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La présence d’un mariage : élément suffisant

Dans le document Les distinctions dans le droit de la filiation (Page 194-198)

§ II Une différence de traitement injustifiée

B) La présence d’un mariage : élément suffisant

L’article L 2141-2 alinéa 3 du Code de la santé publique autorise les couples mariés à recourir à une assistance médicale à la procréation.

Il n’est nullement exigé que la célébration de l’union remonte à deux ans, ni qu’il ait existé au moins deux ans de vie commune. Les époux qui désirent bénéficier d’une aide

médicale pour concevoir un enfant n’ont qu’à présenter leur livret de famille, qui comporte l’extrait de l’acte de mariage139, afin de prouver qu’ils sont bien mariés.

L’acte de mariage est d’ailleurs la seule preuve admissible, en vertu de l’article 194 du Code civil140, « sauf les cas prévus par l’article 46, au titre Des actes de l’état

civil », qui visent la non tenue et la perte des registres, et pour lesquels « la preuve en sera reçue tant par titres que par témoins »141. Il se peut aussi qu’il y ait eu destruction de l’acte par infraction pénale. L’article 198 du Code civil prévoit que la transcription du jugement de condamnation sur les registres de l’état civil tiendra lieu de preuve de la célébration légale de l’union142.

Il est permis de s’interroger sur la différence de traitement dont les concubins sont victimes. Certes, le mariage implique l’existence d’une communauté de vie, au moins dans son aspect affectif, ce qui justifie qu’il n’est pas réclamé aux conjoints de rapporter la preuve d’une vie commune. Mais comment expliquer la durée minimale de deux ans imposée seulement à ceux qui ne sont pas mariés143 ?

Peut-être parce que, de nos jours, avant de s’engager devant la loi, la plupart des gens vivent d’abord ensemble pendant plusieurs années. On peut aussi y voir une survivance de la faveur du droit pour l’union matrimoniale, en laquelle il aurait davantage confiance. N’oublions pas que la famille fondée sur le mariage est longtemps demeurée le modèle de référence et l’est encore parfois, même si c’est de façon moins flagrante. Elle reste le symbole du foyer uni, de la cellule parentale idéale, c’est-à-dire composée d’un père et d’une mère.

Néanmoins, il lui arrive parfois d’être en crise : le couple conjugal peut se disloquer. Le législateur ne l’ignore pas, puisqu’il réserve expressément les cas de divorce et de séparation de corps.

En vertu de l’article L 2141-2 alinéa 3 du Code de la santé publique, « le dépôt

d’une requête en divorce ou en séparation de corps » fait « obstacle à l’insémination ou au transfert des embryons ».

Dans de telles hypothèses, le couple est en train de disparaître.

139

D. n°74-449 du 15 mai 1974 modifié par le D. n°2006-640 du 1er juin 2006, art. 2, op. cit. note 136. L’art. 76 dernier al. c. civ. prévoit aussi la « mention de la célébration du mariage et du nom du

conjoint » « en marge de l’acte de naissance de chaque époux ».

140

C. civ., art. 194: « Nul ne peut réclamer le titre d’époux et les effets civils du mariage, s’il ne

représente un acte de célébration inscrit sur le registre de l’état civil […] ».

141

C. civ., art. 46: « Lorsqu’il n’aura pas existé de registres, ou qu’ils seront perdus, la preuve en sera

reçue tant par titres que par témoins […] ».

142

C. civ., art. 198: « Lorsque la preuve d’une célébration légale du mariage se trouve acquise par le

résultat d’une procédure criminelle, l’inscription du jugement sur les registres de l’état civil assure au mariage, à compter du jour de sa célébration, tous les effets civils, tant à l’égard des époux, qu’à l’égard des enfants issus de ce mariage ».

143

Généralement, lorsqu’une procédure de divorce est engagée, elle aboutit au prononcé de celui-ci. Or, « Le mariage se dissout : […] 2° Par le divorce légalement

prononcé […] »144, ce qui signifie que plus aucune des obligations conjugales ne subsistent, dont celle de communauté de vie.

