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86 DYNAMIQUES TERRITORIALISÉES DU CHAMP DE L’INTERMÉDIATION / ÉTUDES ET RECHERCHES

ENTREPRISES DE TRAvAIL TEMPORAIRE (ETT)

86 DYNAMIQUES TERRITORIALISÉES DU CHAMP DE L’INTERMÉDIATION / ÉTUDES ET RECHERCHES

Le profil des intérimaires recherché est assez spécifique : il ne s’agit quasiment jamais de candidats non qualifiés (il faut au minimum des certifications type CACES, permis). Ils doivent de plus être mobiles, expérimentés et avoir de bonnes références.

Plusieurs méthodes sont mobilisées pour recruter des intérimaires : déposer des annonces sur leur propre site internet pour les agences les plus connues, passer des annonces sur Pôle emploi ou sur d’autres job boards, voire sur « le Bon coin », démarcher les centres de formation ou faire la sortie des lycées professionnels. Le bouche à oreille via les intérimaires ou les réseaux sociaux sont également mobilisés. De manière très rare, certaines agences utilisent encore les annonces

affichées en vitrine comme mode de prospection, mais cette méthode est souvent considérée comme

archaïque. Le site de Pôle emploi est présenté comme une ressource efficace mais trop contraignante,

notamment parce qu’il oblige les recruteurs de l’intérim à renouveler leurs annonces pour des besoins qu’ils souhaiteraient afficher de manière permanente. Le principe du site de Pôle emploi est de correspondre à des annonces effectives et non d’être un outil de sourcing de candidatures en continu. On est donc en présence d’un intermédiaire qui utilise/mobilise de manière indirecte un autre intermédiaire. « Alors, on

met des annonces. On est un petit groupe, donc niveau budget, on est restreint. Donc on met des annonces sur le Pôle emploi, sur le Bon coin, maintenant depuis peu on met sur Indeed. Perso, Bon coin et Indeed marchent beaucoup plus que le Pôle emploi, c’est incroyable, mais c’est vrai […] Question : et le système de mettre une annonce sur un poste qui est pour vous un besoin récurrent et qui commencerait à une date fictive, mais qui permet d’avoir une annonce, j’allais dire, en permanence sur le site, ce n’est pas un moyen pour vous de faire du sourcing et d’avoir en permanence des candidats ? « Oui, mais effectivement on n’a pas le droit de le faire. Mais après, quand on a un besoin par exemple, chez un client, tous les deux jours je mets un nouveau candidat, donc effectivement c’est des demandes récurrentes. Des fois, il se peut que si en fait, donc oui, il y a des annonces que je remonte régulièrement puisque j’ai des demandes

quotidiennement. Je le fais surtout pour des postes de préparateur de commandes, après je remonte régulièrement des postes de chaudronnier parce qu’effectivement j’en recherche tout le temps. »

(Petite agence 1, Territoire 1)

Une fois les candidats recrutés, l’enjeu pour les agences, particulièrement les petites, est celui de la fidélisation

afin de s’attacher les « bons » intérimaires67, ce qui

permet de réaliser des économies (en prospection, dans l’assurance que le travail sera bien réalisé, donc que cela réduit les risques de perdre des entreprises clientes). Les méthodes de fidélisation ne sont pas les mêmes selon la taille des entreprises. Les grosses entreprises peuvent offrir des chèques vacances et cadeaux, un comité d’entreprise pour les plus grosses mais surtout, la participation aux bénéfices et des actions de

formation. L’une d’entre elles a mis au point un système de « certification » des « meilleurs » intérimaires. Cette démarche met en lumière les liens étroits existants entre évaluation des intérimaires et fidélisation des meilleurs d’entre eux. Pour les plus petites entreprises, le principal atout reste le « professionnalisme ». « Avec notre sourire, notre

gentillesse ? C'est ça, il n'y a que ça. Notre

professionnalisme, oui ok. Et la plus grosse chose, leur trouver du travail. Parce que vouloir donner un cadeau, si vous ne leur trouvez pas de boulot, ils n'en ont rien à faire, quoi. Mais c'est vrai que ce n’est pas évident. »

