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140 DYNAMIQUES TERRITORIALISÉES DU CHAMP DE L’INTERMÉDIATION / ÉTUDES ET RECHERCHES

AGENCES PÔLE EMPLO

140 DYNAMIQUES TERRITORIALISÉES DU CHAMP DE L’INTERMÉDIATION / ÉTUDES ET RECHERCHES

en mesure de profiter des mécanismes « autonomes » du marché du travail sont laissées libres de le faire, les autres étant orientées vers des aides conçues pour leur permettre une sortie vers l’emploi. Pôle emploi étant un établissement public, l’étude de son modèle économique est fortement intriquée avec l’étude de son organisation, puisqu’il faut regarder comment se

répartit le temps de travail des agents pour comprendre comment les deniers publics sont utilisés. Ainsi, sur le territoire 1, on constate que la mise en œuvre de la note d’orientation Pôle emploi 2015 et de son mot d’ordre a servi à la refondation de l’agenda des conseillers qui disposent à présent de plages dédiées à la gestion de portefeuilles « au pluriel, offre et demande » précise le directeur de l’agence V. Au sein de l’agence B du territoire 1, on constate même que l’interrogation « mais finalement qui en a le plus besoin ? » a présidé à une vaste enquête quantitative (au moyen du système d’information de Pôle emploi) sur les profils les plus en difficultés. 8 à 11 ROME ont ainsi été désignés comme redevables d’une aide et d’une organisation spécifique du travail puisqu’ils étaient marqués à la fois par une très forte récurrence des demandeurs d’emploi de longue durée et par un très fort « taux de sortie ». Il s’agit ainsi d’emplois sur lesquels il y a de la rotation mais une rotation à laquelle tous les profils ne

participent pas. Le directeur d’agence a alors construit un certain nombre d’outils pour prévenir le risque de chômage de longue durée sur la base des variables identifiées comme déterminantes des difficultés de ces profils.

Sur le territoire 2, on constate que la mise en œuvre de la note d’orientation Pôle emploi 2015 a donné lieu à différentes spécificités locales particulièrement intéressantes. Le directeur d’agence négocie avec les SIAE des places pour les demandeurs d’emploi de son agence et en « contrepartie », il travaille à favoriser la sortie vers l’emploi des personnes inscrites dans des parcours SIAE. Le procédé profite ainsi aux deux partenaires, Pôle emploi et les SIAE, tous deux évalués en fonction du taux de sortie vers l’emploi. De ce fait, ce sont deux compteurs de performance qui tournent simultanément en remettant un demandeur d’emploi- SIAE à l’emploi : celui de Pôle emploi et celui de la SIAE en question. Ainsi – bien que l’intensité/fréquence de ce type de partenariats resterait à évaluer, il semble que les opérations de recrutement en nombre (dans les centres commerciaux par exemple) associent les SIAE. Dans le même ordre d’idée, on constate que les agents disposant d’un portefeuille renforcé sont incités à faire

de la prospection active (vocabulaire intérim) ou plus précisément de la recherche « d’offre ciblée » (vocabulaire Pôle emploi) afin de trouver des

employeurs qui seraient prêts à donner leur chance à des chômeurs qui ne collent pas tout à fait au profil mais pour lesquels Pôle emploi est capable de proposer des mesures d’adaptation (AFPR, POE, voire CUI-CAE). Dans cette perspective la structure d’indicateurs de performance de Pôle emploi permet en grande partie d’approcher son « modèle économique ». La mesure de l’efficacité réalisée à partir des différentes tâches des agents revient à définir précisément l’utilité économique de leur travail. Depuis 2012, la sortie vers l’emploi est ainsi privilégiée, quel que soit le type de sortie. L’usage du temps des conseillers est défini comme plus utile lorsqu’il est consacré aux personnes qui ne sont pas autonomes et qui ont des difficultés à rechercher un emploi. Ainsi, si le second mot d’ordre de Pôle emploi

2015 – « faire le pari de la confiance » – met en avant

les possibilités d’adaptations locales du modèle, on constate que les différentes mises en œuvre locales du plan sont assez similaires. Il s’agit de chercher des gisements de productivité, une productivité définie par la structure des indicateurs de performance prioritaires.

Pôle emploi revendique d’être en première ligne sur les deux versants du marché

Pôle emploi se caractérise par une obligation de recevoir tous les demandeurs d’emploi et les

demandeurs d’emploi indemnisés sont obligés d’être inscrits. Pôle emploi dispose ainsi d’un accès privilégié à la demande d’emploi par rapport aux autres acteurs de l’intermédiation qui dépendent largement de lui en tant que prescripteur/orienteur de demandeurs d’emploi pour alimenter leurs propres structures.

Depuis 2012, la stratégie affichée sur le volet demande d’emploi consiste en une segmentation des publics (cf. ci-dessus). Plus généralement, sur l’ensemble de l’offre de service concernant les demandeurs d’emploi on assiste à une division du travail au sein des effectifs de Pôle emploi. Seule l’inscription reste une affaire à peu près partagée mais on constate par ailleurs que la personne qui calcule des droits, celle qui reçoit les appels téléphoniques relatifs à l’indemnisation, celle qui reçoit les appels relatifs au placement, celle qui suit la personne autonome, celle qui suit celle plus en

difficulté, celle qui fait la prestation d’aide à la recherche d’emploi, celle qui fait la formation, celui qui contrôle la recherche d’emploi sont des personnes distinctes.

