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Lancée à la fin des années 1980, la méthode IOD repose sur fondement fort : « personne n’est

inemployable » et donc tout demandeur d’emploi (DE)

doit pouvoir être mis en situation d’emploi. La méthode vise avant tout les DE jugés parfois « inemployables » : bénéficiaires du RSA, chômeurs de très longue durée, personnes sans qualification.

En termes de posture professionnelle cela implique de se centrer sur la demande des DE d’un accès à l’emploi. Le seul objectif est donc la recherche et le placement sur un emploi durable. Il ne s’agit ni de chercher à résoudre les difficultés sociales des personnes comme préalable à l’emploi, ni de les faire travailler sur leur projet professionnel mais de les remettre en emploi. De ce point de vue les équipes IOD cherchent à se démarquer des postures classiques de l’accompagnement social et professionnel. Il en résulte que le travail d’insertion se fait en lien direct avec l’entreprise en attendant de celle-ci qu’elle modifie ses critères de recrutement pour intégrer ces personnes. Comme le résume Castel (2007), « la spécificité de la démarche repose [sur

ce principe] : ne pas prendre directement en compte et ne pas traiter pour elles-mêmes les supposées déficiences du demandeur d’emploi. Celui-ci est littéralement considéré comme une personne qui demande un travail et les équipes IOD se posent la seule question de savoir quel travail il pourrait effectuer, sans prétendre préalablement le remettre à niveau en l’engageant dans un parcours individualisé d’insertion. Elles n’envisagent pas non plus pour lui d’activités intermédiaires de type stages, contrats aidés… l’objectif est l’accès direct et le plus rapide possible à des emplois de droit commun, CDI de préférence ou à défaut CDD. C’est un pari sur la priorité absolue à donner à l’insertion professionnelle. Cette position est sous-tendue par la conviction que les déficiences dans la sociabilité des publics précaires sont plutôt les effets que les causes de la privation du travail ».

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Puis tous les 15 jours, les demandeurs d'emploi suivis sont invités à des sessions collectives de présentation des offres d’emploi collectées, par groupe de 10-12 personnes. Les chargés de mission ont donc dû mettre en place des règles de priorité pour déterminer qui peut se positionner le premier sur une offre. Mais aux dires de la directrice, il arrive de toute façon rarement que deux demandeurs d'emploi se positionnent sur la même offre. Un autre changement par rapport à ce que nous avions observé précédemment concerne le temps consacré à la prospection des offres d’emploi.

Une prospection qui occupe aujourd'hui l’essentiel du temps des chargés de mission

Aujourd’hui, l’essentiel du temps de travail des chargés de mission semble consacré à la prospection des offres d’emploi et aux relations avec les entreprises, ce que la directrice relie directement à la crise : « Oui, oui, mais

si tu veux, la crise a fait qu’on était sur un mode 50 % on recevait les gens, 50 % on allait en entreprise. Sauf que quand c’est la crise, et ça dure, maintenant c’est 70-80 % de notre temps à l’extérieur pour aller chercher des offres et puis 20-30 % pour les gens, donc il faut qu’on gagne du temps. »

La prospection est en effet à la base de tout.

Sans elle, la méthode IOD ne peut être mise en œuvre. Lors de notre première enquête, un chargé de mission de l’association avait mentionné qu’il fallait environ 8 offres pour parvenir à la validation d’un contrat de travail. Cette première enquête avait également mis à jour les difficultés des chargés de mission à mener cette prospection qui se faisait un peu par porte à porte mais le plus souvent par téléphone, sans réellement de stratégie organisée, à l’aide des pages jaunes. Ils affirmaient que la prospection directe auprès des entreprises était le « point noir » de leur métier, ce qu’ils n’aimaient pas faire. Aux dires de la directrice, il semble que la prospection s’effectue davantage par porte à porte que par téléphone aujourd'hui, parce que

