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118 DYNAMIQUES TERRITORIALISÉES DU CHAMP DE L’INTERMÉDIATION / ÉTUDES ET RECHERCHES

AGENCE POUR L’EMPLOI DES CADRES (APEC)

118 DYNAMIQUES TERRITORIALISÉES DU CHAMP DE L’INTERMÉDIATION / ÉTUDES ET RECHERCHES

un rapport de la Cour des comptes pointant en 2007 l’absence de comptabilité analytique distinguant les différentes activités et leurs modes de financement, une plainte pour concurrence déloyale déposée par le Syntec auprès de la Commission européenne, et enfin en 2010 une mission de contrôle de l’Igas80 débouchant sur un

rapport demandant à l’Apec d’identifier clairement ses différentes activités sur le plan comptable et de clarifier ses statuts.

S’en est suivi un repositionnement qui a conduit l’Apec, en quelques années, à concentrer ses activités sur ses missions d’intérêt général dans le cadre nouveau

mandat de service public et à abandonner pratiquement toutes ses activités marchandes. Courrier Cadres a été vendu au groupe Touati et les services facturés aux entreprises ont été restreint tant en termes de champs que de chiffres d’affaires (de 10 % du budget avant 2010, ils sont passés à 3 % à partir de 2014).

Concernant les activités d’accompagnement des cadres demandeurs d’emploi, l’Apec a perdu en 2010 son statut de co-traitant de Pôle emploi (et donc la subvention associée). Dans le cadre de l’appel d’offre de Pôle emploi, auquel elle a répondu, elle a été mise en concurrence avec les opérateurs privés de placement pour l’obtention d’un contrat de sous-traitance. Mais alors que la direction de l’Apec pensait disposer d’au moins la moitié du marché de l’accompagnement des 30 000 cadres chômeurs81, les résultats de l’appel

d’offres de 2010 n’en ont donné que 22 % à l’institution paritaire (Ingeus et Adecco ont été les grands gagnants de cet appel d’offres).

Surtout, l’Apec a souffert des nouvelles conditions financières imposées dans le cadre de la sous-traitance. Le paiement sous condition de reprise d’emploi a déséquilibré ses prévisions dans un contexte de montée de chômage. Plus globalement, elle s’est rendu

rapidement compte que son modèle d’emploi n’était pas adapté. En particulier, ses coûts salariaux étaient trop élevés par rapport à ceux des OPP. « Les conditions des

appels d’offre Pôle emploi imposent d’avoir des

consultants rémunérés à 25/30 K€, en CDD, et avec des objectifs de productivité élevés » explique la directrice

de l’un des centres. Lors d’une audition au Sénat82, le

directeur des relations institutionnelles de l’association indiquera que répondre à cet appel d’offre « fut sans

doute une erreur », l’Apec ayant « du mal à trouver un équilibre économique dans la réalisation de cette prestation ». De fait, l’organisme n’a pas souhaité

répondre aux appels d’offres suivants de Pôle emploi.

La cotisation représente aujourd’hui l’essentiel des ressources de l’association : la co-traitance/sous- traitance Pôle emploi ayant été abandonnée et les services facturés ayant été réduits à environ 3 % du budget, comme indiqué plus haut. Les centres Apec en régions peuvent disposer marginalement d’autres ressources, notamment de financements FSE (avec les fortes contraintes administratives associées).

C’est le cas d’un des centres étudiés, qui dispose d’un financement sur le département où se situe territoire 2 dans le cadre du programme « Initiative pour l’Emploi des Jeunes » (un mi-temps doit être consacré au suivi administratif).

Ce mode de financement spécifique présente l’avantage, selon les dires de la directrice de ce centre, de ne pas être en concurrence avec les nombreux acteurs locaux dont les ressources dépendent des conseils

départementaux, des conseils régionaux ou d’autres fonds publics, et donc de ne pas être soumis à certaines tensions territoriales autour de ces financements. De ce côté-là, « on peut intervenir plus tranquillement,

sans se poser de question sur notre zone d’intervention »

explique-t-elle. Pour autant, le financement par la cotisation place l’Apec sur une « ligne de crête » (l’expression est de la directrice du centre) par rapport aux opérateurs privés d’une part et par rapport à Pôle emploi d’autre part.

Un positionnement sur une « ligne de crête » qui implique un modèle d’intermédiation bimodal

Entre la fin de la co-traitance avec Pôle emploi et le risque de concurrence déloyale à l’égard des acteurs privés, l’Apec a dû repositionner drastiquement son activité pour trouver un nouvel (et délicat) équilibre. Ce repositionnement a concerné, à des degrés divers, les trois publics traditionnels de l’Apec : cadres, jeunes diplômés et entreprises.

Les effectifs de consultants dédiés à chaque public dans les centres sont un bon indicateur de l’importance que revêt chacun d’entre eux dans l’offre de service. Ainsi, à titre d’exemple, dans le centre qui couvre le territoire 2, 20 consultants sont dédiés aux cadres, 5 aux jeunes diplômés et 3 aux entreprises. Les proportions sont identiques dans le second centre étudié, qui est plus important. Ce sont donc bien les cadres qui constituent le public essentiel des centres Apec, et parmi eux, nous allons le voir, les cadres en emploi.

Le nouveau mandat de service public de 2012, qui fait suite à l’ANI du 11 juillet 2011, fait d’abord « le pari du

80. Contrôle de l’association pour l’emploi des cadres (APEC), F. Laloue et D. Noury, Igas, juillet 2010.

81. Du temps de la co-traitance, elle accompagnait 35 000 cadres, pour une subvention annuelle d’environ 20 millions d’euros.

