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L’indication de la mère dans l’acte de naissance : condition suffisante

Dans le document Les distinctions dans le droit de la filiation (Page 104-108)

§ I L’égalité dans la considération du lien entre une mère et son enfant

A) L’indication de la mère dans l’acte de naissance : condition suffisante

Alors que la qualité de géniteur qui sert de support à la désignation du père est toujours marquée d’incertitude, ce qui justifie que celle-ci passe par le truchement de présomptions71, la maternité, lien juridique qui rattache un enfant à sa mère, s’impose avec une totale certitude grâce à la grossesse et à l’accouchement (1).

Cependant, le droit français ne se contente pas de l’accouchement72 et exige en outre une manifestation de volonté de la part de l’intéressée, c’est-à-dire l’acceptation du statut de mère, qui est déduite de la simple mention de l’identité de la parturiente dans l’acte de naissance (2).

1 Naissance et maternité : un lien étroit

L’article 311-25 du Code civil dispose : « la filiation est établie, à l’égard de la

mère, par la désignation de celle-ci dans l’acte de naissance de l’enfant »73.

L’établissement de la maternité semble très proche de l’établissement de la paternité en mariage, par application de la présomption de paternité.

En effet, aux termes de l’article 314, cette présomption « est écartée lorsque l’acte

de naissance de l’enfant ne désigne pas le mari en qualité de père et que l’enfant n’a pas de possession d’état à son égard ». Ce qui signifie, a contrario, que la présomption

est appliquée, et donc le lien paternel établi, dès lors que l’enfant a la possession d’état à l’égard de l’époux ou bien dès lors que ce dernier est désigné en tant que père de l’enfant dans l’acte de naissance74. Or, cette seconde hypothèse n’est pas sans rappeler celle visée à l’article 311-25 du Code civil pour l’établissement du lien maternel.

Observons que le texte ne prévoit pas la désignation de n’importe quelle femme, mais celle de « la mère ». Autrement dit, si l’on reprend littéralement l’énoncé de l’article 311-25, c’est la désignation « en qualité de mère », dans l’acte de naissance, qui établira la maternité. Comme pour le mari, il semblerait que la seule inscription du nom ne suffise pas, mais qu’il y faille encore la précision que la femme, désignée dans l’acte, l’est en tant que mère de l’enfant.

En réalité, l’accouchement désignant la mère, on peut se contenter de la mention que l’enfant est celui dont une telle est accouchée, sans préciser la qualité de mère. C’est là une différence mineure entre le père marié et la mère.

71

La présomption de paternité, mais aussi la reconnaissance, que l’on présume être la manifestation de la vérité.

72

« La maternité […] ne se résume pas à une ‘‘mise bas’’ […] à une opération obstétricale ».

Centre de Droit de la Famille, Univ. Montesquieu Bordeaux, « Nouvelle personne, nouvelle famille ? », synthèse de la journée d’information, 25 oct. 2002, Dr.fam., 2003, chron. 5, p. 11.

73

Le Luxembourg, l’Allemagne et la Belgique (art. 312) ont adopté une règle similaire.

74

L’existence cumulative de la désignation dans l’acte de naissance et de la possession d’état ont, bien évidemment, également pour effet l’application de la présomption.

De façon plus notable, l’établissement de la filiation maternelle se détache de l’établissement de la paternité de l’époux en ce que, pour la mère, le droit ne se réfère pas à la période de conception de l’enfant ou à la date de naissance de celui-ci, ni ne rapproche cette période ou cette date de l’existence d’un mariage entre les prétendus parents, afin de présumer que ce qui est affirmé dans l’acte de naissance est l’expression de la vérité.

Cette distinction s’explique tout simplement par la différence qui existe naturellement entre l’accouchement, qui est visible, et la conception, qui ne l’est pas. Or, on sait que le droit français considère que la mère est celle qui met au monde l’enfant. Il est donc inutile, pour s’assurer que celle qui figure dans l’acte est bien la mère, de recourir à des présomptions.