Pour les cas où la demande est définitivement rejetée, l’article 258 du Code civil autorise le juge à organiser judiciairement la séparation des époux145. Il s’agit d’une séparation de fait qui laisse en principe intact le lien matrimonial, se limitant seulement à une suspension de l’obligation de cohabitation. L’autorisation de résidence séparée n’est que provisoire. La Cour de cassation a d’ailleurs censuré un arrêt qui, statuant sur la résidence de la famille, avec fixé celle de l’épouse « sa vie durant » dans un immeuble appartenant au mari146. On a toutefois du mal à imaginer une réconciliation entre les protagonistes…

La séparation de corps, quant à elle, « ne dissout pas le mariage ». « Elle met [seulement] fin au devoir de cohabitation »147. Elle opère un relâchement du lien matrimonial en permettant aux conjoints d’être dispensés de l’obligation de vie commune. Elle met donc fin à l’unité de résidence et au devoir conjugal. C’est une séparation judiciaire qui, à la différence de celle prévue à l’article 258 du Code civil, est durable. Elle est majoritairement suivie d’un divorce, rarement d’une reprise de la vie commune.

On s’aperçoit que, finalement, c’est davantage le risque d’une disparition prolongée de la communauté de vie qui fait obstacle à la mise en œuvre d’une procréation médicalement assistée, que le risque d’une dissolution du mariage.

La règle concernant les époux s’inscrit en parallèle avec la règle intéressant les concubins quant aux effets de la cessation de la communauté de vie sur la réalisation de l’insémination ou du transfert d’embryons.

Même s’il est peu envisageable que les membres d’un couple en crise désirent engendrer un enfant, et donc procèdent ensemble aux démarches nécessaires à cette fin, il est en revanche plausible que les démarches aient été effectuées à un moment où ils s’entendaient et que la mésentente n’intervienne qu’au moment de la réalisation de l’insémination ou de l’implantation d’embryons. En refusant celle-ci en cas de dépôt d’une requête en divorce ou en séparation de corps (ou de cessation de la communauté de vie pour les concubins), on évite que, l’un des intéressés (la femme en réalité)

144

C. civ., art. 227.

145

Cette organisation judiciaire de la séparation des époux reste une faculté offerte aux juges. Cf. Cass., civ. 2ème, 28 oct. 1992, Bull. Civ., II, n°252.

146

Cass., civ. 2ème, 15 janv. 1997, Bull. Civ., II, n°8.

L’art. 258 n’autorisant le juge qu’à prononcer des mesures provisoires, viole cet art. la CA qui rejette la demande en divorce du mari et, statuant sur la résidence de la famille, fixe la résidence de l’épouse, sa vie durant, dans un immeuble appartenant au mari.

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s’adressant à l’équipe médicale afin que l’assistance soit mise en œuvre, un enfant soit procréé alors qu’il n’y a plus de couple parental prêt à l’accueillir.

Les personnes admises à recourir à une assistance médicale à la procréation doivent répondre à des critères qui permettront, outre d’offrir à l’enfant qui naîtra un cadre familial adapté à ses besoins, de simuler au mieux le fait de la conception, autrement dit d’intégrer la constitution des liens de filiation par greffe dans une dimension familiale biologique. Il ne pouvait donc s’agir que d’un homme et d’une femme en âge de procréer et qui forment un couple.

Ces restrictions ont paradoxalement permis l’ouverture des techniques médicales aux concubins de sexe différent, le couple ne se définissant pas par un lien matrimonial, mais par une communauté de vie. « A la dialectique couple marié / couple non marié

s’est partiellement substituée la règle de l’acceptation d’une différence familiale, d’un suivi, lorsqu’il s’avère possible, de l’évolution des mœurs. En effet, ce suivi doit être encadré, limité, dans l’intérêt de l’enfant »148. Notamment, ceux qui ne sont pas engagés dans le mariage ne sont pas considérés à égalité avec les époux. Traités avec plus de rigueur, ils doivent apporter la preuve d’une vie commune d’au moins deux ans.

Concernant l’adoption, les textes se montrent plus fermés à l’égard des concubins, puisque ces derniers ne peuvent accéder conjointement à l’institution. Bien que le droit des filiations électives tende à suivre les mutations de la famille, son édification demeure inachevée.

Il s’ensuit une distinction dans l’accès à la parentalité commune, selon qu’il existe ou non un mariage entre les intéressés.

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Dans le document Les distinctions dans le droit de la filiation (Page 194-198)

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