv.

15

Alain BENABENT (rapp. « L’enfant d’abord », op.cit. note 4) explique qu’il existe un lien entre la gradation de droits et de devoirs des trois formes de vie en couple (concubinage, pacte civil de solidarité, mariage) et le caractère durable de l’engagement : « Le concubinage n’existe qu’autant que l’union dure ;

mais il n’y a aucun engagement. Dans le PACS, il y a un engagement et des obligations, mais avec un caractère non pas éphémère – un PACS peut durer longtemps –, mais bien précaire au sens juridique du terme, autrement dit susceptible de s’interrompre à tout moment. Dans le mariage au contraire, l’engagement est durable – ce qui ne signifie pas définitif –, en ce sens que, pour en sortir, il faut passer par une procédure ».

16

C. civ., art. 215, al. 1 : « Les époux s’obligent mutuellement à une communauté de vie ».

17

Par ex., des engagements professionnels en des lieux trop éloignés pour que les époux puissent se retrouver tous les soirs sous un toit commun.

18

III ne renferme plus qu’un article unique19 aux termes duquel : « Les conséquences du

divorce pour les enfants sont réglées selon les dispositions du chapitre Ier du titre IX du présent livre20 »21.

Le premier texte de la section III relative aux « conséquences du divorce pour les enfants » est l’article 286 qui prévoyait, antérieurement à la loi de 2002, que « le

divorce laiss[ait] subsister les droits et les devoirs des père et mère à l’égard de leurs enfants, sous réserve des règles qui suivent ».

De 197522 à 1987, l’exercice de l’autorité parentale était confié à l’un seulement des parents, qui assumait la charge de l’enfant et disposait des pouvoirs nécessaires à cette fin. L’autre parent ne bénéficiait que de droits réduits afin de préserver une certaine unité dans la direction de l’enfant.

La loi Malhuret du 22 juillet 1987 avait refondu les textes. Aux termes de l’article 373-2, lorsque les père et mère étaient divorcés ou séparés de corps, « l’autorité

parentale [était] exercée soit en commun par les deux parents, soit par celui d’entre eux à qui le tribunal l’a[vait] confiée […] ». L’article 287 précisait que c’était « l’intérêt des enfants mineurs » qui devait guider la solution23.

Si l’exercice était unilatéral, le parent qui ne l’avait pas bénéficiait d’un « droit de

visite et de surveillance »24. En vertu de l’article 288, en effet, il « conserv[ait] le droit

de surveiller l’entretien et l’éducation des enfants et [devait] être informé, en conséquence, des choix importants relatifs à la vie de ces derniers […] »25, « un droit

de visite et d’hébergement ne [pouvait] lui être refusé que pour des motifs graves »26.

La disposition n’avait pas été modifiée par la loi du 8 janvier 1993. En revanche, la rédaction des articles 287 et 373-2 avait été changée afin de réserver une plus grande place à l’exercice conjoint. Le dernier de ces textes renvoyait à l’article 287, selon lequel « l’autorité parentale [était] exercée en commun par les deux parents […] »27. Ce n’était que « si l’intérêt de l’enfant le command[ait] » que « le juge [pouvait]

confier » cet exercice à l’un d’eux seulement28.

19

C. civ., art. 286.

20

Livre premier intitulé : « Des personnes ».

21

Ce qui renvoie au chap. intitulé : « De l’autorité parentale relativement à la personne de l’enfant ».

22

L. n°75-617 du 11 juil. 1975 portant réforme du divorce, JO, 12 juil. 1975, p. 7171.

23

C. civ., art. 287 (L. n°87-570 du 22 juil. 1987) : « Selon l’intérêt des enfants mineurs, l’autorité

parentale est exercée en commun par les deux parents après que le juge ait recueilli leur avis, soit par l’un d’eux […] ».

24

C. civ., art. 373-2 (L. n°87-570 du 22 juil. 1987).

25

C. civ., art. 288, al. 1er (L. n°87-570 du 22 juil. 1987).

26

C civ., art. 288, al. 2 (L. n°87-570 du 22 juil. 1987).