En raison du lien étroit qui existe entre la naissance, qui se traduit par l’accouchement et qui sera relatée dans l’acte de naissance, et la filiation maternelle, celle-ci sera établie dès lors que la parturiente sera désignée dans l’acte de naissance comme étant la mère de l’enfant, en ce qu’elle l’aura mis au monde.

A défaut de quoi, l’acte se voit réduit à la seule preuve du fait de la naissance, hypothèse qui impliquerait que la femme ait explicitement rejeté sa maternité.

2 Une volonté présumée

Aux termes de l’article 55 alinéa 1er du Code civil, la naissance d’un enfant est déclarée dans les trois jours suivant cet événement à l’officier d’état civil territorialement compétent, à savoir celui du lieu d’accouchement. L’officier rédige immédiatement75 un acte de naissance qui, conformément à l’article 57 alinéa 1 du même code, « énoncera le jour, l’heure et le lieu de naissance, le sexe de l’enfant, les

prénoms qui lui seront donnés, le nom de famille, suivi le cas échéant de la mention de la déclaration conjointe de ses parents quant au choix effectué, ainsi que les prénoms, noms, âges, professions et domiciles des père et mère et, s’il y a lieu, ceux du déclarant », c’est-à-dire dans le cas où le déclarant serait une personne tierce.

Il est précisé que, « si les père et mère de l’enfant, ou l’un d’eux, ne sont pas

désignés à l’officier de l’état civil, il ne sera fait sur les registres aucune mention à ce sujet »76.

En France, comme au Luxembourg et en Italie, l’indication relative aux parents est facultative. Une femme qui accouche peut ainsi échapper à la désignation dans l’acte de naissance, sans qu’elle ait nécessairement sollicité le secret quant à son admission à l’hôpital et quant à son identité. Il lui suffira de refuser, de manière expresse, son

75

C. civ., art. 56, al. 2.

76

inscription dans l’acte de naissance77. La possibilité d’opposer un tel refus différencie notre législation de celle d’Etats voisins.

Le droit allemand, par exemple, impose l’identification et l’enregistrement de la mère lors d’un accouchement78. De même, en Belgique, l’inscription du nom de la parturiente dans l’acte de naissance est obligatoire79. Dans ces pays, il n’y a pas d’enfant sans mère, hors les cas exceptionnels d’enfants trouvés qui ont fait l’objet d’un abandon « sauvage ».

Ce n’est donc pas le seul accouchement qui, dans notre droit national, est pris en compte pour établir la maternité par l’effet de la loi : la mère doit encore être désignée dans l’acte de naissance de l’enfant.

Généralement, cette désignation a lieu dès lors que la femme n’a exprimé aucune volonté contraire au moment de la déclaration de naissance. Ce n’est que si elle s’y est formellement opposée que la mère ne figurera pas dans l’acte. Et comme la simple désignation établit la maternité, cela signifie que le droit déduit de l’absence de refus exprès de figurer dans l’acte de naissance l’acceptation tacite du statut légal de mère.

La volonté d’être mère est présumée, il n’est pas exigé de manifestation expresse en ce sens.

Auparavant, on justifiait la règle inscrite à l’article 319 ancien du Code civil80, à savoir l’établissement de la maternité de l’épouse « par l’acte de naissance inscrit sur le

registre de l’état civil », par la signification traditionnellement donnée à l’union

conjugale : en consentant au mariage, « acte juridique solennel fondateur d’une

famille », la femme exprime par la même sa volonté d’être mère81. C’est la raison pour laquelle, en dehors de cette union, les textes ne se contentaient pas du contenu de l’acte de naissance, mais exigeaient soit une manifestation expresse constatée dans un acte authentique, c’est-à-dire une reconnaissance, soit une manifestation implicite que traduisait le comportement adopté envers l’enfant, autrement dit l’existence d’une possession d’état.

Désormais, la loi considère que la volonté d’être mère résulte implicitement de la désignation de celle-ci dans l’acte de naissance, indépendamment de la question de savoir si l’intéressée est mariée ou non.