« ça marche mieux, c’est plus sympa ». Mais il ne semble

toujours pas y avoir vraiment de stratégie pour cette activité, ni géographique, ni sectorielle. Les chargés de mission prospectent autour de chez eux ou entre deux RV profitant du temps disponible. Un chargé de mission a proposé de développer une stratégie un peu différente pour sortir de la répétition – toujours les mêmes secteurs d’activité, commerce, restauration, services à la personne, toujours dans les mêmes zones. Il voudrait que l’ensemble des chargés de mission dégagent des plages de temps de prospection en commun sur un secteur d’activité ou une zone donnés. A quelques

exceptions près (une chargée de mission qui ne travaille quasiment qu’avec une seule entreprise), il semble que les offres d’emploi soient toujours assez peu fournies par des « entreprises-réseau » qui travaillent régulièrement avec l’association, ce qui explique sans doute que le travail de prospection occupe une telle part de l’activité des chargés de mission. D’autant que les chargés de mission ne font état d’aucun lien avec d’autres organismes du SPE qui seraient susceptibles de leur fournir des offres d’emploi de façon régulière (cf. partie 1, chapitre 1).

Un territoire d’intervention très lié à celui des associations partenaires et très peu d’ancrage dans la localité étudiée

Le territoire d’intervention de l’association est large puisque côté demandeurs d'emploi, ils accueillent des personnes issues de quasiment tout le département (de toutes les communes où un partenaire orienteur est implanté) ; leur zone de prospection est encore plus large puisqu’il s’agit théoriquement de toute l’Île-de- France, sauf les zones trop éloignées du département en question. Ils s’attachent quand même à développer en priorité leur service au sein du département lui-même : « on est quand même soutenus par le service du

développement économique [du conseil départemental], donc l’idée, c’est de faire en sorte que les gens restent travailler dans le coin. »

L’installation de l’association dans la commune

enquêtée est le fruit du hasard (disponibilités de locaux, bonne localisation par rapport aux transports publics), non d’une stratégie territoriale ou partenariale. Pendant longtemps, l’association n’a d’ailleurs noué aucun lien avec les autres acteurs de l’emploi de la commune : « le travail avec les [habitants du territoire], il a

commencé en 2010, avec la structure RSA ». Outre ce

lien de prescription avec la structure RSA, l’association participe au forum de l’insertion qui se tient depuis quelques années dans la commune. Elle a peu d’autres liens avec les acteurs du SPE qui connaissent son existence mais pas vraiment son fonctionnement. L’histoire politique locale explique en partie ce peu de relations nouées. En fait l’association développe et entretient essentiellement des relations avec ses partenaires orienteurs, les 16 associations adhérentes et les 9 structures RSA. Ces liens sont d’abord juridiques – les dirigeants des associations adhérentes sont par exemple au conseil d’administration de l’association. Mais ils ne sont pas pour autant uniquement formels. L’association organise par exemple une réunion

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partenaires mensuelle rassemblant tous ces acteurs et au cours de laquelle ont lieu des échanges d’informations à la fois sur les pratiques respectives d’accompagnement mais aussi sur les personnes suivies. Sur certaines communes, l’association a également noué des liens avec d’autres structures mais par l’intermédiaire d’un de ses partenaires orienteurs et parce qu’il y avait un besoin par rapport au public accompagné. La directrice cite l’exemple de relations avec une mission locale située sur le même territoire qu’une association partenaire s’occupant elle aussi de jeunes.

Financement par le biais de subventions avec le problème particulier du FSE

Le modèle économique de l’association est celui d’un financement 100 % public. Dès l’origine, les équipes 1 et 2 ont été portées en grande partie par les services insertion et développement économique du conseil général. Aujourd'hui celui-ci finance 70 % du coût de fonctionnement des équipes 1 et 2 et 100 % de l’équipe 3, via le versement d’une subvention. En contrepartie, il faut que l’association accueille chaque année au moins 50 % de bénéficiaires du RSA. Le reste des

financements de l’association provient du FSE, à hauteur de 20 %, et de l'État via le Fonds Acsé. A noter,

l’absence totale de financement de la municipalité dans laquelle l’association est installée. La directrice insiste longuement au cours de l’entretien sur la difficulté à gérer les financements FSE qui représentent une part non négligeable du budget de l’association. La charge administrative est très lourde (au point de faire appel à une aide extérieure), les contrôles poussés à l’extrême. La directrice doit par exemple fournir a posteriori son emploi du temps jour par jour. Le problème est

