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Le choix du portrait comme outil de contextualisation des résultats

Partie III : Des objets aux sujets

Chapitre 2 : Des sujets d'étude

2. Les portraits de spectateurs

2.2 Le choix du portrait comme outil de contextualisation des résultats

Quand il s'est agi pour nous de réfléchir sur la façon de rendre compte du discours de nos participants et participantes, le portrait s'est très vite imposé à nos yeux.

Comme nous l'avons précisé dans notre introduction827, c'est l’influence directe de notre environnement de recherche qui nous a permis très tôt de réfléchir à la méthode du portrait comme restitution des résultats puisque de nombreux chercheurs avant nous, au sein de notre équipe, l’ont utilisée. La lecture de leurs travaux, les multiples discussions et réunions de l'équipe, comme les discussions informelles et régulières nous ont permis de questionner, réfléchir et considérer cette méthode qui nous est apparue comme la plus à même de correspondre à notre volonté de dégager, au sein de notre étude, une connaissance intime du phénomène de l'incorporation du Genre. Notre choix de rédiger des portraits de spectateurs et de spectatrices est en effet intrinsèquement en lien avec l'ensemble de notre démarche de recherche. Le portrait nous a en effet paru être le meilleur moyen de rendre compte de résultats d'entretiens de type compréhensif. Ces-derniers, comme nous l'avons déjà mentionné, nous ont semblé être les plus à même d'étudier et de comprendre la façon dont nos participants et participantes voyaient les extraits des films de Quentin Tarantino et à travers cette observation, de saisir leurs façons d'appréhender le Genre.

C'est d'ailleurs aussi en partie parce que nous travaillons sur le Genre que le portrait nous a paru le moyen privilégié d'en rendre compte. En effet, le Genre, nous l'avons également longuement détaillé, est une part de la construction identitaire très personnelle des individus. Cette part est variable, évolutive, mouvante et liée à chaque environnement auquel l'individu est confronté. Parce qu'elle relève de l'intime et qu'elle est le plus souvent non réfléchie, considérée comme « naturelle », elle est difficilement dicible, verbalisable et nous avions vraiment à cœur d'analyser le lien entre le cinéma et le Genre pour chaque spectateur/spectatrice. Le portrait nous semblait donc le plus capable de permettre une approche compréhensive à la fois du phénomène de réception des films mais aussi de la représentation du Genre.

De plus, nous tenions particulièrement à faire ressortir des expériences singulières. Dans notre façon de mener nos entretiens, nous avions choisi de montrer à chaque participant/participante les mêmes extraits de films mais nous ne pouvions pas proposer de plans communs à chaque portrait tant les discours de nos enquêtés portent la trace de leur singularité. Nous avons eu à cœur d'écrire des portraits qui restent au plus près des façons dont les personnes entendaient regarder et parler des extraits, au plus près de leur parole.

Dans le même temps, le portrait est un procédé qui permettait de conserver la cohérence globale d'un individu qui est toujours « défini par l'ensemble de ses relations, engagements, appartenances et propriétés, passés et présents »828 comme l'écrit Bernard Lahire. Un individu est un tout, une somme, « un produit de forces et contre-forces, internes (dispositionnelles) comme externes (contextuelles) auxquelles on est continuellement soumis »829. Il s'agissait pour nous de conserver à nos analyses la possibilité de faire apparaître ce tout, tout en évitant une généralisation qui n'a pas de sens en micro-sociologie. Le Genre et ses concepts, les Masculinités, les Féminités etc, peuvent contribuer à rendre homogène des processus qui ne le sont absolument pas. « Le changement

827 Voir p.22-23.

828 Lahire Bernard, Ibid., p.3. 829 Lahire Bernard, Ibid., p.5.

d'échelle ne peut manquer de faire apparaître de la diversité là où l'on présupposait de l'unicité »830 écrit encore Bernard Lahire. Il ne s'agissait pas pour nous d'étudier les « spectateurs » ou les « spectatrices » du cinéma de Quentin Tarantino mais bien d'aller à la rencontre d'individus- spectateurs ou spectatrices de ses films. Nous ne proposons donc pas des portraits d'individus mais des portraits d'individus-spectateurs ou spectatrices.

De plus, nous avons, en toute connaissance de cause, décidé de compléter ce dispositif d'écriture avec celui de l'analyse transversale que nous proposons ensuite. Certes, « une pensée transversale habite le portrait »831 comme l'écrit Amanda Rueda. Il n'est pas en effet une simple description ni une narration au sens littéraire du terme ni une étape intermédiaire entre le travail de terrain et celui de l'analyse, « il est porteur en soi d'éléments d'analyse et des catégories d'interprétation »832 que nous avons mis en place en l'écrivant. Il nous a cependant semblé essentiel de faire suite à ces portraits par une analyse transversale des discours recueillis.

Nous souhaitons, en outre, que les portraits soient pour le lecteur une façon d'adopter une posture empathique proche de la nôtre au moment des entretiens. Nous avons donc fait le choix de citer longuement nos participants et participantes.

Enfin, nos portraits n'étant ni annexes à notre travail, ni purement illustratifs mais bel et bien interprétatifs et comme nous les considérons comme des résultats de recherche, ils occupent une place importante dans l’élaboration de nos résultats. Tout un chapitre leur est consacré833. Il doit être lu comme partie prenante de nos résultats de recherche. En outre, il nous semblait préférable de le positionner dans la dernière partie de notre travail écrit au vu de la rupture de style dont il fait état. Nous avons tenté de rédiger ces portraits de la façon la plus agréable possible à la lecture, espérant qu'ils reflètent par là même tout le travail mais aussi tout le plaisir que nous avons pris à leur rédaction, infime élément restant de notre formation littéraire.

830 Lahire Bernard, Ibid., p.403. 831 Rueda Amanda, Ibid. 832 Rueda Amanda, Ibid. 833 Partie IV, Chapitre 1.

Partie IV : Masculinités, féminités :

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