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La méthode d'enquête, les entretiens compréhensifs à l'épreuve du Genre

Partie III : Des objets aux sujets

Chapitre 2 : Des sujets d'étude

1. Les études de réception

1.1 La méthode d'enquête, les entretiens compréhensifs à l'épreuve du Genre

Notre questionnement de chercheuse en Sciences de l'Information et de la Communication s'est très tôt construit autour d'une volonté de comprendre comment des spectateurs et des spectatrices du cinéma de Quentin Tarantino appréhendaient les concepts de féminité et de masculinité. Or nous avions conscience de la difficulté que pouvait engendrer une recherche autour de ces deux notions éminemment liées à l'intime de chacun.

Est intime ce qui est relatif à « la vie intérieure, généralement secrète, d'une personne »765 et,

comme l'écrit Jean-Pierre Durif-Varembont, l'intime est aussi ce qui « nécessite l’existence d’une frontière, d’une ligne de séparation entre ce qui est montré et caché, voilable et dévoilable, visible, dicible, audible ou non. »766 De même que les Sciences de l'Information et de la Communication ont, entre autre, pour caractéristique « une adaptation permanente aux transformations (…) des réalités qu'elles veulent étudier »767, la notion d'intimité a connu durant les quelques décennies précédentes de profondes transformations. N'est plus considéré comme intime aujourd'hui ce qui l'était encore il y a vingt ans : « Il existerait aujourd'hui un devoir de tout dire et de tout montrer »768 écrit André Vitalis. Yannick Estienne parle quant à lui d'un « recul des frontières de la pudeur »,769 dans une intervention où il étudie les paradoxes de la vie privée dans un monde qu'internet, et plus précisément les réseaux sociaux comme Facebook, sont venus bouleverser en décloisonnant les sphères privées et publiques. C'est également ce qu'a étudié Anaïs Aupeix dans sa thèse de doctorat :

764 « Paï Meï : You still fight better than you speak. Finally, a woman who understands what's important. », extrait du scénario de Kill Bill.

765 Article « Intime », Dictionnaire historique de la langue française, Alain Rey (sous la direction de), Le Robert, Paris, 1992, p.1045.

766 Durif-Varembont Jean-Pierre, « L'intimité entre secrets et dévoilement », Cahiers de Psychologie Clinique, 2009/1, n°38, p.60-61.

767 Jeanneret Yves, Olivier Bruno, « L'invention problématique d'un champ », Les sciences de l'information : savoirs

et pouvoirs, Hermès, n°38, Paris, CNRS éditions, 2004, p.29.

768 Vitalis André, « La vie privée entre protection et exhibition », Patrick Baudry, Claude Sorbets et André Vitalis, La

vie privée à l'heure des médias, Pessac, Presses Universitaires de Bordeaux, 2002, p.185.

769 Estienne Yannick, « Un monde de verre : Facebook ou les paradoxes de la vie privée (sur) exposée », Terminal, Paris, L’harmattan, actes du colloque « Les libertés à l'épreuve de l'informatique », n°108-109, 2011, p.65-84.

« Expositions de soi : journal intime et reconfiguration de soi à l'heure d'internet »770. La chercheuse montre, à travers l'étude de la pratique d'écriture spécifique que constituent les journaux intimes en ligne, que, si la frontière a effectivement bougé, elle n'en reste pas moins présente : « Voir dans les phénomènes d'exposition de soi le possible danger d'une implosion de l'intimité nous apparaît relever de la chimère : pour qu'un individu puisse se mettre à nu – et donc apparaître transparent à autrui –, encore faudrait-il qu'il puisse être transparent à lui-même – ce qui, (...) est impossible. Dès lors, le « déshabillage » reste nécessairement limité. Par ailleurs, (...), dans les journaux intimes en ligne, la pudeur joue un rôle important – au point, semblerait-il, qu'elle ait pris le pas sur la décence – : l'individu pose les limites de ce qu'il estime pouvoir exposer de son intimité, et un « jardin secret » reste préservé. »771

Or ce qui nous intéresse particulièrement dans nos travaux est l'idée qu'un individu n'est effectivement jamais vraiment « transparent à lui-même » et ce d'autant plus quant aux concepts de masculinité et de féminité qui, encore bien souvent, apparaissent comme « naturels ». Il nous était donc nécessaire de choisir la méthode d'enquête la plus à même de permettre un certain dévoilement de l'intime sans que celui-ci soit vécu comme intrusif ou de manière négative.

