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Comment repenser une anthropologie clinique psychanalytique pour tous

Culture et construction psychique : un processus de symbolisation

3. Le champ de la psychanalyse : le rapport culture et psychisme

3.7. Comment repenser une anthropologie clinique psychanalytique pour tous

Repenser une anthropologie clinique et psychanalytique pour tous, dans cette thèse, revient à prendre part à ce débat en tentant d’élaborer, à travers l’expression de la souffrance, l’histoire intergénérationnelle du sujet dans un monde moderne, avec ce que cela comporte comme rupture de la filiation réelle ou symbolique. Cette rupture, nous la posons comme ce qui bloque la référence à l’ordre généalogique introduit par l’ancêtre fondateur.

Le point commun à tout sujet, à toutes les familles est la généalogie que nous envisageons alors comme objet universel de transmission dans un cadre qui introduit implicitement le sujet dans le respect de la loi culturelle et de sa diversité dans un monde sans frontières. S’il est facile d’imaginer l’impact de la loi culturelle dans des zones comme l’Afrique, il convient de préciser que ce respect est tout aussi valable pour la France et l’Occident. En effet, le droit dans les pays occidentaux est le reflet de la culture impliquant l’histoire des sujets. Le respect de la loi culturelle se manifeste donc dans les pays occidentaux par le respect du droit que garantissent les Etats. Ainsi, le mythe chrétien fondateur de la civilisation occidentale tout comme le mythe, présenté plus haut de Zamba chez les Bëtis du Cameroun gèrent, chacun en ce qui le concerne, les relations matrimoniales ainsi que les intérêts de la filiation consanguine et symbolique propres à leur société respective. Or, ce sont bien les relations matrimoniales qui définissent le tabou de l’inceste consanguin et symbolique de chaque société. Quant à la filiation, Govindama précise qu’elle se préoccupe implicitement d’organiser la transmission de la généalogie intégrant l’ancêtre fondateur (2006, p. 29). C’est ici que la clinique que nous proposons intègre alors l’anthropologie, avec pour but de permettre au sujet de se réapproprier sa propre culture de manière à réordonner les places dans les générations et dans la famille, ce qui est le but de toutes les cultures selon M. Mauss (1950) dans leur dimension symbolique. L’anthropologie à partir de la théorie de Mauss paraît adaptée

à la clinique que nous projetons dans la mesure où elle permet de mettre en évidence que mythe et inconscient ne s’opposent pas. Par ailleurs, Mauss laisse entendre que toutes les cultures ont mis en place les modalités de refoulement des tabous fondamentaux impliquant à travers les croyances, la gestion de l’angoisse de mort inhérente à l’humanité. C’est à ce niveau que nous pensons que la culture du sujet intégrée dans ses productions subjectives, permet d’accéder aux phénomènes inconscients et à leur interprétation.

Nous prenons donc position dans ce débat contre certains psychanalystes qui se refusent à prendre en compte la diversité des cultures pour accéder au refoulé du sujet. En effet, certains psychanalystes continuent à nier l’importance de la culture dans la compréhension du psychisme, oubliant que Freud s’est, lui-même servi de la culture pour faire une lecture de l’inconscient. Freud n’a pour ainsi dire jamais nié la fonction déterminante de la culture dans la compréhension du psychisme. Même s’il convient de dire qu’il a usé de la culture occidentale pour en faire une lecture de l’inconscient du monde entier. Peut-être qu’à cette époque évolutionniste où la culture occidentale fut imposée comme le seul modèle civilisateur, il n’a pas eu d’autre choix dans la mesure où cette culture occidentale apparaissait comme le seul modèle opérant permettant, dans sa fonction refoulante, de saisir l’inconscient. La situation, aujourd’hui, n’est plus la même. Il n’y a donc plus de raison soit de rejeter l’aspect culturel introduit par Freud lui-même, soit de rester centré sur la culture occidentale pour saisir le refoulé. Par ailleurs, les psychanalystes, ceux-là qui refusent d’admettre la culture dans le procédé analytique ou qui réfutent la diversité culturelle, se comportent comme si la psychanalyse avait fait disparaître, chez eux, les référents fondateurs. De toute évidence, c’est ce que pensait Einstein (1933) lorsqu’il interrogea Freud sur le pourquoi de la guerre. Einstein pensait alors que cette nouvelle science dont Freud était le promoteur, associait les disciples de ce dernier « aux incroyants, établissant une sorte d’équivalence entre la religion et la psychanalyse » Govindama (2006, p. 37). Cette équivalence fait effectivement disparaître le référent fondateur de la civilisation occidentale pour l’attribuer à œdipe. Cette importance qu’arbore l’implication de l’aspect culturel dans la compréhension des phénomènes psychiques, de manière à appliquer la technique psychanalytique dans une approche anthropologique du sujet intégrant son historicité, est donc tout aussi réelle pour les cultures occidentales que pour les cultures africaines ou autres. Ce qui ouvre le débat sur une remise en question de l’ethnopsychanalyse réservée aux cultures exotiques comme si l’occident n’avait pas de cultures propres, au profit d’une nouvelle conceptualisation de la psychanalyse dans une perspective d’une anthropologie psychanalytique.

Malgré le refus de certains psychanalystes à intégrer l’aspect culturel dans leur pratique clinique, nous restons, en ce qui nous concerne, convaincus que l’implication de la culture à travers la généalogie comme objet universel de transmission dans toutes les civilisations est la base d’une anthropologie clinique psychanalytique pour tous susceptible d’appréhender le fonctionnement mental de tout sujet en tout lieu

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