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98 DYNAMIQUES TERRITORIALISÉES DU CHAMP DE L’INTERMÉDIATION / ÉTUDES ET RECHERCHES

MISSIONS LOCALES

98 DYNAMIQUES TERRITORIALISÉES DU CHAMP DE L’INTERMÉDIATION / ÉTUDES ET RECHERCHES

qui n'apparaît pas central dans son modèle

d’intervention centré sur l’orientation professionnelle. On notera du reste que cette spécialisation relative sur l’orientation entre en conformité avec le fait que les missions locales ont été insérées en 2009 dans le service public de l’orientation, 4 ans après avoir été intégrées dans le service public de l’emploi dans le cadre de la loi Borloo. Si le caractère associatif des missions locales leur permet de conserver une certaine autonomie d’action, ce que confirme la directrice de cette mission locale, elles ont également eu à gérer les conséquences de leur institutionnalisation croissante sur leur modèle d’intermédiation. Celle du territoire 2 ne fait pas exception à la règle. Les nombreuses formes de dialogue de gestion plus ou moins formalisées que la mission locale doit entretenir avec la Direccte (Civis), le département (santé, logement), le Conseil Régional (POP, parrainage, chèque mobilité), la ville apparaissent chronophages et tendent à appréhender l’activité de la mission locale de façon segmentée en fonction des attentes et objectifs de chacun des financeurs. Ces derniers s’attachent à suivre plus particulièrement leurs propres dispositifs même si la présence récente d’élus locaux dans le dialogue de gestion entre l'État et la ML tendrait à favoriser une approche plus globale et territoriale des services rendus par la mission locale. Toutefois, l’entretien effectué dans cette mission locale vient confirmer un des constats formulés par le rapport de l’IGAS/IGEN sur le service public de l’orientation : « Les financements sont apportés par chaque financeur

selon sa logique propre et ne font pas l’objet d’une coordination (en particulier entre l'État et région) sous la forme d’un conventionnement multipartite, à de rares exceptions près, ce qui renvoie le rôle d’ensemblier aux missions locales elles-mêmes ».

Sur le territoire 1, les communes financent la Mission locale à hauteur de 35%, au prorata de leur nombre d’habitants. On compte également le conseil général au titre de financeur. Mais aussi l'État – par le biais de la Direccte – pour les dispositifs de la politique de l’emploi. La Direccte ou son animateur territorial n’ont aucun pouvoir hiérarchique sur les opérateurs de l’emploi que sont le Pôle emploi, Cap emploi, la mission locale etc. Il y a une forme d’ambiguïté dans la relation, qui est liée à l’enchevêtrement des financements et des pyramides hiérarchiques. Le directeur de la mission locale voudrait avoir en face de lui un décideur et il effectue le dialogue de gestion avec un technicien (l'animateur territorial de la Direccte) ce qui lui paraît inapproprié. Dans l’idéal il souhaiterait que les modalités de gestion reposent sur de la stratégie et des orientations politiques et non sur

une énumération comptable. Or, le directeur de la mission locale reçoit la stratégie de son président – qui est un élu local – et il est évalué par un technicien pour ce qui est de son action financée par l'État. Le technicien en question, chargé d’animation territorial de la Direccte s’explique : « Nous quand on donne

l'argent, effectivement, à la mission locale, on leur dit : vous avez tant de Civis à faire, tant de retour à l'emploi, voilà, après ils atteignent ou pas les objectifs mais on essaye de les cadrer. ». Les rencontres « politiques »

ou stratégiques, ont lieu tous les mois au cours d’une instance de pilotage où siège exclusivement des élus et lors de laquelle sont évoquées la situation des inscrits et la situation financière. Les indicateurs des autres financeurs sont également évoqués mais ils ne sont pas présents et – de ce fait - il n’est pas possible d’élaborer une ligne stratégique commune.

Directeur Mission locale Territoire 1 : « J'ai une instance

de pilotage mensuel exclusivement avec les élus, donc je fais un point mensuellement sur l'activité jeune, sur l'activité financière, sur les différentes actions en cours, sur les différents dispositifs sur lesquels on a une

injonction forte de la part de nos financeurs État-région, en ce moment c'est les emplois d'avenir. »

Le modèle économique de l’organisme contraint fortement l'activité sur la collecte d'offre d'emplois. La mission locale voit sa marge de manœuvre réduite sous l'effet de la pression exercée sur les contrats aidés. Des postes très précis, ceux qui permettent de mettre en place des contrats-aidés, sont ciblés et prospectés. Le directeur de la mission locale du territoire 1 raconte : « Et là on doit refaire tout le tour des communes euh...

pour essayer de revendre les CUI-CAE. Parce qu'on a des objectifs de l'État qui sont tac-tac-tac... On est bien sur les emplois d'avenir, on suit le truc, mais on est du coup, en retard sur les objectifs CAE. ». Si l’on essaie de

mettre à plat l’ensemble de ces outils d’intermédiation « prescrits » par les financeurs aux missions locales, on peut élaborer la liste suivante : emplois d’avenir, Civis, Ani jeune, PPAE, l’alternance, le CUI, les CAE-CIE, des mini-stages. Cette prospection ciblée dispositif se fait en ayant présélectionné initialement des profils conformes, dans une perspective assez similaire à la ROC. La mission locale est financée au forfait par Pôle emploi en fonction du nombre de demandeurs d’emploi dont le suivi est délégué par Pôle emploi.