90. Entendu comme un système où les employeurs se déplacent (en nombre, ou de façon récurrente) à Pôle emploi en ayant bien en tête la mesure qu’ils souhaitent obtenir et la personne qui devrait en bénéficier.

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ÉTUDES ET RECHERCHES / DYNAMIQUES TERRITORIALISÉES DU CHAMP DE L’INTERMÉDIATION

Côté offre d’emploi, là aussi Pôle emploi revendique le fait d’être en première ligne. Les critiques envers les autres intermédiaires qui collecteraient des offres d’emploi sans savoir-faire sont récurrentes au cours des entretiens. Pour les directeurs d’agence Pôle emploi, les entreprises ne souhaiteraient plus être sollicitées par de multiples acteurs du SPE et cela induirait un manque de lisibilité. Les agents Pôle emploi mettent en avant les conventions signées au niveau national avec des grands groupes pour revendiquer un accès privilégié aux entreprises, y compris localement. Ils sont au contraire critiques quand ils ne parviennent pas à avoir un accès aux entreprises qui recrutent des publics similaires au leur, comme c’est le cas pour les clauses d’insertion dont ils se plaignent d’être exclus sur tous les territoires étudiés.

L’organisation du travail sur le volet offres d’emploi semble assez semblable d’une agence à l’autre. Deux conseillers sont dédiés sur une plage horaire donnée à récolter les offres des entreprises qui appellent l’agence (2 conseillers par agences). Il existe par ailleurs des moments de prospection d’offres pour tous les conseillers en fonction de leur portefeuille. Certaines agences ont encore une organisation sectorielle, d’autres non.

Le changement d’indicateurs de performance suite à la note Pôle emploi 2015 a eu un impact sur la stratégie sur ce volet offre : l’objectif n’est plus de collecter tout type d’offres d’emploi (indicateur de volume d’offres) mais de placer des demandeurs d’emploi, y compris ceux qui ont des difficultés, d’où des stratégies de prospection plus ciblées et la mise en place des deux niveaux de service aux entreprises décrits

précédemment, ce qui d’après les interviewés a véritablement changé leurs pratiques ou, du moins, la philosophie sous-jacente à l’organisation du travail. Les critères mis en avant pour trancher entre les deux niveaux d’offres de services sont la capacité ou non de l’entreprise à sélectionner en interne et la disponibilité ou non des candidats. Une des actions récurrentes des agences Pôle emploi vis-à-vis des entreprises semble aussi consister à les informer des mesures de politique de l’emploi dont elles pourraient bénéficier et de l’offre de services de Pôle emploi à travers l’organisation d’informations collectives ou campagnes d’e-mailing. On le constate sur le territoire 2 où le directeur d’agence et ses agents se déplacent auprès des entreprises de la zone franche pour les informer des aides qu’elles pourraient obtenir de la part du service public de l’emploi du fait de leur localisation. On le

constate sur le territoire 1 où les directeurs d’agences mobilisent des mesures d’adaptation et différentes ingénieries de recrutement pour le compte d’entreprises de travail temporaire. Nos enquêtés ont conscience du caractère problématique de ces pratiques et semblent se forcer à un autocontrôle drastique pour ne pas verser dans le « business de la mesure »90 comme s’autorisent

à le qualifier certains agents particulièrement critiques. Pour autant, on peut s’interroger sur la mise en œuvre de la politique des contrats aidés. Le principe voudrait que le contrat aidé soit proposé au demandeur d’emploi par son conseiller en tant qu’étape de son parcours. Nos observations nous ont conduits à remarquer que, le plus souvent, les employeurs appelaient en disposant déjà d’un candidat et souhaitaient simplement savoir si ce dernier était éligible à l’une ou l’autre des mesures permettant de réduire le coût du travail.

Le territoire d’intervention : quelles frontières ?

Selon les cas et les bassins d’emploi étudiés, le territoire d’intervention d’une agence Pôle emploi correspond strictement à tout ou partie du territoire d’une commune ou s’étend sur un périmètre plus large. L’agence a la responsabilité de l’inscription et du suivi de tous les demandeurs d’emploi habitant au sein de cette zone et gère les offres d’emploi des entreprises qui y sont implantées. Mais ces frontières ne sont pas totalement hermétiques et là encore Pôle emploi 2015 a modifié la situation antérieure. Les agences ne s’interdisent pas par exemple de transmettre des offres aux agences des territoires limitrophes puisque ce qui compte c’est de réussir à satisfaire l’offre d’emploi. Les offres sont en théorie en libre accès sur le système d’information interne et, Pôle emploi étant une organisation nationale, elle n’est pas redevable au niveau local. Il ne s’agit pas d’une structure municipale qui doit rendre des comptes aux électeurs et favorise de ce fait les résidents d’une commune en particulier (cf. fiche acteurs municipaux). L’objectif convergent consiste à placer des demandeurs d’emploi et de satisfaire les entreprises, quel que soit leur lieu de résidence. Par ailleurs, la multiplication du principe des grands comptes, bien que parfois difficile à faire accepter aux agents de la base, permet une certaine souplesse en faisant intervenir le niveau le plus pertinent au sein de l’organisation à plusieurs niveaux de Pôle emploi (DG, DR, DT, agences locales).

La question des frontières territoriales se pose

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