82. Audition de B. Hébert, directeur du développement des activités institutionnelles et partenariales de l’Apec, dans le cadre de la mission commune d’information relative à Pôle emploi, 3 mai 2011.

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retour vers les cadres actifs » (c’est-à-dire en emploi)

selon les propos d’une des directrices de centre. Cela s’est traduit par un changement profond du public cadre reçu : « avant on avait 90 % de demandeurs

d’emploi, maintenant on a 55/60 % de cadres actifs »

précise-t-elle. Parmi ces « cadres actifs », que l’Apec présente comme étant « en réflexion » par rapport à leur carrière, une partie significative est, selon la directrice du centre, « menacée », c’est-à-dire confrontée au risque de perdre son emploi à plus ou moins court terme. Dès lors l’action de l’Apec est présentée comme largement « préventive ». L’Apec n’a pas pour autant abandonné le public au chômage, qu’elle continue de recevoir, mais sans leur proposer (comme au temps de la co-traitance) d’«

accompagnement ». Comme pour les cadres en emploi,

il ne s’agit pas d’un suivi régulier/intensif mais de prestations ponctuelles (et toujours gratuites) sous forme d’ateliers collectifs et de rendez-vous individuels, souvent téléphoniques. Seule exception, les cadres au chômage de plus d’un an, pour lesquels le Conseil d’administration de l’Apec a décidé de mettre en place une action spécifique fondée sur « un travail de

redynamisation, de remotivation et de redéfinition de projet » (nous citons toujours la directrice du centre),

action qui se veut différente de ce que Pôle emploi et ses opérateurs privés proposent en ce sens qu’elle n’est pas orientée vers le placement.

La palette de services aux cadres va du conseil en carrière (dont bilans de compétences) en amont, à l’aide à la recherche d’emploi en aval. Comme évoqué plus haut, elle a été complétée au 1er janvier 2015 par le

conseil en évolution professionnel (CEP) prévu par la loi du 5 mars 2014.

Outre les cadres, le second public traditionnel de l’Apec est celui des jeunes diplômés de l’enseignement supérieur. Le positionnement de l’organisme a ici peu évolué, du fait de la spécificité de l’offre de service. La condition de diplôme pour accéder à ses services a été simplement abaissée de bac+4 à bac+ 3 (diplômés ou non). L’articulation avec le réseau des missions locales est présentée comme tout à fait fonctionnelle : « on

arrive après les missions locales, qui vont jusqu’à bac+2 et ont plus de mal à accompagner les jeunes plus diplômés » affirme une directrice de centre.

La coopération avec ces structures est d’ailleurs mise en avant dans l’ANI du 12 juillet 2012. Le public accueilli ne connaît pas les mêmes difficultés d’insertion que celui des missions locales et les services qui lui sont proposés se limitent non seulement aux aspects

professionnels mais visent également à permettre aux jeunes diplômés de « trouver un emploi en rapport avec

leur formation », et non un « petit job » ou un emploi

alimentaire.

Concernant le troisième public de l’Apec, les entreprises, le repositionnement a été beaucoup plus important. Il a essentiellement consisté à amputer l’offre de services d’un certain nombre de prestations entrant en concurrence avec les intermédiaires privés, et notamment les cabinets de recrutements. Rappelons que leur organisation, Syntec, avait déposé une plainte auprès de la commission européenne pour concurrence déloyale. Syntec et le Prisme (ex. SETT, syndicat des entreprises de travail temporaire), ont par ailleurs longtemps été très influents au sein du collège patronal du conseil d’administration de l’Apec et soucieux que l’institution n’empiète pas sur des marchés qui étaient, ou auraient pu être, les leurs. L’Apec a ainsi dû

abandonner son service payant de présélection. « On ne peut non plus entrer dans un PSE ou faire de

l’outplacement » nous explique une directrice de centre.

Reste aujourd’hui dans l’offre de service facturée aux entreprises l’organisation de salons de recrutement, les bilans de compétences (quand ils sont financés par le plan de formation de l’entreprise) et un peu de conseil de RH (essentiellement sur les questions de carrière et de mobilité).

Plus généralement, quel que soit le public, au niveau des centres Apec l’offre de services relève essentiellement de conseils visant à permettre indirectement le rapprochement de l’offre et de la demande. Les prestations « Votre Potentiel Marché », destiné aux cadres, et « Votre Potentiel Sourcing », destinée aux entreprises, sont tout à fait significatives de cette intermédiation indirecte. Dans les deux cas, il s’agit de donner, au cadre ou à l’entreprise, une représentation de son « marché » essentiellement fondée sur les offres d’emploi et CV recueillis sur Apec.fr. En d’autres termes, une information est construite à partir de l’offre et de la demande, avec pour finalité, d’un côté, d’aider le candidat à affiner sa recherche d’emploi et ses candidatures, et de l’autre, d’aider l’entreprise à affiner sa recherche de candidats et ses offres d’emploi. Mais il ne s’agit pas de rapprocher directement offre et demande, de les apparier.

Au niveau central, le credo est de « fluidifier le marché

du travail » sans intervenir spécifiquement dans

les recrutements. Ceci passe par des services gratuits de mise en transparence du marché qui s’appuient sur apec.fr et s’organisent selon deux axes : la publication

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