(Petite agence 1, Territoire 1)

La recherche de candidats fait évoluer le travail des ETT, comme le soulignent Guégnard et al. (2008) :

« la recherche de candidats susceptibles de pourvoir les offres qualifiées devient primordial pour les responsables d’agence d’intérim. En fait avant,

il s’agissait de mettre au travail un intérimaire, alors que maintenant il faut trouver cet intérimaire. La pérennité de leurs activités dépend en effet de leurs capacités à répondre aux offres envoyées par les entreprises. Il s’agit d’un réel changement : les ETT ne sont plus centrées sur la recherche de commande via une politique de démarchage des entreprises, mais ouvertement sur une stratégie de ressources humaines»68.

La demande du client comme point de départ de l’action d’intermédiation : faire plaisir au client avant tout ?

Si nous avons décrit les pratiques de prospection pour les entreprises et les candidats, il importe d’avoir en tête que la prospection des entreprises et la satisfaction de leurs besoins sont premières. La prospection des candidats a pour but premier de satisfaire les entreprises.

Dans la mesure où la satisfaction des entreprises est première, les agences préfèrent ne pas pourvoir une offre plutôt que de mal la pourvoir et prendre le risque de perdre le client. « On a un nom, on a une image, moi

je vais préférer dire à un client “je n’ai pas ou j’ai personne que je trouve qui pourrait correspondre”, je préfère dire

67. Faure-Guichard C. et Founier P. (2001), « L’intérim, creuset de main-d’œuvre permanente ? », Genèses, n° 42, mars, p. 26-46.

68. Guégnard Ch., Rebeuh M.-C. et Triby E. (2008), « Entreprises de travail temporaire : former pour renforcer l’intermédiation sur un territoire », Formation emploi, n° 102, avril-juin, p. 41-53, p. 50.

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ça que mettre quelqu’un qui, je sais, ne fera pas l’affaire […]. On a des clients qui reviennent, même si on n’a pas réussi à déléguer, qui reviennent pour ça parce qu’ils savent qu’on est honnête. » (Challenger 2, Territoire 1).

Pour elles, cela les distingue fortement du SPE : « Je ne suis pas le Pôle emploi ou une assistante sociale,

je suis prestataire de services avant tout. Donc je mets en relation des personnes qui correspondent aux besoins de mes clients […] je leur dis : “allez-vous inscrire dans d’autres agences, n’attendez pas après moi, je ne peux pas avoir du travail pour tout le monde”. » (Challenger 2,

Territoire 1).

Cette nécessité de satisfaire les entreprises conduit les agences à accepter les exigences de leurs clients, parfois même lorsque celles-ci sont discriminatoires. Et cela les conduit aussi à mettre en concurrence les intérimaires en proposant à l’entreprise plusieurs candidatures. Les modalités classiques de recrutement sont alors actionnées : sélection de candidatures par CV assortie d’un complément d’informations lors d’un entretien. Pour autant, quand une relation commerciale est nouée depuis un moment avec une entreprise, l’ETT récupère des marges de manœuvre et dispose d’un capital confiance qui lui permet de positionner plus facilement l’intérimaire qu’elle souhaite valoriser, ce qui permet, parfois, de limiter les étapes de sélection : « Ça dépend

