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120 DYNAMIQUES TERRITORIALISÉES DU CHAMP DE L’INTERMÉDIATION / ÉTUDES ET RECHERCHES

AGENCE POUR L’EMPLOI DES CADRES (APEC)

120 DYNAMIQUES TERRITORIALISÉES DU CHAMP DE L’INTERMÉDIATION / ÉTUDES ET RECHERCHES

d’études sur les métiers et l’emploi des cadres (axe 4 de l’offre de service) et un service gratuit de diffusion et de consultation d’offres d’emploi et de profils (axe 3).

Au travers de ce dernier service, de type job board, l’Apec fait bien cette fois de la mise en relation

directe83. Mais elle demeure sur sa « ligne de crête »

dans la mesure où elle « n’intervient pas » dans ces mises en relation autrement qu’en choisissant la manière dont les uns et les autres peuvent discriminer l’information au travers de formulaires de recherches. Son activité d’intermédiation relève donc d’un modèle information, et non d’un modèle sélection (au sens de Fondeur & Tuchszirer, 2005).

Au total, le modèle d’intermédiation de l’Apec peut être qualifié de bimodal en ce sens qu’il se cantonne à deux modes : une intermédiation indirecte dans les centres et des services de mise en relation directe mais sans intervention humaine via Apec.fr. Comme le positionnement par rapport aux publics, ce modèle d’intermédiation bimodal soigneusement balisé a été construit avec pour stratégie de se placer sur des segments spécifiques, recouvrant le moins possible l’intervention des autres intermédiaires publics et privés. A une exception toutefois : celle des job boards privés spécialisés cadre facturant leurs services (Cadremploi en particulier).

Une timide inflexion avec l’avenant récent au mandat de service public

Fin 2014, l’Igas a remis au ministre du travail un rapport évaluant à mi-parcours le mandat de service public de l’Apec de 2012. Ce rapport a été accueilli très

favorablement par l’institution. Elle y verrait en effet son repositionnement complètement validé (nous employons le conditionnel car le document n’a pas été rendu public et il ne nous a pas été possible d’y avoir directement accès). Un autre motif de satisfaction pour l’Apec est la préconisation par l’Igas de réintroduire des services de présélection, même si les conditions de cette réintroduction sont très strictes.

L’abandon total des services de présélection suite à l’ANI de 2011 et au mandat de service public de 2012 a en effet été vécu comme une amputation du modèle d’intermédiation de l’Apec. « Il y a eu des décisions

politiques, qui ont fait, qu’il a fallu que l’on s’arrête, mais aujourd’hui c’est une aberration que l’Apec ne fasse pas ça » nous confie la directrice de l’un des centres

enquêtés. Elle poursuit : « On dit aux entreprises, vous

financez l’Apec, qui va vous aider à recruter. Un million de visiteurs par mois [sur apec.fr], ça peut aider pour trouver les bons candidats. Sauf que vous diffusez votre offre, et si je suis une PME, une TPE, y’a personne qui m’accompagne ? Pour m’aider à présélectionner ? Alors que je n’ai pas la ressource, je n’ai pas temps et que c’est un vrai enjeu de recruter un cadre ! Ça paraît dingue… […] On leur dit : "vous vous débrouillez". On ne rédige pas l’offre, vous la diffusez tout seul. La seule « presta » qu’on a, c’est « Votre Potentiel Sourcing" […] On s’arrête là. On vous aide à connaître votre marché du travail, […] on vous donne une vision du territoire auquel vous vous adressez mais… On ne fait pas le matching… C’est quand même juste hallucinant ».

La direction de l’Apec a donc fortement milité pour un retour de la présélection dans le cadre de la mission Igas 2014. Dans un contexte d’une moindre influence des opposants à cette prestation au sein du collège patronal de l’institution paritaire, les inspecteurs de l’Igas ont validé dans leur rapport le principe d’un retour de la présélection dans l’offre de service. Dans la foulée un avenant à la convention de mandat de service public était signé avec la DGEFP. Il stipule que l’Apec assure dorénavant « un service d’aide à la rédaction d’offre

d’emploi, de présélection sur dossier et de présentation de candidatures, à l’exclusion des services d’"évaluation" des candidatures » et que « ce service vise notamment à présenter prioritairement des candidatures de cadres et jeunes accompagnés par l’Apec » (avenant du 18 mars

2015 à la convention de mandat de service public de l’Apec).

Ce service est gratuit et les entreprises pouvant y recourir doivent avoir moins de 250 salariés (avec une priorité à « celles qui ne disposent pas d’expertise dans

le recrutement de compétences cadres »). Une souplesse

est toutefois introduite pour les entreprises plus importantes « en cas de difficultés de recrutement ». L’appréciation desdites « difficultés » est délicate, même si l’avenant précise deux cas à titre d’exemple : « poste non pourvu » ou « candidatures ne

correspondant pas au besoin ». Autre limitation :

cette ouverture aux entreprises de plus de 250 salariés ne doit pas dépasser 20 % de l’ensemble des prestations offertes.