De ce fait, on retrouve ces indicateurs qui proviennent du financement de Pôle emploi dans les indicateurs que le directeur de la mission locale dit suivre de manière privilégiée au quotidien. Il s’agit là d’indicateurs de gestion au sens le plus élémentaire du terme :

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le contrat stipule que 420 demandeurs d’emploi doivent être suivis par la mission locale tous les ans et le suivi consiste à tendre vers ce chiffre.

Ces constats, issus des deux territoires, viennent ainsi appuyer les conclusions d’un rapport administratif réalisé par l’IGF qui pointait les difficultés pour les missions locales à définir des orientations stratégiques compte tenu de leur modèle économique. Il suggère d’inverser la tendance en partant, non plus des financements, mais du projet lui-même : « la mission

locale est la mieux placée pour proposer à ces divers financeurs la synthèse des actions à conduire en direction des jeunes […] Ces plans stratégiques doivent permettre de définir l’offre de services qui a vocation à recevoir le socle des financements et les projets qui devraient recevoir des financements spécifiques ».72

Deux rapports radicalement distincts aux deux versants du marché du travail.

Le public des missions locales est une population de personnes sans emploi de moins de 25 ans sorties du système scolaire, le plus souvent sans qualification. Il s’agit donc d’un public assez difficile à reclasser car peu conforme aux opportunités du marché du travail contemporain dont la contraction favorise les personnes très qualifiées et expérimentées. Même ceux qui ont un diplôme ont en fait des qualifications jugées obsolètes (CAP secrétariat, CAP petite enfance) qui ont peu de valeur sur le marché du travail.

L’essentiel du travail de la mission locale du territoire 1 est destiné au versant demandeurs d’emploi, du moins la majorité du temps de travail de ses salariés. Mais d’après les données dont nous disposons la mission locale est bien identifiée par les employeurs. Ces derniers font régulièrement appel à elle lorsqu’ils réalisent des recrutements pour des postes conformes au public jeune. Ainsi, bien que la mission locale fasse peu de prospection « tous azimuts (directeur de la mission locale) », une part non négligeable de son activité est consacrée aux employeurs. En effet, on observe d’abord que 6 équivalents temps plein sont consacrés à la relation entreprise. On constate ensuite que, d’après le discours tenu, les offres de mission de courte durée dans l’intérim proposées par les agences d’intérim sont refusées au motif que ce n’est pas la vocation de la mission locale que de participer à ces rotations de la main d’œuvre qui n’apportent rien aux demandeurs d’emploi en termes de parcours.

Malgré l’absence d’intermédiation, cela témoigne du fait

que les agences d’intérim ont bien identifié le public auquel elles pourraient avoir accès en passant par la mission locale. Du reste, les agences d’intérim « qui acceptent de jouer le jeu (directeur mission locale) », c’est-à-dire les agences qui acceptent de faire monter les demandeurs d’emploi de moins de 26 ans en compétences, sont accueillies à bras ouvert.

Enfin, différents employeurs recourent aux services de la mission locale pour alimenter leurs effectifs lorsqu’ils ouvrent des magasins ou des restaurants (l’ouverture d’un Flunch a été citée) ce qui témoigne là aussi d’une participation de la mission locale au marché du travail local.

Comme en témoigne la mission locale du territoire 1, de nombreuses missions locales ont déployé ces dernières années des moyens d’action importants en direction des entreprises. Ce n’est pas le cas de la mission locale du territoire 2. La priorité reste l’accompagnement des jeunes fréquentant la mission locale. Notons toutefois l’embauche récente d’un salarié dont la mission est de développer la relation entreprise, une mission pour l’heure largement théorique puisque c’est ce même salarié qui a en charge d’assurer des permanences d’accueil délocalisées pour accroitre la couverture géographique de la mission locale. Dans les faits, cette mission locale ne cherche pas à prospecter les entreprises pour y placer ses jeunes. Ce sont plutôt les entreprises qui viennent à elles, ou par le biais de Pôle emploi, dans le cadre des emplois d’avenir. D’autres indices viennent témoigner de ce faible positionnement sur le volet entreprises : le peu de relation que la mission locale entretient avec les OPCA. Quant aux entreprises de travail temporaire, les relations sont nouées de façon sporadique à l’initiative de ces

dernières. La mission locale ne souhaite pas être utilisée par les ETT comme un simple réservoir de main d’œuvre et tâche de n’envisager de relations durables avec celles-ci qu’à la condition de lier le sourcing à l’existence d’offres d’emploi dûment identifiées. Le positionnement de cette mission locale sur le marché du travail est très clairement orienté « demandeur d’emploi ».

Une des préoccupations énoncées par la directrice de la mission locale renvoie au profil de jeunes fréquentant la structure dont le niveau de formation initiale tendrait à augmenter au fil du temps : près de 40 % des jeunes disposeraient au minimum d’un niveau BAC. Bien que diplômé, il s’agirait néanmoins d’un public très éloigné de l’emploi. Un des enjeux pour la mission locale consiste, par un maillage plus étendu de son territoire,

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