27

C. civ., art. 287, al. 1er (L. n°93-22 du 8 janv. 1993).

28

La loi du 4 mars 2002 prévoit toujours cette possibilité, mais cette fois-ci dans l’article qui suit29 celui énonçant le principe d’un exercice commun30, et non dans l’alinéa qui suit, comme c’était le cas précédemment31. Il existe toujours un droit de surveillance32 ainsi qu’un droit de visite et d’hébergement au profit du parent à qui l’exercice de l’autorité n’a pas été confié. Ce droit ne peut lui être refusé que pour motifs graves33. Lorsque les rencontres entre l’enfant et le parent présentent un risque, la loi du 5 mars 200734 a inséré à l’article 373-2-1 du Code civil un alinéa destiné à éviter le délitement de leurs rapports tout en assurant une protection à l’enfant :

« Lorsque la continuité et l’effectivité des liens de l’enfant avec ce parent l’exigent, le juge aux affaires familiales peut organiser le droit de visite dans un espace de rencontres désigné à cet effet »35. Enfin, les rédacteurs ont pris soin d’ajouter que

« chacun des père et mère doit maintenir des relations personnelles avec l’enfant et respecter les liens de celui-ci avec l’autre parent »36.

L’objectif est que l’autorité parentale demeure exercée conjointement, bien que des aménagements s’avèrent parfois nécessaires, et que l’enfant conserve des rapports tant avec sa mère qu’avec son père. Or, il résulte des articles 35837 (pour l’adoption plénière) et 36538 (pour l’adoption simple) que le régime de l’autorité parentale est identique à celui intéressant l’enfant biologiquement issu de ses parents légaux. Le principe est donc que le couple adoptant a39 et exerce40 conjointement l’autorité parentale, et que la séparation de ses membres « est sans incidence »41.

29

C. civ., art. 373-2-1, al. 1er (L. n°2002-305 du 4 mars 2002) : « Si l’intérêt de l’enfant le commande, le

juge peut confier l’exercice de l’autorité parentale à l’un des deux parents ».

30

C. civ., art. 373-2, al. 1er (L. n°2002-305 du 4 mars 2002) : « La séparation des parents est sans

incidence sur les règles de dévolution de l’exercice de l’autorité parentale », dont le principe, inscrit à

l’art. 372 al. 1, est que « Les père et mère exercent en commun l’autorité parentale ».

31

Cf. c. civ., art. 287, al. 1 et 2 (L. n°93-22 du 8 janv. 1993).

32

Qui est également un devoir, conformément à l’art. 373-2-1 dernier al. c. civ. : Le parent à qui n’a pas été confié l’exercice de l’autorité parentale « conserve le droit et le devoir de surveiller l’entretien et

l’éducation de l’enfant. Il doit être informé des choix importants relatifs à la vie de ce dernier […] ».

33

C. civ., art. 373-2-1, al. 2 (L. n°2002-305 du 4 mars 2002) : « L’exercice du droit de visite et

d’hébergement ne peut être refusé à l’autre parent que pour des motifs graves ».

34

L. n°2007-293 du 5 mars 2007, JO, 6 mars 2007.

35

C. civ., art. 373-2-1, al. 3 (L. n°2007-293 du 5 mars 2007).

36

C. civ., 373-2, al. 2 (L. n°2002-305 du 4 mars 2002).

37

C. civ., art. 358 : « L’adopté a, dans la famille de l’adoptant, les mêmes droits et les mêmes obligations

qu’un enfant dont la filiation est établie en application du titre VII du présent livre ».

38

C. civ., art. 365 : « L’adoptant est seul investi à l’égard de l’adopté de tous les droits d’autorité

parentale […]. Les droits d’autorité parentale sont exercés par le ou les adoptants dans les conditions prévues par le chapitre Ier du titre IX du présent livre ».

39

C. civ., art. 371-1, al. 2 : L’autorité parentale « appartient aux père et mère […] ».

40

C. civ., art. 372, al. 1er : « Les père et mère exercent en commun l’autorité parentale ».

41

C. civ., art. 373-2, al. 1er : « La séparation des parents est sans incidence sur les règles de dévolution de

l’exercice de l’autorité parentale ». Al. 2 : « Chacun des père et mère doit maintenir des relations personnelles avec l’enfant et respecter les liens de celui-ci avec l’autre parent ».

En exigeant que le couple candidat à une adoption conjointe soit uni par un engagement conjugal, le législateur espère s’assurer, à défaut de la stabilité et de la durabilité du milieu familial, du moins une parentalité bicéphale constituée d’individus de sexe différent.

Dans le document Les distinctions dans le droit de la filiation (Page 169-172)

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