77

C’est pourquoi l’art. L 224-4 1° CASF conserve la distinction entre les enfants dont « la filiation n’est

pas établie » (on suppose ici que l’identité de la mère est connue mais qu’elle ne figure pas dans l’acte de

naissance) et ceux dont la filiation « est inconnue » (c. à d. que l’identité de la femme qui a accouché est inconnue, bien souvent parce qu’il y a eu accouchement anonyme).

78

BGB, art. 1591.

79

C. civ. belge, art. 57-2.

80

Avant qu’il ne soit réécrit par l’ord. n°2005-759 du 4 juil. 2005.

81

En ce sens, v. C. NEIRINCK, « La maternité », Dr. fam., 2006, ét. 2, p. 9 : « Jusqu’à l’ordonnance du

4 juillet 2005, la volonté d’être mère résultait automatiquement du mariage, acte juridique solennel fondateur d’une famille ».

Or, il faut souligner que, s’il n’interdit pas à la mère de procéder elle-même à la déclaration de naissance, l’article 56 alinéa 1 du Code civil dispose : « la naissance de

l’enfant sera déclarée par le père, ou, à défaut du père, par les docteurs en médecine ou en chirurgie, sages-femmes, officiers de santé ou autres personnes qui auront assisté à l’accouchement ; et lorsque la mère sera accouchée hors de son domicile, par la personne chez qui elle sera accouchée ». Il faut bien avouer que, de manière générale,

c’est une personne autre que la parturiente qui effectue la déclaration. Et il se peut que la mère soit désignée sans qu’elle ait réellement souhaité assumer sa maternité, le tiers ayant pris l’initiative de cette désignation. Le lien maternel n’en sera pas moins établi ; et il sera difficilement contestable, sachant que l’article 332 alinéa 1er du Code civil exige que soit rapportée « la preuve que la mère n’a pas accouché de l’enfant », ce qui sera dans un tel cas impossible.

De telles hypothèses devraient être assez marginales. De nos jours en effet, les accouchements ont lieu, la plupart du temps, dans des établissements médicaux organisés face au recueil des informations destinées à l’état civil. Dès lors, il est peu concevable que l’enfant soit déclaré autrement que selon ce qui a été désiré par la mère.

Il n’en reste pas moins que la règle de l’article 311-25 du Code civil peut paraître comme « aliénante de la liberté »82 de la femme non mariée au père de l’enfant.

Aujourd’hui femme avant d’être mère, la femme aurait, « du seul fait de la loi

biologique », « perdu une part de la liberté lentement conquise ces trente dernières années »83 avec la légalisation de la pilule par la loi Neuwirth du 28 décembre 1967 et la légalisation de l’avortement par la loi Veil du 17 janvier 1975. Ce que l’on considère comme un mode d’établissement volontaire du lien maternel pourrait ne pas être si volontaire que cela lorsque la maternité ne s’inscrit pas dans une union conjugale. La volonté d’être parent se manifeste, pour ceux qui sont mariés, à travers le consentement au mariage, et, pour l’homme non marié, par la reconnaissance de l’enfant. En ce qui concerne la femme non mariée, le droit se contenterait de la simple mention de celle-ci en tant que mère dans l’acte de naissance de l’enfant, pour en conclure qu’elle a exprimé sa volonté d’être mère.

D’où la résurgence de différences, d’abord entre l’homme et la femme, mais aussi et surtout entre la femme mariée et la femme non mariée avec le père de l’enfant, autrement dit là où la réforme du 4 juillet 2005 aspirait à l’égalité.

Aussi est-il permis de se demander si les rédacteurs de l’ordonnance ne sont pas allés trop loin dans la prise en compte du phénomène naturel de la grossesse au détriment de la volonté de celle qui accouche. La position adoptée par les textes trouve son explication dans l’état actuel de notre société.

82

E. PAILLET, « Accouchement sous X et lien maternel », Identités, filiations, appartenances (dir. Ph. PEDROT et M. DELAGE), coll. Hyères, 23-24 mai 2003, PUG, 2005, p. 100.

83

B) L’établissement de la filiation maternelle par l’indication de la mère

Dans le document Les distinctions dans le droit de la filiation (Page 104-108)

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