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Culture et construction psychique : un processus de symbolisation

4. Le concept d’identité en psychologie

4.5. Le Self dans la construction du sujet

Largement répandu dans la psychologie anglo-saxonne, le terme « self » est la traduction anglaise du Soi. Il est utilisé en psychologie selon de multiples acceptions, en fonction aussi bien de l’auteur que du contexte théorique dans lequel il est utilisé. Il peut par exemple désigner une organisation narcissique du psychisme ou l’ensemble des instances psychiques. Le self peut aussi représenter dans une envolée restrictive, le champ de la

conscience. Quel que soit le sens dans lequel le terme est utilisé, il implique toujours un rapport du sujet à lui-même. En psychanalyse, le self a été interrogé par Winnicott (1978) qui va le séparer en deux : le « vrai self » et le « faux ». D’après lui, le vrai self désigne l’image que le sujet se fait de lui-même et qui correspond effectivement à ce qu’il perçoit à travers une réaction adaptée. Le faux self pour sa part, désigne une instance qui s’est constituée pour s’adapter à une situation plus ou moins anormale et contraignante. L’image qui est alors en cause est défensive et fonction de réactions inadaptées de l’environnement et est surtout représentative d’un rôle qu’on lui aurait imposé.

Kohut (2014) a considérablement influencé la psychologie anglo-saxonne par ses théories et son école, la psychologie du Self. Le point de départ de Kohut est la distinction entre les névroses de transfert (hystérie, phobies, névroses de contrainte) et les troubles narcissiques. À partir des analyses des patients présentant des troubles narcissiques, Heinz Kohut propose une vision nouvelle du narcissisme. Classiquement, le développement libidinal passe par une phase d’auto-érotisme (liées aux zones orales, anales, phalliques), puis secondairement par une phase narcissique, où l’intégration des pulsions partielles se réalise dans l’amour porté par le sujet sur lui-même, et enfin dans un troisième temps s’installe la relation d’objet, prise elle- même dans les relations œdipiennes.

Kohut va développer une perspective dans laquelle le narcissisme, loin de disparaître pour céder la place à un « stade » objectal, se maintient et évolue toute la vie, constituant un courant normal, nécessaire, de la vie psychique. Kohut rejette l’idée d’un Self qui serait une instance psychique au même titre que le ça, le moi et le surmoi. Il pose au contraire le self comme un contenu pouvant être situé à plusieurs niveaux de l’appareil psychique. D’un point de vue descriptif, le Soi correspond à une structure psychique proche du vécu, distinct en ce sens du modèle freudien de l’appareil psychique. Investi de libido narcissique, le Soi de Kohut se caractérise par une dimension de continuité et de permanence dans le temps. Selon le schéma kohutien, le narcissisme initial se scinde en deux courants du fait de la rupture de l’équilibre de l’état premier de félicité, où le self est en somme parfait (la relation avec la mère). L’enfant va chercher à rétablir cette perfection initiale en suivant deux voies. L’une est celle indiquée par Freud : ce qui est mauvais sera attribué à l’extérieur, ce qui est bon sera partie intégrante du « self narcissique », ou « self grandiose » ; l’autre voie vise à rétablir la perfection maternelle en créant par projection une image omnipotente de cet autre qui s’occupe de lui, l’« imago parental idéaliséé ». Le self grandiose et l’imago parental idéalisé vont constituer chacun le point de

départ d’une ligne de développement du narcissisme ainsi subdivisé en deux courants, le self deviendra ainsi « bipolaire » animé par la tension qui existe entre le pôle des ambitions et celui des idéaux.

C’est ici que Kohut va identifier les deux pôles du self. Les rapports du narcissisme et de l’amour d’objet sont envisagés de façon très personnelle par Kohut. Il part de l’idée que, initialement, l’enfant conçoit l’autre, l’objet, comme partie intégrante de son propre psychisme, l’objet ayant pour fonction d’assurer la continuité du self. La première relation est ainsi narcissique, adressée à une fonction plus qu’à l’objet qui la remplit, elle fait partie du self même de l’enfant, d’où les termes de selfobjet et de relation selfobjectale. Le self/selfobjet est le cœur même du développement du psychisme. L’environnement doit remplir sa fonction et fournir des selfobjets au self sous peine de gêner le développement des différents registres narcissiques.

Il peut cependant arriver que le self soit en dislocation. Kohut parlera alors de fragmentation du self pour désigner l’état de celui-ci lorsque sa cohésion est atteinte. Lorsqu’elle est très marquée, liée à l’éclatement et à la perte d’objets primordiaux narcissiquement investis, le self est réduit à des fragments du self archaïque. La fragmentation du self s’accompagne d’une angoisse de désintégration extrêmement intense. Nous pouvons noter ici la parenté avec des notions comme l’effondrement de Winnicott, les angoisses de morcellement de Mélanie Klein, les « angoisses sans nom » de Bion ou la notion de dépersonnalisation. La disparition d’un selfobjet a pour effet une fragmentation totale ou partielle du self. On peut ainsi observer des moments de fragmentation transitoire au cours d’une cure psychanalytique ou dans des périodes de particulière vulnérabilité du self comme à l’adolescence. Alors que dans les névroses, l’angoisse est liée à la « menace de castration », dans les troubles narcissiques, l’angoisse du moi est avant tout reliée à la conscience qu’il a de la vulnérabilité du self.

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