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138 DYNAMIQUES TERRITORIALISÉES DU CHAMP DE L’INTERMÉDIATION / ÉTUDES ET RECHERCHES

AGENCES PÔLE EMPLO

138 DYNAMIQUES TERRITORIALISÉES DU CHAMP DE L’INTERMÉDIATION / ÉTUDES ET RECHERCHES

une agence cadre, vers la prestation d’accompagnement « Atout cadres », l’accompagnement guidé, le 100 % dématérialisé ? Les plus en difficulté se verront-ils prescrit un accompagnement renforcé, global, social, seront-ils invités à prendre contact avec un Plie ou un organisme de l’IAE ? Quels sont les critères de tels diagnostics préalables à l’orientation en plus du contingent de places disponibles ?

Si les agents rencontrés se disent capables d’évaluer la valeur sur le marché du travail des personnes qu’ils rencontrent, il reste difficile de prévoir à l’avance la trajectoire que va suivre le demandeur d’emploi au cours de sa recherche. Il est parfois difficile de repérer certaines caractéristiques non professionnelles qui pourraient handicaper le demandeur d’emploi dans sa recherche d’emploi. D’autant plus que la place prise par l’enregistrement de l’indemnisation au cours de l’inscription peut conduire à réduire le temps accordé à l’enregistrement du projet professionnel. Même les éléments les plus évidents peuvent donc être contournés au moment de l’inscription. Suite à cela, les demandeurs d’emploi sont pourtant orientés dans l’un ou l’autre des parcours en fonction des informations enregistrées administrativement au moment de l’EID. En théorie, ils peuvent ensuite être réorientés vers un autre portefeuille en cours de parcours. Pour autant les contraintes fortes qui s’exercent sur la répartition des portefeuilles évoquées plus haut nous font penser que ces réorientations sont assez peu fréquentes.

Mises en œuvre divergentes

Les divergences observées entre les différentes agences découlent pour beaucoup de l’adaptation à des

situations locales hétérogènes du mot d’ordre « faire plus pour ceux qui en ont le plus besoin ». En fonction des caractéristiques socio-économiques du territoire, la part des chômeurs et des employeurs autonomes ou en difficulté peut varier.

Sur le territoire 1, on constate la prégnance du secteur logistique et des enseignes de travail temporaire. De ce fait, nombre de demandeurs d’emploi – jeunes et peu diplômées pour la plupart ce qui pourrait laisser augurer d’une distance à l’emploi importante – travaillent en fait très régulièrement. Mais ils sont employés sous contrat à durée déterminée ou dans le cadre de missions d’intérim ce qui les conduit à s’inscrire très régulièrement à Pôle emploi sans pour autant avoir besoin d’une aide spécifique (à la formation ou à la recherche d’emploi). De la même manière, les

employeurs se retrouvent parfois en difficulté de recrutement – du fait de l’importance du turnover dans ce secteur – sans avoir besoin d’une intermédiation qualitative. Seul le sourcing compte et les acteurs rencontrés parlent volontiers d’employeurs

« consommateurs ». Le « besoin » le plus récurrent parmi les acteurs de ce marché du travail est une certification qui fait figure de quasi diplôme dans le secteur logistique : le CACES88. Facile à obtenir et

peu coûteuse cette certification est obligatoire mais ne dure que 4 ans, ce qui provoque un besoin récurrent de formation en la matière. Pôle emploi et les différents intermédiaires du marché du travail participent de ce fait régulièrement au financement de CACES pour des demandeurs d’emploi dont l’employabilité repose presqu’exclusivement sur ce laissez-passer. Le plus souvent, les entreprises utilisatrices et les agences d’intérim ont suffisamment de fonds pour assurer la qualification nécessaire à leurs agents de manutention, préparateurs de commande et caristes. Sur le territoire 1, ce secteur mobilise donc assez fortement Pôle emploi pour l’inscription des demandeurs d’emploi et la saisie des offres mais sans commune mesure avec le nombre important de personnes et de postes vacants que cela concerne effectivement. Il demeure paradoxal

d’observer que le taux de chômage est assez élevé sur ce territoire, malgré le dynamisme économique qui le caractérise. La forte proportion d’intérimaires a en fait pour corollaire un nombre important de personnes régulièrement inscrites au chômage mais qui travaillent aussi régulièrement.

Sur le territoire 2, les demandeurs d’emploi rencontrent des difficultés beaucoup plus importantes que sur le territoire 1 et le recours des employeurs à Pôle emploi est moins fréquent. De ce fait, l’application du mot d’ordre « faire plus pour ceux qui en ont le plus besoin » est assez difficile dans la mesure où le nombre de personnes jugées en difficulté dépasse largement les possibilités de prise en charge de l’agence tandis que par ailleurs le fonctionnement autonome du marché du travail précaire ne permet pas d’occuper ces personnes – même de manière alimentaire.

Un des éléments sur lesquels nous avons pu observer une certaine « politique de l’emploi propre à une agence » concerne la mise en œuvre du portefeuille renforcé dans une agence du territoire 1. Sans que cela puisse s’expliquer par la spécificité du territoire, le directeur a fait le choix assumé de ne pas inscrire dans le parcours renforcé les demandeurs d’emploi les plus en

88. Cette certification autorise à conduire divers engins d’entreposage et de levage. Le CACES 1-3-5, le plus couramment exigé par les employeurs nécessite 35h d’enseignement et coûte entre 600 et 800 euros.

