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Partie II : Oser faire un pas de côté

Chapitre 1 : Le cinéma et la question du Genre

1. Cinéma et études de Genre, état de la question

1.2 Historique, en France

1.2.3 Genre et cinéma en France

Pour ce qui est des études cinématographiques dont nous avons démontré qu'elles étaient depuis toujours largement autoristes et formalistes, l'approche genrée gagne également du terrain mais bien timidement.

L'approche la plus commune consiste à étudier des stars féminines ou masculines. Déjà en 1993, Ginette Vincendeau fut une des premières à proposer une étude d'une star, Jean Gabin « J. Gabin,

anatomie d'un mythe »260. A partir de l'analyse du personnage mythique de Gabin, l'auteure

s'interroge sur le pourquoi et le comment de ce mythe : elle va questionner la construction de la masculinité dans les films. Plus récemment, Gwenaëlle le Gras a, quant à elle, analysé, à partir d'un large corpus de films de 1960 à nos jours, la construction de l'image, contradictoire de la star Catherine Deneuve dans son ouvrage « Le mythe Deneuve, une star française entre classicisme et

modernité »261. Nous pourrions citer également Delphine Chedaleux avec son livre, « Jeunes

premiers et jeunes premières sur les écrans de l’Occupation (France, 1940-1944) »262 qui, à partir

de l'étude de quelques jeunes premiers et premières du cinéma français sous l'Occupation, souhaite montrer les spécificités de cette période si particulière de l'histoire du cinéma français. Yves Uro a étudié « Les actrices de Sacha Guitry »263 mais aussi Pauline Carton, « Pauline Carton. Itinéraire

d'une actrice éclectique. »264.

Un nombre assez conséquent d'études portent sur des genres cinématographiques. Citons le travail de recherches de Thomas Pillard sur le film noir français entre 1946 et 1960, « Négociations

identitaires : le film noir français face aux bouleversements de la France d’après-guerre (1946- 1960) »265. Celui d'Hélène Fische, « Construction et déconstruction des rapports sociaux de sexe dans les films français à succès, 1968-1982 »266, ceux de Pascale Fakry sur le film d'horreur

hollywoodien, « Le film d'horreur hollywoodien au féminin : une étude du genre et de ses

personnages principaux féminins à partir des années 1970 »267. La même année, en 2011, Claudine

260 Vincendeau Geneviève, Jean Gabin, anatomie d'un mythe, Paris, Nathan Université, 1993.

261 Le Gras Gwenaëlle, Le mythe Deneuve, une « star » française entre classicisme et modernité, Paris, Nouveau Monde, coll. Histoire et cinéma, 2010.

262 Chedaleux Delphine, Jeunes premiers et jeunes premières sur les écrans de l’Occupation (France, 1940-1944), Bordeaux, Presses Universitaires de Bordeaux, coll. Cinéma(s), 2014.

263 Uro Yves, Les actrices de Sacha Guitry, thèse sous la direction de Raphaëlle Moine, Université Paris 3 Sorbonne Nouvelle, 2012.

264Uro Yves, Pauline Carton. Itinéraire d'une actrice éclectique, Paris, L’Harmattan, coll. Champs visuels, 2009. 265Pillard Thomas, Négociations identitaires : le film noir français face aux bouleversements de la France d’après-

guerre (1946-1960), thèse sous la direction de Raphaëlle Moine, Université Paris 3 Sorbonne Nouvelle, 2013.

266 Fiche Hélène, Construction et déconstruction des rapports sociaux de sexe dans les films français à succès (1968-

1982). Thèse sous la direction de Pascal Ory et Geneviève Sellier, Université Paris 1 Panthéon, (thèse en préparation

depuis le 29/10/2011).

267Fakhry Pascale, Le film d'horreur hollywoodien au féminin : une étude du genre et de ses personnages principaux

Le Pallec Marand a travaillé sur le genre pornographique268 et Adrienne Boutang et Célia Sauvage

ont fait paraître un livre sur les Teen Movies269. L'année suivante, Gwenaëlle Le Gars et Delphine

Chedaleux font paraître Genres et acteurs du cinéma français (1930-1960)270, ouvrage qui vise à

montrer comment les genres cinématographiques en vogue à l'époque (comédie, film policier et criminel et film en costumes) ont conditionné l'emploi des acteurs populaires comme Danielle Darrieux, Edwige Feuillère, Jean Marais, Odette Joyeux, Louis Jouvet, Fernandel, Eddie Constantine, Gérard Philipe, Annie Girardot, Jeanne Moreau entre autre et comment ils ont construit ainsi les représentations dominantes.

L'approche genrée des auteurs est la moins représentée du fait des habitudes encore tenaces qui consistent à considérer l'auteur d'un film comme un modèle universel. Malgré tout, certaines recherches portent également sur des cinéastes comme celles de Mehdi Derfoufi, « Esthétique de

l’altérité dans le cinéma de David Lean, du Pont de la Rivière Kwaï à La Route des Indes – 1957- 1984 »271.

