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88 DYNAMIQUES TERRITORIALISÉES DU CHAMP DE L’INTERMÉDIATION / ÉTUDES ET RECHERCHES

ENTREPRISES DE TRAvAIL TEMPORAIRE (ETT)

88 DYNAMIQUES TERRITORIALISÉES DU CHAMP DE L’INTERMÉDIATION / ÉTUDES ET RECHERCHES

On a guetté sur ce qui est à côté sur la sécurité. Par exemple, un cariste qui ne sait pas que lorsqu’il n’est pas en charge, il doit fonctionner fourche basse, je vais me dire… je commence déjà à me poser les questions, voilà tout simplement […] » (Petite entreprise, Territoire 1).

L’évaluation de l’intérimaire en vue de l’intermédiation a la particularité de s’effectuer dans la durée et suite à l’occupation de poste du travail puisqu’elle s’enrichit au fil des missions réalisées. Les permanents d’agence effectuent des activités de suivi dans l’emploi pour récolter de nouvelles informations. Si certaines structures membres du SPE réalisent un suivi dans l’emploi après la mise en relation, cette activité revêt une ampleur et une importance spécifique dans le cas des agences d’intérim. Le suivi dans l’emploi s’effectue via des échanges avec les intérimaires et avec

l’entreprise cliente. Elle vise principalement à s’assurer de la satisfaction de l’entreprise. A travers ces échanges, l’agence d’intérim cherche à collecter des informations mobilisables pour des relations commerciales à venir relatives à la qualité de l’intérimaire (informations qui seront mobilisées lors d’autres actions d’intermédiation) au poste et au fonctionnement de l’entreprise (pour maximiser les relations commerciales). Contrairement à certaines structures qui ont du mal à se positionner dans l’activité de suivi dans l’emploi et craignent de déranger l’entreprise et de rappeler au salarié son ancien statut de demandeur d’emploi, les ETT n’ont pas ces difficultés de positionnement. Elles sollicitent leur client en vue de s’assurer de sa satisfaction et évaluent l’intérimaire pour pouvoir le déléguer ensuite. A la différence d’une obligation contractuelle, cette activité représente pour les ETT un enjeu financier majeur au regard des retombées commerciales qu’elles attendent de cette activité.

Pour autant, l’ETT mobilise aussi le CV de façon « classique » lors de la mise en relation. A la différence près que les CV sont souvent accompagnés de quelques lignes destinées à apporter éventuellement des

informations supplémentaires pour convaincre le client de la qualité des candidats. Ces CV échangés - destinés à sélectionner les candidats préalablement à la

délégation - constituent une évolution des méthodes de travail du secteur de l’intérim. « Moi j’envoie

énormément de CV alors qu’avant, l’intérim, vous pouviez rentrer… ce n’est pas le tout-venant mais quelqu’un qui avait un minimum d’effort pouvait rentrer en qualité de manutentionnaire. Maintenant, même un manutentionnaire, vous envoyez un CV. A part des fois où ils sont en urgence : “Tu as besoin ?”, “Oui, je te fais confiance, vas-y, envoie !”. Parce que moi

antérieurement, on a déjà travaillé la relation de confiance, déjà travaillé les profils. » (Petite ETT,

Territoire 2). Le processus de sélection via le CV est donc contourné lorsque les entreprises ont un besoin d’intérimaires très urgent.

Bien que le CV soit de plus en plus un des principaux outils à partir duquel s’effectue la sélection par l’entreprise utilisatrice des candidats, celles-ci ne retravaillent pas pour autant les CV, estimant que cela ne relève pas de leurs missions mais que cela doit être fait en amont par d’autres structures du SPE. « Ce n’est

pas dans nos pratiques de retravailler un CV, ça serait plus de l’accompagnement vers le retour à l’emploi. Par contre dans nos synthèses on mettra plus de détails, on ajoutera des annotations sur le CV. Mais ça nous est déjà arrivé de refuser des inscriptions parce que le CV n’était pas à jour ou manquait d’éléments. On demande alors au candidat de le retravailler et de revenir vers nous. Surtout sur NN [ville, Territoire 1] où les entreprises travaillent beaucoup avec des outils de dématérialisation, par internet, par mail, et là on a besoin de support.

Mais, à un moment donné, on ne peut pas accompagner les gens vers cette démarche, ce n’est pas notre rôle, c’est celui de Pôle emploi. » (Challenger, Territoire 1).

Quelle place faire au savoir-être ?

Si les ETT accumulent de l’information sur la capacité d’un candidat à occuper un poste (en ciblant les entretiens sur des questions précises concernant le travail), cela ne les empêche pas pour autant de mettre en avant l’importance du « savoir-être » chez les intérimaires. L’expression est très souvent utilisée de la manière suivante « on regarde le savoir-être ». L’intérimaire semble alors avoir du savoir-être ou pas et, dans ce cas, sont évoqués des « problèmes de savoir- être ». Pour ces ETT, le savoir-être est le critère principal de recrutement ou, en tout cas, ce qui fait la différence : « On passe beaucoup de temps à sélectionner [les

candidats] parce que l'on va sélectionner maintenant beaucoup sur le comportement, le savoir être, les compétences, c'est assez facile à vérifier mais ce qui est long à déterminer, difficile à déterminer, c'est le comportement, le savoir être, la motivation dans la durée. » (Major 1, Territoire 1).

