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122 DYNAMIQUES TERRITORIALISÉES DU CHAMP DE L’INTERMÉDIATION / ÉTUDES ET RECHERCHES

AGENCE POUR L’EMPLOI DES CADRES (APEC)

122 DYNAMIQUES TERRITORIALISÉES DU CHAMP DE L’INTERMÉDIATION / ÉTUDES ET RECHERCHES

de pair avec un développement important des services à distance, y compris au sein des centres en régions. Ainsi, les deux centres dans lesquels nous avons enquêtés assurent environ la moitié de leurs rendez- vous par téléphone.

Cela rend également difficile l’inscription dans les systèmes territoriaux des acteurs de l’emploi, et ceci d’autant plus que, pendant longtemps, l’Apec n’a pas eu pour stratégie de s’y investir. Arrivé à la direction générale en juillet 2012, Jean-Marie Marx a souhaité qu’elle s’inscrive davantage dans ce paysage. Il a pour se faire misé sur une organisation par régions plutôt que par grands métiers (comme c’était le cas auparavant) et missionné des délégués territoriaux (au niveau régional) pour nouer des partenariats avec Pôle emploi, les Direccte et les Conseils Régionaux et Généraux. Un comité paritaire est également présent dans chaque région. Pour autant, la structure du réseau Apec ne lui permet d’entrer que de manière très ponctuelle dans la granularité fine des instances et des opérations territorialisées.

Depuis la fin de la co-traitance, les centres Apec n’ont plus de relations régulières avec Pôle emploi. S’il arrive que les agents Pôle emploi orientent des chômeurs cadres vers l’Apec, c’est de manière informelle et pour des prestations qui viennent en complémentarité du suivi Pôle emploi mais ne donnent pas lieu à flux financier ni même à échange d’information sur les personnes reçues par les deux institutions. Dotée d’effectifs limités, l’Apec n’est d’ailleurs pas demandeuse d’une orientation massive vers ses services des cadres suivis par Pôle emploi, mais d’une orientation très ciblée : « Aujourd’hui, ça sert à rien de passer son temps

à essayer d’informer les conseillers Pôle emploi de ce que fait l’Apec. Par contre qu’ils comprennent bien que ce n’est pas parce qu’ils ont un cadre en face d’eux, qu’il faut l’envoyer à l’Apec, ça, ça nous semble important. Du coup, on pousse un certain nombre de services qui nous semblent être des services d’expertise cadre »

(directrice de centre). L’Apec participe aussi parfois, dans les deux territoires, à des opérations de type salon sur l’emploi organisés par Pôle emploi, mais là encore cela reste très ponctuel.

Plus largement, les centres Apec peinent à trouver leur place localement au sein d’un service public de l’emploi dont l’action est tournée vers des publics jugés en situation plus difficile que ceux de l’Apec : « on est un

peu vu comme un organisme un peu luxueux qui s’occupe

des riches » nous dit la directrice du centre qui couvre

le territoire 2, où le taux de chômage est élevé et le taux de cadre faible. La réorientation de l’Apec vers les cadres en activité a ainsi contribué à renforcer

disjonction avec les acteurs service public de l’emploi, y compris en termes de zone d’intervention. « C’est là que

le découpage avec la Région, n’est pas forcément le même que le mien. Et que le découpage avec Pôle emploi, n’est pas le même que le mien. […] C’est sûr que le directeur de Pôle emploi, il regarde les chômeurs par zone et moi je regarde les cadres en activité. Le potentiel de cadres. Donc forcément on a tous des lectures différentes » affirme la directrice du centre couvrant le

territoire 1.

Avec Pôle emploi, la différence de public cible amène à rechercher des complémentarités, mais réduit

également à peu de choses les occasions de collaborer : « a priori, on se connaît bien sur le papier avec Pôle

emploi, sauf que dans la réalité on s’aperçoit que pas du tout. Et donc on a lancé plutôt des expérimentations avec Pôle emploi en cherchant à avoir une

complémentarité. Aujourd’hui que ce soit le patron de Pôle emploi [dans la région] ou moi-même on est convaincu qu’il faut arrêter de vouloir servir les mêmes personnes, les mêmes entreprises, les mêmes cadres, etc. Donc on est plus dans une recherche de

complémentarité avec une réalité, qui est : il ne faut pas que l’on brouille les messages. Pôle emploi, c’est étatique, c’est l’argent qui sert à accompagner les demandeurs d’emploi. […] Et puis à côté de ça, nous on a des dispositifs pour accompagner certains seniors, pour accompagner certains DELD [Demandeurs d’Emploi de Longue Durée], mais, on a vocation à être présent sur les cadres en activité » (directrice du centre Apec

dont relève le territoire 1).