de ce que l'on a convenu avec le client. Il y a des clients qui nous font totalement confiance et à qui on peut envoyer un seul candidat parce que l'on sait qu'il conviendra au poste à pourvoir. Et puis il y a des clients qui préfèrent avoir le choix, voilà, donc on leur envoie plusieurs candidatures. En général, on se limite à trois candidatures. Parce que si on leur envoie 4-5-6 candidatures, c'est que l’on n’a pas fait notre travail de sélection. Et du coup, ben, l'intérêt de faire appel à nos services n'est plus justifié. Donc on essaie si le client le souhaite de lui envoyer trois candidats qui correspondent aux critères. […] Heu, on lui envoie le CV et le recruteur rédige une synthèse de candidature, des informations sur le comportement, sur l'expérience du candidat, sur pourquoi est-ce qu'on le propose. Et puis suite à cela souvent le client reçoit le candidat en entretien, mais il y a des clients qui n'exigent pas d'avoir une synthèse et qui demandent simplement d'avoir le CV, parce que la relation qu'il a tissée depuis quelque temps avec l'agence, fait qu'il fait confiance aux recruteurs »

(Major 1, Territoire 1). Pour autant, les ETT considèrent qu’il faut avant tout satisfaire le client et dans les choix effectués (les profils, la durée des missions), les ETT « ne se substituent jamais à [leurs] clients » (Major, Territoire 2).

Une évaluation des intérimaires par les ETT qui ne repose pas uniquement sur le CV

Lors de la sélection du candidat, l’accent est mis sur l’évaluation, par l’ETT, de la capacité de l’intérimaire à occuper le poste de travail. Pour ce faire, plusieurs outils sont mobilisés :

Des entretiens sur le contenu des missions : réalisés entre le salarié permanent et l’intérimaire pressenti, ils portent sur les expériences passées du candidat et sur le travail dans l’entreprise utilisatrice ;

Des tests en agence : il peut s’agir de test de personnalité ou de test sur certaines pratiques professionnelles ;

Des missions test : l’intérimaire est délégué pour un ou deux jours de mission avant de lui proposer des missions d’une à deux semaines ;

Des contrôles de références : le salarié permanent de l’intérim prend (souvent par téléphone) des informations sur la satisfaction donnée par l’intérimaire lors de ses missions précédentes

Des visites d’entreprise pour visualiser les postes de travail, appréhender le climat social : le salarié permanent se déplace sur les sites de production où sont délégués les intérimaires pour pouvoir mieux sélectionner et mieux prévenir les intérimaires délégués à l’avenir.

Cette approche distingue l’ETT d’autres intermédiaires. Et, de ce point de vue, on pourrait qualifier les ETT d’intermédiaires au sens fort du terme en ce qu’ils produisent une information qui n’existait pas avant69,

information basée sur la capacité d’un intérimaire à occuper un poste de travail. Dans ce cadre, si le CV est mobilisé, il l’est de façon différente par rapport à d’autres intermédiaires. Les permanents de l’intérim reconnaissent que les CV sont utilisés exclusivement comme sources d’information sur les expériences passées et non comme un outil d’évaluation du candidat en soi. Il s’agit de s’appuyer sur un CV pour faire parler le candidat de ses expériences passées.

Q° : vous le construisez comment ce jugement [sur l’intérimaire] ? « Sur CV et au moment où vous menez

votre entretien, vous posez une question bien précise, la personne va commencer à répondre à côté. Vous essayez de recibler un petit peu votre entretien, il vous répond une deuxième fois à côté. Donc, normalement vous vous dites : soit il essaie de… il y a quelque chose qui ne va pas. […] Par exemple, si je lui dis : “Par exemple sur une palette instable ou sur ton chargement ou sur ton dispatch”, enfin une question un peu technique, voilà c’est… vous vous attendez à une certaine réponse.

69. Comme le définissent Bessy et F. Eymard-Duvernay « par “intermédiaires” nous entendons tous les acteurs et (ou) support (techniques, gestionnaires, etc.) qui participent à l’accumulation de l’information sous certaines “formats” » (note de bas de page n° 2, p. XII in Bessy Ch. Et Eymard-Duvernay F. (1997), Les intermédiaires du marché du travail, Les cahiers du CEE, n° 36, PUF.

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