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Un cinéaste libre, conditions de production, un contexte particulier

Partie II : Oser faire un pas de côté

Chapitre 4 : Étude de la filmographie de Q Tarantino, mise en scène du Genre

1. Un cinéaste libre, conditions de production, un contexte particulier

1.1 Hollywood et les grands studios de production

Le cinéma américain est dominé par l'industrie qu'est Hollywood, renforcé par l'industrie new- yorkaise de nos jours. Cette industrie est encore dominée par la puissance de l'argent. La volonté de faire le plus de profit possible amène les studios à répéter « des recettes qui marchent » et à refuser de prendre le moindre risque : « Hollywood se résume de plus en plus à une industrie visant à

fabriquer des produits à la chaîne, comme n'importe quelle société commerciale. Bien plus, comme les studios sont amenés à investir des sommes gigantesques, les financiers veulent leur part du contrôle créatif même s'ils n'ont jamais fait de films auparavant. Créativité et originalité ne sont pas des mots bienvenus en 2012, comme la suppression des unités de production de film d'auteur au sein des grands studios, tels Warner Independent ou Paramount Vantage le confirme. »367 explique

Anne-Marie Bidaud.

Cette production est surtout et toujours contrôlée par des hommes. Brad Grey dirige la Paramount,

366 Young Man : « Garçon ! Coffee ! » Waitress (snotty) : « Garçon » means boy ! », extrait du scénario de Pulp

Fiction.

Jeffrey Bewkes, la Warner, Stephen Blairson, la Twentieth Century Fox, Ronald Meyer est à la tête de Universal Pictures, Mickael Lynton préside Sony Pictures Entertainment (dont la célèbre

Columbia est une filiale) et Sam Bailey, le Walt Disney Motion Pictures Group. Seule la 20th Century Fox a été un temps dirigé par une femme, Sherry Lansing mais elle fait figure d'exception

dans cet univers masculin.

De ce fait, l'industrie cinématographique hollywoodienne louvoie de nos jours entre les concessions faites aux féministes et le désir de ne pas s'aliéner les partisans de la « mainstream ». « Malgré tous

les bouleversements, les héros hollywoodiens sont encore très largement blancs et masculins »

explique Julien Renault.368 Ce qui signifie que si l'on voit de plus en plus de femmes à l'écran et

dans des rôles principaux (nous pouvons penser aux actrices comme Jodie Foster dans The Silence

of the Lambs369, Sigourney Weaver dans la série des Alien370, ou Demi Moore dans A Few Good Men371 pour ne citer qu'elles), Hollywood et les cinéastes qu'elle produit se débrouille pour

« ramener » au plus vite ces « rebelles » dans le droit chemin de l'amour, du mariage ou de la maternité. « Hollywood accepte les concessions mais protège les traditions » dit Michel Cieutat 372.

Et ce d'autant plus facilement que c'est une industrie importante et que les films trouvent leur public, ce que Anne-Marie Bidaud explique ainsi : « Sans être intellectuellement dupes, les

spectateurs que nous sommes se laissent volontiers emporter par le plaisir et acceptent, le temps d'une projection, une forme de suspension d'incrédulité consentie. Loin d'être un récepteur passif, le public a ainsi contribué à créer tout un jeu d'ajustements consensuels et de compromis qui a permis à l'industrie de maintenir son pouvoir. »373

1.2 Quentin Tarantino et la production indépendante américaine

Or la chance qu'a Quentin Tarantino, c'est qu'il travaille avec des producteurs indépendants. Lawrence Bender a produit tous ses films sauf Death Proof (produit par le réalisateur lui-même) et

Django Unchained. D'autres ont été produits par la Weinstein Company, une société de production

et de distribution indépendante créée et dirigée par les deux frères Weinstein (Harvey et Bob en 2005, qui dirigeaient auparavant et depuis 1979 la société Miramax revendue à Disney Company en 1993). Le réalisateur a lui-même fondé en 1991 sa propre maison de production, A Band Apart, avec laquelle il co-produit certains de ses films (Pulp Fiction, Jackie Brown, Kill Bill volume 1 et 2,

Death Proof, Inglourious Basterds). Il est donc beaucoup plus libre et dégagé de certaines

conventions imposées par Hollywood. Les costumes (qui doivent aider à caractériser les personnages), les sons (qui doivent aider à la compréhension de l'action), les lumières (qui doivent guider le regard ou créer une atmosphère), la narration (de préférence chronologique), les plans, ou la mise en scène, tout est codifié à Hollywood. Une des plus célèbres conventions concerne sans doute le traditionnel « Happy Ending » qui est expressément défini comme une fin heureuse liée à la rencontre d'un homme et d'une femme : « La supposition que « le happy-end» exige « un couple

368 Renault Julien, « Les seventies : le rêve d'une Hollywood multi-ethnique », Les minorités dans le cinéma américain, CinémAction, n°143, p.45.

369 The silence of the lambs (en français : Le silence des agneaux), film américain réalisé par Jonathan Demme, 1991. 370 Alien, film de science fiction américain réalisé par Ridley Scott en 1979 ; il sera suivi de cinq autres volumes,

Aliens, en 1986, Alien 3, en 1992, Alien Resurrection en 1997, Prometheus, en 2012 et Alien Covenant en 2017 qui

forment la série « Alien ».

371 A Few Good Men (en français, Des hommes d'honneur), film américain réalisé par Rob Rainer, 1992.

372 Cieutat Michel, « Hollywood que la force ne soit pas avec elle! » , Le machisme à l'écran, CinémAction, n° 99, p.103.

romantique uni » (Bordwel, 1986, p.159), peut être vue et revue dans tous les ouvrages d'études de cinéma : Benshoff et Griffin définissent le « happy-end » comme « un type de fermeture narrative que l'on trouvait habituellement dans le cinéma Hollywoodien quand le protagoniste masculin rencontre une fille » (2004,325) ; Mellencamp est très proche avec son concept relié par un trait d'union: « le couple - la fin heureuse » (1995,56), Strinati se réfère « à l'arrivée ensemble des premiers rôles, féminins et masculins, dans une fin heureuse romantique. » (2000,217), Lapsleyand Westlake renvoie « au standard du happy-end dans lequel les amoureux finissent ensemble pour vivre heureux le restant de leurs jours » (1992,43).»374 explique James Mac Dowell. Il précise : « La supposition que le happy-end est lié à un couple final est comme un invariant monolithique, ou en d'autres termes, les narrations conventionnelles à Hollywood ont depuis leur « codification » toujours fini ainsi : « un couple hétérosexuel est uni de façon romantique » ce qui signale un « happy-end traditionnel ».»375 On voit donc comment le happy end du film hollywoodien est, en

plus, régi par des codes bien précis d'hétérosexualité. Ce n'est là qu'un exemple mais il illustre la tendance.

Or Tarantino qui ne dépend d'aucun gros studio hollywoodien est donc affranchi de ces conventions et ce dès son premier long métrage. Mais il n'est pas pour autant libéré des normes de la société dans laquelle il vit et notamment en ce qui concerne les normes genrées. Son cinéma peut donc être lu comme un discours sur les représentations de Genre dont nous proposons à présent notre lecture.

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