L'entretien compréhensif, méthode de recueil de données qualitatives, a donc été choisi. Il est, par définition, une discussion au cours de laquelle « une personne sollicite la parole d'une autre à propos d'un sujet donné, en lui reconnaissant un droit à l'intersubjectivité, c'est-à-dire un droit à une subjectivité autonome. Ce droit à une subjectivité autonome implique une attitude générale du chercheur. Il s'agit de considérer que l'entretien est susceptible de produire un matériau heuristique à la seule condition que celui qui enquête renonce à un statut d'expert, pour se mettre à disposition de celui qui parle. Son rôle est de favoriser une prise de parole. »772. Cette parole constitue ensuite

un matériau discursif qui sera, selon les objectifs de l'étude, analysé ou interprété par le chercheur. L'entretien compréhensif permet de « comprendre en profondeur des phénomènes complexes : les sujets livrent leurs conceptions de la réalité, leur vision du monde, leur système de valeurs ou de croyance . »773 comme l'explique Nicole Berthier, ce qui nous semble particulièrement opérant dans le cadre de nos recherches. Et c'est tel qu'il a été défini par Jean-Claude Kaufmann que l'entretien compréhensif nous a semblé le mieux correspondre à nos besoins. Kaufmann note en effet que « l'entretien fonctionne comme une chambre d'écho de la situation ordinaire de fabrication de l'identité »774 et qui sert à la compréhension non du participant en tant que personne mais bien du social incorporé dans cette personne, comme le précise Kaufmann. Or masculinité et féminité sont bien deux concepts fondamentaux dans la construction de l’identité d’un individu. L’entretien compréhensif nous a paru être la méthode la plus adaptée pour tenter de comprendre à la fois les relations que les spectateurs entretiennent avec le cinéma de Tarantino, la manière dont ils appréhendent la masculinité et la féminité au sein de ses films ainsi que l'articulation du féminin et du masculin et, puisque nous nous inscrivons dans une perspective constructiviste des médias, ce qu'ils en gardent, ce qu'ils en font, en quoi cela participe à leur fabrication identitaire.

Or l'entretien nous a semblé être un moyen privilégié dans le cadre de nos recherches pour approcher cette construction difficilement observable en raison de son caractère intime, comme nous l'avons déjà souligné. Une construction privée et surtout majoritairement peu réfléchie, tant

770 Aupeix Anaïs, Expositions de soi : journal intime et reconfiguration de l'intimité à l'heure d'internet, thèse de doctorat en Sciences de l'Information et de la Communication, sous la direction de Marlène Coulomb-Gully, Université Toulouse II Jean Jaurès, 2013.

771 Aupeix Anaïs, Expositions de soi : journal intime et reconfiguration de l'intimité à l'heure d'internet, Ibid., p.579. 772 Matthey Laurent, « Éthique, politique et esthétique du terrain : cinq figures de l'entretien compréhensif »,

Cybergeo : European Journal of Geography, [En ligne], Épistémologie, Histoire de la Géographie, Didactique,

document 312, mis en ligne le 31 mai 2005.

773 Berthier Nicole, Les techniques d'enquête en sciences sociales, Paris, Armand Colin, 2006, p.27. 774 Kauffman Jean-Claude, L'entretien compréhensif, Ibid., p.59.

l'identité genrée est encore considérée comme un allant de soi de l'individu ou en tous cas, comme une part de son identité qui n'est pas facilement mise en mots et discutée.