Les mouvements cinématographiques sont aussi des sujets d'études, même s'ils sont encore peu nombreux. C'est le cas par exemple du livre La Nouvelle Vague : un cinéma au masculin

singulier. »272 de Geneviève Sellier dans lequel l'auteure a cherché à « explorer le contexte historique et socioculturel de la naissance en France du cinéma « d’auteur » au tournant des années 1960 et (à) analyser les premiers films de ces « auteurs » en montrant l’ambivalence de la construction genrée des représentations filmiques qu’ils proposent, et la modernité artistique qu’ils revendiquent comme une tradition culturelle où le créateur masculin fait la démonstration de sa capacité à maîtriser le monde et les femmes. »

Quelques travaux commencent à s'intéresser à l'approche genrée de la réception. Ainsi, en 2014, Évelyne Coutel a soutenu une thèse sur « Les stars et la cinéphilie dans la culture

cinématographique espagnole au début du XXe siècle : le cas Garbo ».273 Geneviève Sellier et

Raphaëlle Moine dirigent un programme de recherches intitulé « Cinémas et cinéphilies populaires

dans la France d’après-guerre (1945-1958) » qui mobilise une douzaine de chercheur-e-s, jeunes et

confirmé-e-s, français-es et étranger-e-s, pour explorer un corpus de films populaires (au sens du box-office) et leur réception dans les magazines populaires spécialisés. Ces études restent cependant encore très rares.

Nous pourrions rajouter les ouvrages de Geneviève Sellier et Noël Burch : « La drôle de guerre

des sexes du cinéma français »274 dans lequel les deux auteurs « envisagent la paternité symbolique

et/ou réelle dans le contexte de l'Occupation, montrant comment le cinéma des années noires va offrir des figures de « pères déchus » d'un « patriarcat malade »275 ou plus récemment « Le cinéma

Nouvelle, 2011.

268 Le Pallec Marand Claudine, Réflexivité et anti-érotisme du film sexuel en France(1972-1976). Des auteurs-

cinéastes face au genre porno et au mouvement féministe, Thèse de doctorant en Cinéma, sous la direction de

Claudine Eizykman, Université Paris 8, 2011.

269 Boutang Adrienne, Sauvage Célia, Les Teen Movies, Paris, Vrin, 2011.

270Chedaleux Delphine, Le Gras Gwenaëlle (sous la direction de), Genres et acteurs du cinéma français (1930-1960), Rennes, Presses Universitaires de Rennes, coll. Le Spectaculaire, 2012.

271 Derfoufi Mehdi, Esthétique de l’altérité dans le cinéma de David Lean, du Pont de la Rivière Kwaï à La Route

des Indes – 1957-1984, Thèse sous la direction de Giusy Pisano, Université de Marne-la-vallée, 2012.

272Sellier Geneviève, La Nouvelle Vague : un cinéma au masculin singulier, Paris, CNRS Éditions, 2005.

273Coutel Évelyne, Les stars et la cinéphilie dans la culture cinématographique espagnole au début du XXe siècle :

le cas Garbo, thèse sous la direction de Nancy Berthier, Université Paris 4 Sorbonne, 2014.

274 Burch Noël, Sellier Geneviève, La drôle de guerre des sexes du cinéma français », Paris, Nathan Université, 1996. 275 Rollet Brigitte, « Noël BURCH, Geneviève SELLIER, La Drôle de guerre des sexes du cinéma français : 1930-

au prisme des rapports de sexe »276, ouvrage qui se propose de faire un bilan des approches genrées

dans les études cinématographiques ainsi qu'une étude comparée entre la France et les États-Unis à travers l'exemple de deux figures de stars, Edwige Feuillère dans le cinéma français et Katherine Hepburn dans le cinéma hollywoodien, G. Sellier étudie la réception à travers le courrier des lecteurs de Cinémonde dans les années 50, où elle voit apparaître « l'émergence d'une cinéphilie (au

sens d'une approche cultivée) féminine»277 ainsi que les cinéastes françaises dans les années 90.

Geneviève Sellier dans son article « Le tableau contrasté des études de Genre sur le cinéma en

France »278, dresse, d'ailleurs, un état des lieux des recherches depuis une dizaine d'années. Si elle

constate en préambule que « les études féministes sur le cinéma sont restées très minoritaires en France, le plus souvent ignorées ou stigmatisées tant par les universitaires que par les critiques. », elle recense malgré tout divers travaux récents qui, dans une perspective genrée, étudient le cinéma. Elle note qu'ils « concernent le plus souvent un genre cinématographique, un-e ou des acteurs-

trices, une période, plus rarement un-e auteur-e, dans une perspective le plus souvent socioculturelle et historique. »

Cette liste est forcément non exhaustive, mais elle souhaite montrer au sein de notre propre travail de recherche, l'avancée des études cinématographiques sous l'angle du Genre en France. Une avancée indéniablement timide si l'on compare avec la situation dans les pays anglo-saxons et qui nécessite toujours de justifier le choix d'une telle approche.

276 Burch Noël, Sellier Geneviève, Le cinéma au prisme des rapports de sexe, Paris, Vrin, 2009. 277 Ibid.

278 Sellier Geneviève, « Un tableau contrasté des études de genre sur le cinéma en France », Labrys, Janvier-Juin 2014, [en ligne].

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