Lors des entretiens, il nous a finalement été difficile d’identifier précisément ce savoir-être et les moyens de l’évaluer. Une des agences rencontrée nous dit, elle, plutôt chercher à évaluer la « professionnalité » des intérimaires lors du premier entretien, professionnalité d’autant plus importante que les entreprises utilisatrices recrutent quasi exclusivement des intérimaires

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expérimentés. « Maintenant le cariste, ça fonctionne

énormément sur l’expérience. J’ai beaucoup de mal à faire rentrer, entre guillemets, un junior ou quelqu’un qui vient d’avoir ses CACES. […] Ce n’est pas un hall de gare non plus. Un entrepôt, c’est… il faut être à l’heure. Après, c’est je dirais, il faut être professionnel, donc c’est être à l’heure, respecter le règlement intérieur. […] au moment où vous menez votre entretien, vous posez une question bien précise, la personne va commencer à répondre à côté. Vous essayez de recibler un petit peu votre entretien, il vous répond une deuxième fois à côté. […] il y a quelque chose qui ne va pas. […] Par exemple, un cariste qui ne sait pas que lorsqu’il n’est pas en charge, il doit fonctionner fourche basse, je vais me dire… je commence déjà à me poser les questions, voilà tout simplement. […] Déjà, le mot “petit peu de tout” chez moi, c’est… Clic ! […]. Il y a des termes bien spécifiques. Vous êtes en recrutement, vous savez qu’il y a des termes spécifiques […]. Après, le comportement, il y a, on adapte. Mais quand on a une compétence, on l’a ou on ne l’a pas. On sait le faire. » (Petite agence, Territoire 2).

Ce « savoir-être » est aussi une forme de sélection, un mode de tri, pour discriminer entre les candidats potentiels qui pourraient être délégués sur une mission. L’intérimaire, une fois inscrit dans les fichiers de l’ETT, doit montrer sa « motivation ».

« Q° : Tout à l’heure, vous disiez que, dans l’entretien,

vous testiez aussi la motivation et que c’était un des éléments importants au moment de l’entretien. Comment vous le percevez, enfin ?

R : alors, c’est subjectif, ben… Q° Justement …

R : […] on va sélectionner une personne qui a fait la

démarche de nous appeler, qui fait son dossier sur Internet, qui nous rappelle pour nous dire “voilà, j’ai fait mon dossier”. Ça, là, on est sur des bases de

motivations… c’est-à-dire que la personne, elle est dans le suivi de sa candidature, elle se dit : “voilà, si je ne vais pas au bout de mon dossier, de toute façon, je n’aurai pas de travail”. Donc, elle prend son téléphone et elle nous appelle. Et si une fois son dossier finalisé, on n’a pas toujours des missions dans l’instant, est-ce qu’elle nous rappelle pour voir où en est son dossier, pour voir des possibilités de lui proposer des postes ? C’est pareil, on va lui demander, aussi, comment se sont passés ses précédents postes, qu’est-ce qui a plu, qu’est-ce qui n’a pas plu ? Pour se rendre compte de comment fonctionne la personne. » (Major, Territoire 2).

Ces questions de sélection semblent assez paradoxales. Alors que les ETT énoncent être à la recherche de candidats et font du sourcing pour se constituer des fichiers d’intérimaires afin de pouvoir satisfaire les demandes des entreprises, dans le même temps, elles sélectionnent des candidats, pratique qui peut

s’expliquer si elles font face à un nombre très important de candidats.

Les ETT : entre territorialisation et déterritorialisation

Les ETT, des acteurs ayant globalement peu de liens avec les acteurs du SPE sur les territoires

Comparés aux autres acteurs rencontrés, les ETT ont proportionnellement moins de liens avec les acteurs du territoire.

Le lien avec les organismes de formation : Les ETT ont des liens avec certains organismes de formation qu’elles mobilisent de manière récurrente. L’exemple qui revient le plus souvent (voire même l’unique exemple) est celui des organismes dispensant le CACES70. Notons que cette habilitation est présentée

comme une formation dispensée aux intérimaires et parfois renouvelée. La gamme de formations financées est finalement assez étroite dans la mesure où ces financements répondent à des besoins des entreprises : « Quand on a des demandes de caristes, il faut que les

gens soient déjà en poste, sauf si le client nous dit qu’il est d’accord pour prendre un débutant ou qu’il connait telle personne manutentionnaire ou préparatrice de commande sans CACES très intéressante et aimerait la basculer sur tel poste, on le fera. Sinon, on a du mal à… on va former une personne qui ira après chez quelqu’un d’autre. […]. Q° : Donc, d’une certaine manière, c’est un risque pour vous. ? « Oui, c’est un risque. On va plus le faire dans la fidélisation de nos intérimaires. Mais si demain, on a mis en place des actions avec un client qui nous dit être sûr de prendre dix personnes formées à tel process, on le fera mais il faut que cela soit ferme des deux côtés, il faut un vrai engagement du côté du client et du côté du candidat. » (Challenger 1, Territoire 1)

Comme le soulignent Belkacem et al (2014) « pour le

secteur, la formation est avant tout un moyen d’adapter les qualifications aux besoins urgents exprimés par les entreprises utilisatrices […] et dans cette perspective, elle favoriserait la professionnalisation du secteur de l’intérim mais la formation est avant tout tournée vers les

entreprises plus que vers le besoin d’insertion des

70. Notons que cette habilitation est présentée comme une formation dispensée aux intérimaires, c’est parfois même le cas pour le renouvellement de CACES. 71. Belkacem R. Kornig C., Michon F. et Nosbonne Ch. (2014), « L’intérim : évolution et syndicalisation », Agence d’objectifs CGT-FO – Ires, janvier, p. 37.

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