De plus, nous faisons nôtre la remarque de Muriel Gil : « Il ne nous semble donc désormais plus si nécessaire de défendre l'ancrage théorique et la mise en œuvre d'une démarche d'enquête par entretiens dont le bien fondé a déjà largement été démontré. »775, ce que les travaux de recherches de M. Gil comme de plusieurs chercheurs du laboratoire776 auquel nous appartenons ont entre autre contribué à démontrer, s'inscrivant dans la lignée des travaux de Pierre Molinier. Ce-dernier a en effet démontré dans son Habilitation à Diriger des recherches777 que l'étude qualitative est « seule en

mesure de rapporter les processus individuels et infiniment complexes mis à l’œuvre dans une démarche d'ordre interprétatif »778. L'objectif visé par les méthodes qualitatives est en effet toujours de faire sens et demande de prendre le risque de l'interprétation à partir des données empiriques recueillies. Comme le disent Pierre Paillé et Alex Mucchielli, si un chercheur décide de se confronter au terrain, c'est « pour observer, pour écouter et pour mieux comprendre »779. L'entretien compréhensif qui « met toujours en avant le savoir commun »780 est donc un outil privilégié pour permettre à la fois l'observation, l'écoute et la compréhension, autant de points décisifs à nos yeux. La démarche méthodologique de l'entretien en SHS est donc depuis longtemps maintenant éprouvée et institutionnalisée. Mais nous proposons de considérer que nos choix théoriques, avec comme point cardinal le concept de Genre, peuvent participer à un renouvellement de la démarche. Marlène Coulomb-Gully dans son article « Inoculer le Genre » a démontré que le Genre possède « un extraordinaire potentiel explicatif »781 et elle propose : « Ni idéologie, ni discipline, nous préférons

voir dans le Genre une méthodologie »782. Méthodologie dont les méthodes sont rigoureuses et précises : « La déconstruction des rapports de domination au cœur de la méthodologie genrée se traduit par le primat de l'horizontalité et de la différence contre la verticalité et la hiérarchie »783. Dans notre proposition d'entretien, il s'agissait en effet de considérer que la parole des participants était seule à même de nous permettre de comprendre leur vision de la masculinité et de la féminité, comment les deux concepts s'articulaient pour eux et en eux et le rôle que pouvaient jouer les films dans ce processus-là. Les participants détiennent donc un savoir que nous leur reconnaissons et c'est à la rencontre de ces connaissances que nous sommes allée, persuadée que nous étions que c'est à partir de l'individu et de lui seul que le social peut se révéler. Nous cherchions à avoir accès « aux plis », pour reprendre la célèbre métaphore de Bernard Lahire, laissés par le social sur les individus. Dans le cadre précis de nos recherches, la nécessité d'une micro-sociologie s'est très vite imposée. C'est à partir de l'individu et à partir de lui seul que nous avons pensé pouvoir saisir le travail du Genre, « en étudiant le social à cette échelle individuelle et à l'état plié (incorporé) »784 pour citer à

775 Gil Muriel, Séries télé : pour une approche communicationnelle d'un objet culturel médiatique, Ibid.

776 Citons, en plus des recherches de Muriel Gil, les travaux d'Adeline Hérault sur Internet, ceux d’Élisabeth Bougeois sur le journalisme, ceux de Thibaut Christophe sur l'écoute musicale des adolescents, ceux de Anaïs Aupeix que nous avons précédemment cités, ceux de Julie Renard sur les lecteurs de manga, ceux de Nathalie Négrel sur les chaînes d'information... Les travaux de l'équipe ont, en outre, donné lieu à une journée d'études « Méthodes de

l'entretien et approches pratiques médiatiques » en mars 2010 ainsi qu'à un numéro spécial dans la revue Sciences de la Société intitulé « L'entretien, l'expérience et la pratique » en 2014.

777 Molinier Pierre, « Pour une microsociologie de la réception du DVD . Usages et herméneutique

cinématographiques», Habilitation à Diriger des Recherches en Sciences de l'Information et de la Communication,

Ibid.

778 Molinier Pierre, HDR, Ibid., p.152.

779 Paillé Pierre, Mucchielli Alex, L'analyse qualitative en Sciences Humaines et Sociales, Ibid. p.13. 780 Molinier Pierre, HDR, Ibid., p.154.

781 Coulomb-Gully Marlène, « Inoculer le Genre : Le Genre et les SHS : une méthodologie traversière », Revue

française des sciences de l'information et de la communication, n° 4/2014, [en ligne].

782 Coulomb-Gully Marlène, « Inoculer le Genre », Ibid. 783 Coulomb-Gully Marlène, Ibid.

nouveau B. Lahire.