également le décalage entre le contrôle et l’activité : en février 2014 ils ont ainsi reçu les financements de 2011. Cela créée pour eux une grande insécurité (financière) car on leur demande a posteriori, plusieurs années après la clôture de l’exercice, de fournir des preuves qu’ils n’ont pas forcément gardées : [parle de l’ancien directeur] « je pense que c’est ça qui l’a usé et qu’il est

parti ! Sur le contrôle de 2011, au départ sur 156 000 € demandés, ils nous en donnent 40 000, donc il s’est battu. […] on est remonté, il a réussi à grappiller, on est remonté que jusqu’à 117 000 € ».

Concrètement, la lutte contre la sélectivité de

l’entreprise se fait à deux moments clés : au moment de la prospection d’offres d’emploi par les chargés de mission (négociation avec l’entreprise du type de contrat, des critères de recrutement et de la façon dont celui-ci va se dérouler) et au moment de l’entretien de mise en relation (EMR) du demandeur d'emploi avec l’entreprise. Un certain nombre de principes sont normalement appliqués tout au long de

l’accompagnement :

Un seul candidat présenté pour une offre d’emploi (donc pas de mise en concurrence des demandeurs d'emploi) et choix laissé au demandeur d'emploi de se positionner ou non sur l’offre proposée ;

Présence du conseiller (chargé de mission) lors de l’EMR ;

Pas de CV ou de lettre de motivation fournie à l’employeur ;

EMR ayant lieu directement sur le poste de travail et non dans un bureau afin de mettre le demandeur d'emploi en situation et de faire porter l’interaction sur les caractéristiques du travail plus que sur celles du candidat ;

Au-delà du moment du recrutement, les chargés de mission continuent à suivre le salarié dans l’entreprise jusqu’à la validation de la période d’essai en

organisant des rendez-vous réguliers avec l’employeur.

Pour plus de détails voir :

Castel (2007), Préface in D. Castra et F. Valls, L’insertion

malgré tout. L’intervention sur l’Offre et la Demande, 25 ans d’expérience, Octares Editions, Collection le

travail en débat.

• Castra (2003), L’insertion professionnelle des publics précaires, Paris, PUF.

• Salognon M. (2006), « Modes de jugement des entreprises et insertion des chômeurs de longue durée. Observation de la méthode IOD », in A.-T. Dang, J.-L. Outin et H. Zajdela (dir.), Travailler pour être intégré ? Mutations des relations entre emploi et protection sociale, Éditions du CNRS, septembre, p. 163-179.

• Remillon D. et Gallo C. (2008), Rapport des enquêtes réalisées auprès des organismes IOD, Nanterre, 42 p.

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Les communes constituent la cellule historiquement dévolue au traitement des inoccupés. Le critère de résidence a longtemps prévalu pour bénéficier de la solidarité et pour les maires il y a quelque chose qui se joue dans la mise à l’emploi de leurs concitoyens. Le traitement des populations privées d’emploi

constitue donc un enjeu local d’où le choix de beaucoup de communes de mettre en place des services « emploi » malgré la présence d’un Pôle emploi à proximité ou sur leur commune même. Ces services emploi peuvent prendre des formes variées selon les territoires – maison de l’emploi (comme sur le territoire 2), simples relais municipaux (comme sur le territoire 1), Plie, etc. Ces structures sont prises dans un certain nombre de tensions et de difficultés, pour élaborer une politique territoriale de l’emploi et articuler accompagnement vers l’emploi et développement économique local.

