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78 DYNAMIQUES TERRITORIALISÉES DU CHAMP DE L’INTERMÉDIATION / ÉTUDES ET RECHERCHES

CAP EMPLO

78 DYNAMIQUES TERRITORIALISÉES DU CHAMP DE L’INTERMÉDIATION / ÉTUDES ET RECHERCHES

44. Annexe 1 de la convention Cap emploi, service aux entreprises, www.cheops-ops.org/wp.../03/Convention-Cap-emploi-10-02-15.pdf

45. Ce volet représente plus de 40 % des actions conduites auprès des entreprises par les Cap emploi d’après le dernier rapport d’activité de l’Agefip : Résultats de l’Agefip en 2014, https://www.agefiph.fr/A-propos-de-l-Agefiph/Chiffres-cles-et-resultats

Une relation aux entreprises dont un volet est indépendant d’un enjeu direct d’intermédiation

La particularité des Cap emploi, comme cela a été rappelé en introduction, est d’avoir une « double casquette » avec une offre de service adressée aux entreprises et une offre de service adressée aux DETH. « Notre mission est autant de rencontrer les entreprises

que les personnes » (territoire 1).

L’offre de service adressée aux entreprises se décompose en deux volets : SE1 et SE2.

Le volet SE1 conduit les conseillers de Cap emploi à mener « des actions partenariales » sans que

l’employeur n’ait « nécessairement à ce stade de projet de recrutement avéré ». Seul le second volet SE2 est considéré comme un « appui au recrutement »44.

Dit autrement, une partie de la relation aux entreprises portée par les Cap emploi sort du champ direct de l’intermédiation entendue comme la mise en relation d’une « offre » et d’une « demande » de travail. Le volet SE1 permet avant tout de faire connaître l’action des Cap emploi auprès des entreprises et de tenter de construire avec elles un autre regard sur le handicap45:

« Nous allons en entreprises afin de faire connaître ce

que sont les personnes handicapées, enlever cette image de personnes en fauteuil » (Territoire 1).

« [Les conseillers] sont censés aller au-devant des

entreprises pour les sensibiliser et promouvoir notre offre de service » (Territoire 2). Cela conduit les conseillers

à avoir un temps dédié à la relation à l’entreprise relativement long. Une des directrices rencontrées estime que 40 % du temps du conseiller est dévolu à cet aspect de l’offre de service de la structure. Cette action permet aux conseillers d’acquérir de l’information utile pour orienter les DETH dans leur projet de reconversion. Les visites en entreprises effectuées permettent aux conseillers d’avoir une vision des postes de travail, des contraintes physiques, des possibilités d’adaptation des postes. « On échange avec

les entreprises pour bien les connaître, pour connaître leurs postes. On essaye de visiter les postes de travail pour justement avoir une vision des contraintes »

(Territoire 1). D’un certain point de vue, cette collecte d’information leur permet de faire de l’intermédiation que l’on pourrait qualifier de passive ou d’indirecte, c’est-à-dire que l’information recueillie permet d’équiper la discussion avec le DETH et d’ajuster une future mise en relation auprès d’une autre entreprise.

Dans l’optique d’une prospection (volet SE2 de l’offre de service), les techniques des conseillers Cap emploi sont assez classiques. Il s’agit avant tout de faire de la prospection téléphonique pour récolter des offres d’emploi. Sur le territoire 2, une cellule de prospection commune aux trois agences du département vient en appui aux conseillers. Elle a notamment en charge la prospection en direction des grands comptes.

Les conseillers s’occupent, eux, d’une prospection plus ciblée en partant des DETH présents dans leurs portefeuilles.

« On va partir de la personne, de son projet, de ses

aptitudes » (territoire 1), « ce que je leur demande [aux conseillers] c’est de regarder, d’analyser leur portefeuille et de voir quelle est la demande. Et selon la demande, on va aller chercher l’entreprise qui correspond »

(territoire 2). Cette prospection est « une projection large », c’est-à-dire que toute entreprise est bonne à prendre si le poste de travail offert est compatible avec les contraintes physiques d’un DETH. De ce point de vue, les conseillers mobilisent d’autres débouchés que ceux souvent mentionnés par les autres intermédiaires sur le territoire 1 (comme le secteur de la logistique ou du commerce par exemple). Notamment la notion d’emploi non qualifié est questionnée. Par exemple, un poste en logistique suppose de se déplacer dans l’entrepôt et de faire de la manutention, autant d’éléments qu’une personne ayant des restrictions médicales ne peut pas faire.

Un modèle de placement qui s’appuie sur des incitations financières

Le modèle d’intermédiation mobilisé par les Cap emploi se rapporte majoritairement à un modèle de placement au sens où les conseillers mobilisent une information existante sur la vacance d’un poste pour susciter la candidature d’un DETH sans forcément chercher à peser directement sur le processus de recrutement proposé par l’entreprise. Ainsi, plusieurs DETH peuvent être présentés sur une offre d’emploi et peuvent être mis en concurrence avec d’autres demandeurs d’emploi. Comme le souligne une des directrices rencontrées : « on les met en lien [l’entreprise et les DETH], l’entreprise

les intègre dans son process de recrutement et l’idée, c’est effectivement que ce soit celles-là qui soient retenues » (Territoire 1).