De plus, Marlène Coulomb-Gully insiste sur l'idée que le nécessaire travail de déconstruction des rapports de domination « conduit également à s'interroger sur la norme et son rapport à la marge. »785 Or, pour « pointer les évidences invues et les vérités insues par celles et ceux qui s'en

accommodent « naturellement » »786, l'entretien nous a paru tout à fait indiqué. Mais nous avions besoin de laisser toute liberté aux participants d'où notre choix de ne pas poser de questions pré- établies à l'avance puisque, s'il nous était de fait permis d'avoir des attentes concernant le positionnement de nos participants par rapport aux normes de Genre, il nous était impossible, pour chacun d'eux, d'anticiper leur orientation par rapport aux marges qui sont autant de facteurs intimes et sociaux à la fois : « Il peut y avoir des variations interindividuelles et un individu lui-même est très complexe parce qu'il peut avoir intériorisé différents types d'expériences et les déployer de manière très différente dans différents contextes et à différents moments de son parcours. Si l'on accepte d'entrer dans cette complexité-là, je pense qu'on gagne en compréhension à propos de nombreux phénomènes (…). Mais il est vrai que cela peut au départ effrayer les sociologues parce qu'ils sont alors obligés de changer leurs habitudes intellectuelles qui restaient ininterrogées »787 Le Genre est une méthodologie qui peut permettre, nous le pensons fortement, d'interroger et de bouleverser ces habitudes intellectuelles et de permettre alors d'« entrer dans le détail de la fabrication sociale d'un individu »788 avec toute la complexité qui caractérise chacun d'entre nous. B. Lahire parle même de « variations intra-individuelles » et des luttes constantes et plus ou moins conscientes que mène chaque individu face aux hiérarchies qu'il a intériorisées.

Ainsi, rejoignant un autre point de la méthodologie proposée par M. Coulomb-Gully, à savoir la nécessité d'abandonner toute pensée scientifique fondée sur les habituelles oppositions binaires « raison/passion, nature/culture, objectif/subjectif, abstrait/concret, esprit/corps, hommes/femmes etc », il nous était nécessaire de concevoir l'entretien comme un espace où le tiers pouvait se dire. Il fallait s'efforcer non seulement de « queeriser » notre pensée mais également de « queeriser » la technique de l'entretien, c'est-à-dire de penser l'entretien comme un espace ouvert à la marge et au tiers. Il fallait entrer dans l'entretien en ayant pleine conscience que « Le Genre fait de nos expériences personnelles incorporées un outil de compréhension du monde et reconnaît leur rôle dans nos engagements scientifiques »789. Nous ne me présentions pas comme une chercheuse mais comme une femme-chercheuse face à des participants qui étaient, eux aussi, des hommes- participants et des femmes-participantes. Point nodal d'une structuration de la technique d'entretien réfléchie et anticipée et qui impose donc la pleine conscience de la dimension sexuée de toute enquête.

Ce qui ouvre bien, nous semble-t-il, le champ des réflexions autour de la méthodologie du protocole d'enquête car s'il est habituel qu'un chercheur ou une chercheuse soit incité à caractériser les conditions de sa recherche (choix professionnel, choix de l'objet, présentation du terrain, travail d'écriture etc), il est encore rare de voir la question du Genre s'inviter à la table des réflexions alors même que « L'influence de la configuration du rapport sexué sur la relation d'enquête peut peser diversement, - être un atout ou un frein - ou l'un et l'autre, à des moments différents de la même enquête. »790 Ainsi nous nous sommes beaucoup questionnée sur les jeux de ressemblance et de

La vie des Idées, revue en ligne rattachée à l’Institut du Monde Contemporain (Collège de France) et dirigée par

Pierre Rosanvallon. 24 novembre 2009, [en ligne]. 785 Coulomb-Gully Marlène, « Inoculer le Genre », Ibid. 786 Coulomb-Gully Marlène, « Inoculer le Genre », Ibid.

787 Lahire Bernard, « La fabrication sociale d'un individu », Ibid. 788 Lahire Bernard, « La fabrication sociale d'un individu », Ibid. 789 Coulomb-Gully Marlène, « Inoculer le Genre », Ibid.