Sources mobilisées :

Sur le territoire 1, 2 entretiens ont été menés avec des responsables de structures emploi municipales. Sur le territoire 2, nous nous appuyons sur les entretiens réalisés avec différents personnels de la maison de l’emploi (directeur, responsable du pôle entreprise, accompagnatrice et facilitateur des clauses d’insertion) ou qui sont hébergés dans les mêmes locaux (le responsable du service municipal de développement économique), sur deux entretiens avec des élus et un entretien avec une directrice de Plie d’un territoire voisin. Nous mobilisons enfin le Connaissance de

l’Emploi n° 118 de Solen Berhuet et Carole Tuchszirer

« Les maisons de l’emploi ou l’introuvable politique territoriale de l’emploi » (2015) et un séminaire ayant eu lieu sur les Plie ainsi que le document d’Alliance Villes Emploi « Les fondamentaux du Plie ».

Présentation des structures rencontrées

La maison de l’emploi (MDE) du territoire 2 est une structure ancienne, une des premières créées. Elle date de 2001 et a été labellisée en 2005 dans le cadre de la loi de Cohésion sociale86. A l’origine,

elle rassemblait beaucoup d’activités : une pépinière d’entreprises, un pôle formation, une plateforme d’aide à la création d’entreprise, une ETTI municipale, etc. Au début de notre enquête, elle ne comptait plus que 5 pôles dont 2 seulement correspondant au label –

l’accompagnement des mutations économiques du territoire (GPECT) ; la promotion de l’emploi sur le territoire notamment au travers des clauses d’insertion. Les autres pôles étaient : la mission locale (intégrée à la MDE), le pôle entreprises accompagnant les créateurs d’entreprises, le pôle ressources (documentation) et le pôle insertion accueillant et accompagnant des adultes de plus de 26 ans. Au cours de notre enquête, des changements dans le périmètre de la maison de l’emploi ont encore eu lieu puisque, pour se conformer aux injonctions répétées de cesser d’accueillir du public, le pôle insertion a fermé et la Mission locale est sortie juridiquement et physiquement de la maison de l'emploi. Parallèlement, la MDE a connu une très forte baisse de ses moyens, baisse qui a affecté tous les pôles : par exemple, le pôle entreprises est passé de 6 à 3 salariés - la responsable du pôle et 2 assistantes. Le positionnement et les évolutions connues par la MDE sur le territoire 2 correspondent donc au processus décrit par Solen Berhuet et Carole Tuchszirer (2015) d’une progressive restriction du champ d’intervention des MDE, en lien avec une crise de leur légitimité. La MDE reste cependant encore l’outil municipal principal aux mains des élus du territoire 2, aux côtés d’une société d’économie mixte et d’un service

municipal de développement économique au périmètre très restreint (1 seule personne, son responsable, qui gère aussi l’équipe s’occupant des commerces alors que selon lui il faudrait au moins 3 personnes sur la mission développement économique).

Sur le territoire 1, les fonctions assumées par la MDE du territoire 2 se répartissent entre plusieurs acteurs. Elles se partagent entre la Direccte (faiblement équipée mais très suivie), une mission locale très étendue qui fédère 6 succursales au sein d’une même mission locale commune à tout le territoire enquêté (cf. missions locales), une communauté d’agglomération qui héberge et salarie la facilitatrice de clauses d’insertion et enfin des structures emploi municipales (SEM) dont nous allons décrire l’activité dans cette fiche.

Un modèle d’intermédiation recentré sur le développement économique du territoire

Les évolutions connues par les MDE

Les maisons de l’emploi ont connu une profonde évolution de leurs missions au cours de leurs 10 années

86. La loi de Cohésion sociale du 18 janvier 2005 prévoyait la création sur initiative locale de maisons de l’emploi. Pour être labellisées par l’État et recevoir une subvention, elles devaient suivre un cahier des charges et respecter les objectifs fixés par celui-ci (voir Berhuet et Tuchszirer, 2015 pour ces objectifs et l’évolution du cahier des charges au fil du temps).

FICHE 10

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