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difficulté. Il précise : « Quand ils viennent en renforcé

c’est qu’ils viennent avec un métier et on ne comprend pas qu’ils ne trouvent pas d’emploi. Les « cumulards », j’évite le renforcé ». Il entend par le terme « cumulard »

ceux qui cumulent des difficultés sociales aux difficultés professionnelles. Le directeur se saisit en fait au

maximum de la possibilité d’user de l’accompagnement global mis en œuvre en partenariat avec le conseil départemental, pour s’occuper des cas les plus compliqués, qui multiplient les handicaps dans la recherche d’emploi. D’une certaine manière, on constate que dans la stratégie de ce directeur tous les cas qui ne collent pas à une définition unidimensionnelle de l’employabilité sont évincés pour se concentrer sur les personnes conformes à la philosophie de l’offre de service Pôle emploi 2015 : des personnes qui sont en grande difficulté mais pour lesquelles Pôle emploi a les moyens d’agir.

Modèle économique : Une reconfiguration de fond des indicateurs de performance (Pôle emploi 2015)

L’enveloppe budgétaire étatique de Pôle emploi est discutée avec le ministère du Budget. Le ministère du Travail et le/la contrôleur/euse d’État apportent le plus souvent leur soutien aux requêtes de Pôle emploi. Du fait du caractère sensible de la question du chômage dans l’arène politique, le budget de Pôle emploi n’a pas été touché par les tentatives de contraction récente de la dépense publique. Bien que des annonces aient été faites en ce sens en 2011 (- 8 % par an), le budget de Pôle emploi a en fait toujours augmenté d’une année sur l’autre. Cependant il convient d’avoir à l’esprit que le budget de Pôle emploi a deux sources : une part de son budget est négociable et provient de l'État (1,36 milliard de 2009 à 2012, 1,46 en 2013) ; une seconde part, fixe, est versée par l’assurance chômage (10 % des recettes du régime d’assurance chômage). Pôle emploi cherche également à bénéficier de financements issus du Fonds social européen (FSE). La moitié du coût des postes de conseillers affectés à l’accompagnement global et à l’AIJ découlent par exemple de ce type de financement. Pour ajuster la comptabilité physique et monétaire de ces programmes avec les contraintes particulièrement lourdes que représentent les financements européens, Pôle emploi semble avoir fait le choix de mutualiser la collecte et la mise en forme des justificatifs au sein d’une une agence par département. En contrepartie, les agents qui sont inscrits sur ces lignes budgétaires spécifiques constituent une ressource humaine elle aussi spécifique pour les directeurs d’agence dans la mesure

où ils n’ont pas le droit de les affecter à n’importe quelle tâche. Les actions habituellement partagées au sein d’une agence comme l’accueil, l’inscription ou les informations collectives ne peuvent plus être librement réparties entre les conseillers.

Au sein de Pôle emploi la répartition budgétaire se fait parallèlement au dialogue de performance : les directions régionales contractualisent en t leurs objectifs pour l’année t+1et se voient dotées en contrepartie d’une enveloppe budgétaire comprenant le budget de fonctionnement (effectifs) et le budget d’intervention (aides au retour à l’emploi). Le budget d’indemnisation est lié aux nombres de personnes éligibles à une ARE et ne peut pas être négocié.

La part des indus est néanmoins contrôlée et fait l’objet d’un indicateur de performance et d’un contrôle qualité. Le principe d’une contractualisation moyen/objectif se décline à tous les échelons jusque dans les agences. L’influence des indicateurs de performance sur les dotations budgétaires est ambiguë. Les divisions (régionales, départementales ou locales) qui s’engagent à faire de très bons résultats peuvent bénéficier d’un surplus de moyens (notamment humains) mais de mauvais résultats peuvent également être utilisés pour arguer d’un manque de moyens (humains également). Le sens de la corrélation semble varier en fonction des périodes de l’année. La mesure de la « performance » au moyen d’indicateurs quantifiés demeure toutefois l’étalon de la répartition budgétaire à Pôle emploi. D’après les observations effectuées par les membres de l’équipe avant 2012, la structure des indicateurs prioritaires du dialogue de performance influençait très fortement l’activité des agences.

Pour autant, cette procédure de répartition du budget n’est pas sans connaître d’évolutions de fond. La mise en œuvre de la note d’orientation Pôle emploi 2015 en est un bon exemple. La période précédente avait été marquée par une progressive perte de légitimité des indicateurs les plus significatifs89. A partir de juin 2012,

les dialogues de performance ont cherché à abandonner ces deux indicateurs, conformément aux évolutions de la stratégie de l’établissement. En conséquence, il n’y avait plus d’objectif de collecte d’offres, les MER + n’apparaissaient plus dans la maquette de la négociation et le suivi des demandeurs d’emploi n’était plus

nécessairement mensuel. Ces évolutions de la structure des indicateurs prioritaires ont eu des effets importants sur l’organisation concrète du travail des agents. Sur le territoire 1 notamment, les personnes qui sont

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