790 Monjarte Anne, Pugeault Catherine, « Le travail du genre sur le terrain. Retours d'expériences dans la littérature

méthodologique en anthropologie et en sociologie », Le sexe de l'enquête. Approches sociologiques et anthropologiques, Paris, ENS Éditions, 2014, p.11.

dissemblance qu'allait forcément amener dans la situation d'entretien le fait d'être une femme- chercheuse. Nous nous rappelons encore vivement notre étonnement à lire dans les ouvrages consacrés aux techniques de l'entretien parler de « l'enquêteur » chez Kaufmann par exemple, de l'intervieweur, du chercheur, etc sans qu'à aucun moment, il ne soit considéré autrement que comme un homme (ce que tous les substantifs au masculin singulier utilisés dans les ouvrages viennent attester) ou au mieux, comme un être asexué. Or « Les relations d'enquêtes sont sexuées »791 comme l'affirment Anne Monjaret et Catherine Pugeault. Nous ajouterions volontiers qu'elles sont « forcément » sexuées. Se dessine ainsi un nouvel axe de réflexion que doit s'obliger à penser tout chercheur et toute chercheuse. Et ce, de manière encore plus importante, quand il s'agit de procéder à des entretiens : « Le rapport enquêteur(trice)-enquêté(e) peut en ce sens être comparé à une « conversation » - il faudra se demander jusqu'où elle est ordinaire - qui traduit quelque chose de plus que des mots, qui exprime en quelque sorte la place des locuteurs ou locutrices dans l'ordre du monde, des jeux de proximité et de distance, des manières d'être à soi et à autrui »792.

Cette injonction à se questionner rejoint celle de Marlène Coulomb-Gully qui écrit : « Transversal, le Genre apparaît comme une possible méta-méthodologie. (…) Il fait apparaître de nouveaux territoires jusqu'alors restés inexplorés parce qu'invisibles, dans l' « angle mort » »793. Il s'agissait donc pour nous, non seulement de chercher à comprendre les interactions du masculin et du féminin chez nos participants et participantes, mais également de prendre en compte dans notre choix méthodologique, ces interactions qui ne manqueraient pas d'animer nos entretiens et qu'il a donc fallu réfléchir en amont. Nous ne pouvions rien savoir à l'avance sur les rapports que nous allions établir avec nos participants et nos participantes : une homo-sociabilité féminine se manifesterait- elle avec les participantes ? A l'inverse, la parole masculine serait-elle moins accessible ?

Loin de nier également l'importance de l'âge, de l'ethnicité, du statut de chercheuse et de tous les autres facteurs susceptibles d'interférer dans la relation avec les participants et participantes, nous pensons que la variable du sexe est l'une des moins souvent pensées dans la posture de chercheur/ chercheuse. Elle était dans le cadre de nos recherches une absolue nécessité : « Il n'est pas possible d'isoler la problématique du genre de l'enquêteur de celle de son identité professionnelle ou de celle de son origine ethnique ou de son appartenance sociétale. A ce titre, j'insisterai sur l'idée que l'interaction produite avec l'enquêté intègre une multiplicité de symboliques à la fois sexuelles, statutaires et communautaires dont la confrontation n'est pas sans incidence sur la confiance établie entre le chercheur et son informateur, ainsi que sur la nature des informations échangées. »794 écrit le sociologue Pierre-Noël Denieuil, ce que confirment Anne Monjaret et Catherine Pugeault qui, elles, notent : « Il ne s'agit pas de préjuger l'existence d'une influence autonome d'une variable, mais d'estimer se contribution dans la configuration sociale spécifique donnant sens aux échanges noués entre l'enquêteur-trice et les enquêté-e-s dans le cadre dynamique de la recherche. »795

791 Monjarte Anne, Pugeault Catherine, « Le travail du genre sur le terrain. Retours d'expériences dans la littérature

méthodologique en anthropologie et en sociologie », Ibid., p.47.

792 Monjarte Anne, Pugeault Catherine, « Le travail du genre sur le terrain. Retours d'expériences dans la littérature

méthodologique en anthropologie et en sociologie », Ibid., p.12.

793 Coulomb-Gully Marlène, « Inoculer le Genre », Ibid.

794 Denieuil Pierre-Noël, « Rencontre d'un chercheur étranger et d'entrepreneures tunisiennes », Le sexe de l'enquête.

Approches sociologiques et anthropologiques, Anne Monjarte et Catherine Pugeault (sous la direction de), Ibid.

p.118.

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