Avec les acteurs privés, la question de la concurrence s’est souvent posée avec acuité. Mais le

repositionnement des centres Apec les place largement en dehors de leur champ d’intervention (la situation est différente entre apec.fr et les job boards privés, comme cela a déjà été précisé). Pour autant, les relations sont localement quasi-inexistantes.

C’est finalement à une échelle déterritorialisée que semblent se situer les relations les plus intenses avec les autres intermédiaires, autour des services d’apec.fr. Cabinets de recrutement et entreprises de travail temporaire en sont de grands utilisateurs pour la diffusion de leurs offres et la recherche de profils. En revanche, à la différence de Pôle emploi84, l’Apec 84. Cf. opération « Transparence du Marché du Travail » (TMT) de Pôle emploi, analysée en détail dans « Dynamiques écologiques du marché du travail

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n’a établi aucun partenariat avec les job boards privés (notamment Cadremploi, toujours considéré comme un concurrent). Ceci ne signifie pas pour autant que l’institution n’a pas de liens avec les autres acteurs du marché du travail en ligne, bien au contraire : non seulement, une convention organise la rediffusion sur pole-emploi.fr de certaines offres recueillies via apec.fr (sans réciprocité à l’heure actuelle), mais l’Apec a précocement établi des partenariats avec les

agrégateurs (de Keljob au début des années 2000 à Indeed aujourd’hui, entre autres), les réseaux sociaux professionnels (LinkedIn puis Viadeo) et les

multidiffuseurs d’offres d’emploi (qui interviennent pour une large part des offres diffusées sur apec.fr)85.

… mais qui pourraient se renforcer avec le conseil en évolution professionnelle

La loi du 5 mars 2014 a fait de l’Apec l’un des cinq opérateurs nationaux le conseil en évolution professionnelle (CEP), avec Pôle emploi, les Missions locales, les Cap emploi et l’Opacif. Le fait d’être dans la loi est vécu par l’institution comme un élément important de sa stratégie visant à redevenir visible dans le paysage des acteurs de l’emploi et de la formation. Mais cela n’a pas entraîné de réorientation de l’activité. En effet, des trois niveaux de service distingués par le dispositif du CEP, l’Apec disposait de prestations correspondant déjà au moins au deux premiers : le niveau 1 - l’accueil personnalisé (analyser la demande de la personne et l’orienter vers des structures pertinentes) - et le niveau 2 - le conseil individualisé (aider la personne à définir et à formaliser son projet). Par contre, la partie ingénierie financière du niveau 3 était jusque-là absente de l’offre de service de l’Apec, qui a donc dû mettre en place une prestation qui n’existait pas (Solution Formation).

Avec le CEP, l’Apec a dû se réinscrire plus fortement parmi les acteurs régionaux de la formation et c’est notamment ce qui a motivé la mise en place de sa nouvelle organisation au 1er juillet 2014, qui a

consisté à créer 15 délégations territoriales. « L’idée est

d’être le représentant pour l’ensemble des activités de l’Apec et notamment vis-à-vis des institutions qui se sont créées avec la loi sur la formation comme le SPRO [service public régional de l’orientation], le Crefop [Comité Régional de l’Emploi, de la Formation et de l’Orientation Professionnelle], etc. » (Déléguée

territoriale, territoire 2). Cette réinscription ne s’est pas limitée à une fonction de représentation, elle est également visible dans l’activité quotidienne depuis la mise en place de la prestation Solution Formation. « Ce qui a été un sujet, c’est Solution Formation. Et puis

ce que ça implique : est-ce qu’on est bien en lien avec tous les acteurs de la région ? Est-ce qu’on a bien identifié tous les acteurs, etc. ? Donc [dans la Région], j’ai deux consultantes référentes, qui sont montées prioritairement sur cette prestation et qui sont les seules aujourd’hui à faire de la prestation qui s’appelle Solution Formation. Et donc à décrocher leur téléphone pour avoir quelqu’un au Fongecif, pour avoir quelqu’un à Unifaf, pour voir quels financements on peut mettre en place une fois que c’est une formation qu’on sait appartenir aux listes qui ont été définies par les branches. » (Directrice

de centre).

Pour autant, le dispositif n’étant en place que depuis le 1er janvier 2015, il est prématuré de juger de ses effets

sur les relations de l’Apec avec les autres acteurs du champ emploi formation. En tout état de cause, au-delà des 15 délégués territoriaux, les consultants Apec en relation régulière avec les autres opérateurs du territoire restent peu nombreux.

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