Pour autant les conseillers facilitent indirectement l’embauche d’un TH via des incitations financières conditionnées à l’embauche d’un TH. « On parle aussi

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ÉTUDES ET RECHERCHES / DYNAMIQUES TERRITORIALISÉES DU CHAMP DE L’INTERMÉDIATION

46. Greiner D., Demuijnck G., Le Clainche et Saberan S. (2004), Compensation, ciblage et incitation au travail : une analyse éthique et économique de la politique de prise en charge du handicap (France, Belgique, Allemagne, Royaume-Uni), Rapport pour la MiRE, novembre.

47. Eymard-Duvernay F. et Marchal E. (1997), Façons de recruter. Le jugement des compétences sur le marché du travail, Paris, Métailié 48. Résultats de l’Agefip en 2014, https://www.agefiph.fr/A-propos-de-l-Agefiph/Chiffres-cles-et-resultats

des aides, ce qui leur permet de nous regarder autrement quand on leur dit que ça leur allège leurs charges »

(territoire 2). Les conseillers Cap emploi « vendent » des contrats aidés primés par l’Agefiph ou des contrats aidés de droit commun comme les emplois d’avenir ou les CAE.

Comme le soulignait Greiner, et al.46, les interventions

qui touchent à l’insertion professionnelle des personnes handicapées correspondent à trois grands registres :

Des interventions de régulation, où il s’agit d’influencer le comportement des employeurs, directement ou indirectement, par le moyen d’obligations, d’interdictions, de conditions et de protection (quota, protection contre le licenciement, représentation des personnels handicapés, etc.). L’objectif général est alors de favoriser l’insertion des personnes handicapées sur le marché ordinaire en « incitant » les employeurs à les embaucher et à les maintenir dans l’emploi ;

Des politiques de compensation (au sens large) : il s’agit de réduire ou de compenser les écarts de productivité des personnes handicapées, en cherchant à améliorer leur compétitivité (formation spécifique, financement de l’adaptation des postes de travail) ou en subventionnant les entreprises qui embauchent des travailleurs handicapés ;

Des politiques de substitution où il s’agit de favoriser l’accès à la formation ou à l’emploi des personnes handicapées sur le marché en finançant des programmes complémentaires dédiés aux TH ou en structurant un secteur protégé.

Les Cap emploi mobilisent les trois registres. Ils pèsent peu en revanche sur un autre registre conforme avec la définition sociale du handicap (cf. 1.3), à savoir un registre d’interaction, c'est-à-dire la mise en place de dispositifs aidant à la construction en situation de travail d’une compétence du TH pour reprendre la typologie d’Eymard-Duvernay et Marchal (1997)47.

L’intervention des conseillers Cap emploi se fait en amont (en travaillant l’image du handicap avec les employeurs potentiels ou en mettant en avant de possibles baisses du coût du travail) et en aval (en proposant un suivi dans l’emploi et la possibilité d’aménager des postes), mais ils ne pèsent pas sur le process même de recrutement.

Modèle économique et partenariats :

une orientation des partenariats de plus en plus en direction du SPE pour pallier un manque de ressources

Les Cap emploi sont des structures associatives conventionnées sur des durées de deux ans. Elles tirent leur financement de l’Agefiph, du Fiphfp et de Pôle emploi (dans le cadre de la co-traitance). Le concours financier, apporté par Pôle emploi, est pour l’année 2015 à hauteur de 29,8 M€ et cette subvention est déclinée au niveau départemental sur la base de la DEFMTH du territoire d’intervention des Cap emploi. Pour les deux Cap emploi rencontrés, cela représente un volume de 1 500 DETH pris en charge au titre du PPAE.

L’Agefiph a, après la loi de 2005, été le principal

financeur des Cap emploi. Leur subvention dépendait du nombre total de DETH accompagnés. L’organisme mettait aussi à disposition des structures des prestations spécifiques pour les TH (contrats aidés spécifiques, prestations de formation spécifiques, prestations pour élaborer son projet professionnel, etc.). Or, les fonds récupérés via la collecte auprès des entreprises ne respectant par leur obligation d’embauche de TH se réduisent depuis plusieurs années48, ce qui conduit à un repositionnement des

Cap emploi vers « le droit commun ». Cela a un impact direct sur les stratégies partenariales des Cap emploi.

Sortir d’un partenariat trop centré sur le handicap, un impératif économique

Selon notre interlocutrice du territoire 2, l’insuffisance de moyens a pour effet de réorienter le partenariat notamment en le recentrant avec PE : avant, quand l’Agefiph finançait un peu tout, les Cap emploi étaient un peu « centrés sur eux-mêmes ». Pôle emploi était jusqu’à présent financeur (dans le cadre de la cotraitance), mais ils avaient assez peu de liens concrets. La nouvelle « convention de partenariat » devrait changer les choses (cf. point 3.2). Comme le résume la directrice du territoire 2 : « aujourd’hui, moi,

mon travail, c’est de me faire connaître, parce que j’ai eu l’impression qu’à un moment donné, on était centrés sur nous-mêmes.

Ça, c’est historique, parce qu’au départ c’était l’Agefiph qui prenait une grande part, puisqu’on est financés par l’Agefiph, Pôle emploi et le Fiphfp. Et l’Agefiph prenait une grande part en fait de nos activités.

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