Le nouveau service n’est pas encore mis en place (il fait actuellement l’objet d’une expérimentation), mais force est de constater que le retour de la présélection à l’Apec a été très strictement encadré par les textes, ce qui est le résultat d’une négociation difficile avec le

83. On trouvera davantage de détail sur la stratégie Internet de l’Apec dans « Dynamiques écologiques du marché du travail en ligne autour de la circulation des offres d’emploi », paru dans la même collection.

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collège patronal de l’institution paritaire. Un cadre dirigeant nous le confirme : « pour le collège patronal,

ce n’est pas évident. Mais entretemps, les modèles ont changé, ce n’est pas là qu’est le gros de la valeur. Et puis c’est surtout qu’ils se rendent compte que pour une PME, c’est juste pas possible, qu’ils paient une presta’ de cabinet ou… c’est juste pas possible. […] Il faut faire attention, pas de concurrence […] On l’a fléché dans l’avenant, le fait que ce n’était prioritairement qu’aux établissements [de petite taille], on a vraiment été très clairs, on a assez détaillé les prestations : il y a un appui à la rédaction d’offres et puis un appui à la présélection. Et on fait quand même aussi un lien avec les personnes que l’on accompagne, on peut promouvoir les personnes que l’on accompagne dans les phases de recrutement des PME. Là où on était contents, c’est que déjà ça fait consensus, unanimement, et que c’est très intérêt général. Nous on voit quand même des PME qui n’arrivent pas à trouver par manque de compétences et puis des gens qui galèrent ou qui ont peu d’opportunités. C’est tout l’intérêt. Maintenant, on ne va pas aller faire de la présélection courante, ça n’a aucun sens. […] On ne va pas prendre des parts de marché, et on ne va pas non plus solvabiliser les marchés qui ne le sont pas ».

On le voit la question d’une éventuelle concurrence avec les intermédiaires privés a été au centre des discussions, avec à la fois le souci de ne pas proposer des services trop proches de ceux qu’ils commercialisent et de ne pas être à nouveau accusé de concurrence

déloyale (c’est pour cela que la nouvelle prestation est

proposée gratuitement, en mettant en avant l’intérêt général, ce qui correspondant à un financement par subvention publique).

L’avenant à la convention de mandat de service public prévoit également d’introduire des services spécifiques à destination de « publics connaissant des problématiques

particulières sur le marché du travail », notamment un

« accompagnement personnalisé » pour les jeunes diplômés issus des quartiers prioritaires de la ville et les cadres ayant des difficultés particulières de réinsertion et des « services spécifiques » pour cadres seniors. Là encore, il s’agit donc d’une légère inflexion par rapport au modèle d’intermédiation sur lequel l’Apec s’était alignée après 2010, avec un retour partiel vers les publics en difficulté au sein des deux grandes catégories cibles de l’institution. Le mouvement initié par la décision du conseil d’administration de proposer une action spécifique à destination des cadres au chômage depuis plus d’un an est donc poursuivi. Pour autant, il est encore trop tôt pour juger de la nature des prestations proposées (elles n’étaient pas en place

au moment de notre enquête dans les deux territoires) et il faut préciser que les cadres en emploi demeurent la cible principale de l’Apec.

Des liens lâches avec le territoire et les autres intermédiaires…

L’Apec compte 850 salariés (900 en 2010), dont 250 à son siège, qui outre des fonctions support rassemble les services études et un certain nombre de services à distance (en particulier la gestion de l’important site Internet et les conseils aux entreprises sur leurs offres d’emploi). Il s’agit donc d’un organisme national de petite taille, dont une grande partie des effectifs est affectée aux services centraux. Sa structure est de ce point de vue très différente de celle de Pôle emploi. Avec seulement 45 points d’accueil, l’association offre un maillage très lâche du territoire national.

Parmi ces points d’accueil, on ne compte par ailleurs que 26 centres au sein plein, c’est-à-dire disposant d’une offre de services complète. S’y ajoutent 12 antennes, disposant de services limités, et 7 permanences, n’ouvrant que sur des créneaux hebdomadaires précis. Les deux centres Apec dans lesquels nous avons enquêtés font partie des plus gros centres français. Le premier compte une cinquantaine de salariés et couvre un territoire structuré par une grande métropole qui rassemble la moitié des cadres de la région. Mais en dehors de cette grande ville, la présence de l’Apec est faible dans les zones rurbaines et le territoire 1, qui comporte une faible proportion de cadres, n’est clairement pas une priorité. Depuis le territoire 1, il faut pour se rendre au centre Apec une quarantaine de minutes en voiture et plus d’une heure en transport en commun.

Le second centre Apec enquêté compte une quarantaine de salariés. Sa zone de compétence s’étend sur 3

départements franciliens et son lien avec le territoire 2 est de ce fait très lâche, d’autant qu’il n’est pas localisé dans le département où se situe le territoire 2, mais dans un département limitrophe. Il faut, pour s’y rendre depuis ce territoire, une quarantaine de minutes en voiture et plus d’une heure en transport en commun, comme dans le cas précédent. De fait, le centre

rencontre des difficultés pour capter les jeunes diplômés du département qui abrite le territoire 2, alors même qu’il dispose de financements spécifiques pour eux dans le cadre du programme européen « Initiative pour l’Emploi des Jeunes », comme évoqué plus haut.

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